C’était le 29 octobre 1965, le leader de la gauche marocaine, Mehdi Ben Barka, était enlevé à Paris. Jeune Afrique rappelle les faits : « Deux policiers français l’interpellent près de la brasserie Lipp et le font monter dans une voiture banalisée. À son bord se trouve Antoine Lopez, cadre d’Air France à Orly, mais surtout informateur du SDECE, le contre-espionnage français. Les trois hommes informent Ben Barka qu’une personne importante souhaite le rencontrer. Ben Barka coopère. Il ne le sait sans doute pas, mais ce sera son ultime voyage. »
« La voiture est conduite à Fontenay-le-Vicomte, dans une villa appartenant à un truand français. Le guet-apens se referme. Après ? Plus rien de sûr, et surtout, il n’y aura jamais aucune trace du corps de l’opposant marocain à Hassan II. (…) Si les principaux protagonistes du rapt sont connus, pointe encore Jeune Afrique, les rôles des différents États impliqués le sont beaucoup moins. La décision d’enlever Ben Barka vient assurément du royaume chérifien, mais c’est plus du côté français que les questions se posent. En France, les procès ont montré que différents services avaient joué un rôle dans la perpétration du crime. »
Cadeau ?
Plus de 50 ans après, donc, pas moins de 89 documents issus des archives des renseignements français et datés en partie de l'année de disparition de l'opposant marocain Mehdi Ben Barka, en 1965, pourraient être fournis à la justice française sous peu. « C’est un cadeau de François Hollande, à quelques jours de la fin de son mandat », s’exclame le site d’information Afrik.com.
« C’est une des dernières décisions prises par le Président François Hollande que les Marocains salueront à sa juste valeur », lance également le site Perspectives Med. « Cette déclassification pourrait en effet contribuer à élucider le mystère qui entoure depuis toujours l’affaire Ben Barka, poursuit Perspectives Med. Détaillés dans le Journal officiel français du 5 mai 2017, les 89 documents comprennent, en grande majorité des rapports, des procès-verbaux et des notes des services secrets liés à l’enquête judiciaire. »
Pour l’instant, la famille de l’opposant marocain reste prudente. Contacté par l’hebdomadaire marocain Tel Quel, Bachir Ben Barka, le fils du leader socialiste, confie attendre la confirmation du ministre français de la Défense, Yves Le Drian, concernant la levée du secret défense. « Je ne veux pas m’avancer sur le contenu de documents dont nous ne savons rien du tout, nous attendons qu’ils soient communiqués au juge pour donner une appréciation », déclare-t-il. Bachir Ben Barka a, par ailleurs, « appelé les autorités marocaines à "faire un geste" car, dit-il, "la responsabilité de dévoiler la vérité est bilatérale, partagée entre le Maroc et la France" », apprend-on dans Tel Quel.
Patate chaude ?
« Saura-t-on jamais la vérité ? », s’interroge Le Pays au Burkina. « C’est à juste titre que le fils du disparu redoute que, dans les 89 documents à déclassifier, certains ne soient encore frappés du sceau de la confidentialité. Cela dit, on en vient à se poser la question suivante : pourquoi le président français, qui avait promis de rendre publics ces documents, a-t-il attendu la fin de son quinquennat pour le faire ? Sans doute voulait-il refiler la patate chaude à son successeur. »
En tout cas, relève encore Le Pays, « même si dans le cas d’espèce, certains bourreaux de Ben Barka ne sont plus de ce monde, on peut s’estimer heureux des avancées que le dossier vient de connaître sur le plan judiciaire. Reste maintenant à espérer que les responsabilités des uns et des autres seront situées. »
« En attendant, pointe Aujourd’hui, toujours à Ouagadougou, il faut saluer le cadeau de fin de mandat de François Hollande. Il reste à espérer que la dynamique soit poursuivie par son successeur, Emmanuel Macron, car d’autres dossiers attendent aussi de jouir de la même faveur. C’est le cas des documents sur l’assassinat du capitaine Thomas Sankara qui cherchent également à être déclassifiés. Pareil pour les circonstances de la mort de nos confrères de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon. Autant de crimes non élucidés, auxquels le nom de la France est mêlé et qui attendent que le pays de François Mitterrand se lave de tout soupçon. »