A la Une: François Fillon mis en examen

L’information a surpris hier, non pas par sa teneur mais par son timing. En effet, la convocation de François Fillon était prévue ce mercredi matin. En fait, constate Libération, « à la demande de François Fillon, l’audition a été avancée de vingt-quatre heures. 'Pour en garantir la sérénité', explique son avocat Antonin Lévy. Le candidat de la droite aura donc échappé aux images infamantes de son arrivée au Parquet national financier, escorté par une nuée de journalistes. Il n’a pas échappé, en revanche, à une triple mise en examen pour 'détournement de fonds publics, recel et complicité d’abus de biens sociaux' et 'manquement aux obligations déclaratives à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique'. (…) Plutôt que de répondre aux questions des juges, relate encore Libération, Fillon a choisi de s’en tenir à la lecture d’une déclaration, aussitôt rendue publique. Fidèle à sa ligne de défense, il soutient que la justice ne peut pas, 'sans violer la séparation des pouvoirs', enquêter 'sur le travail d’un parlementaire et la manière dont celui-ci s’organise avec ses collaborateurs' Une fois que sa mise en examen lui a été signifiée et le procès-verbal signé, il est reparti en fin de matinée. S’efforçant de poursuivre sa campagne. »

Comme si de rien n’était ? Le Figaro n’est pas loin de le penser… En effet, le quotidien d’opposition relègue l’information en page 6. « À force d’être annoncée, programmée, anticipée, cette mise en examen n’est pas un nouveau coup de tonnerre de nature à chahuter plus encore la campagne présidentielle, affirme Le Figaro. En termes de dégâts politiques et d’impact sur son image, pour Fillon, le mal est déjà fait. Et depuis sept semaines maintenant ; depuis les premières affirmations du Canard enchaîné, le 25 janvier. (…) Sa mise en examen reste un boulet, mais ce n’est plus une épée de Damoclès, estime encore Le Figaro. Son affaire émettra toujours un bruit de fond désagréable pour lui, mais ne sera plus une interférence rendant totalement inaudible le reste de sa campagne. Mais ne plus reculer dans les sondages n’est pas suffisant pour François Fillon, prévient le quotidien d’opposition ; il lui faut remonter et faire baisser Emmanuel Macron à son tour. En espérant que le débat présidentiel pourra enfin se dérouler projet contre projet. »

Question de conscience

En fait, complètent Les Echos, « mis en examen, François Fillon fait le pari que la crise est derrière lui. Il mise sur son projet en espérant que les Français, lassés des affaires, suivront. » Et le quotidien économique de s’interroger : « avoir finalement bien paré l'événement, lui permettra-t-il de regagner des électeurs perdus ? C’est évidemment une autre histoire. Le feuilleton judiciaire va continuer, ses adversaires politiques ne vont pas lâcher, son discours 'de fond' sera pollué, et si son socle électoral tient bon, le nombre de Français qui ont de lui une opinion 'très négative' atteint des records. »

C’est une question de conscience, avance La Croix… « Le scrutin étant tout proche, et puisque François Fillon a décidé de maintenir sa candidature contrairement à ses déclarations initiales, la parole appartient désormais aux électeurs. Certains estimeront que les faits – dont beaucoup ont été confirmés par l’intéressé lui-même – posent un sérieux problème, sinon en termes de légalité, du moins de moralité, surtout pour un candidat qui avait placé sa candidature sous le signe de l’exemplarité. D’autres au contraire, attachés à la lettre du droit, mettront en priorité le programme du candidat et sa capacité à gouverner. Dilemme, conclut La Croix, que chacun devra trancher en conscience. »

Reste tout de même, soupire Ouest France, que « rien n’empêchera l’Histoire de retenir que, le 14 mars 2017, pour la première fois, un candidat à une présidentielle, grand favori deux mois avant, a été mis en examen à quarante jours du scrutin. François Fillon bénéficie de la présomption d’innocence, principe fondamental de notre droit. Depuis quinze jours que la décision est annoncée, il n’y a factuellement rien de neuf. Pourtant, cette mise en examen est un boulet. »

Alors deux cas de figure, poursuit Ouest France : « les plus optimistes de son camp veulent encore croire que sa capacité de résistance finira par forcer l’admiration d’un électorat qui a intégré cette mauvaise nouvelle. Les plus pessimistes pensent au contraire que, scotché autour de 20% des intentions de vote, François Fillon ne parviendra pas à demander aux Français, peu nombreux à jouir des mêmes cadeaux, de jouer les vertueux. »

Le débat de lundi soir

Et tous les regards se portent désormais sur le calendrier, avec le week-end prochain avec une série de grands meetings et surtout lundi soir, le débat télévisé qui va réunir les cinq principaux candidats…
« A quoi va pouvoir ressembler le débat de lundi soir sur TF1 ?, s’interroge la Nouvelle République du Centre ouest. Entre François Fillon mis en examen, Marine Le Pen qui refuse de répondre aux convocations du juge, une enquête ouverte autour d’Emmanuel Macron même s’il n'est pas directement mis en cause… ou le représentant du parti au pouvoir, Benoît Hamon, lâché par la moitié de son camp. Et poignardé par Manuel Valls. Pour les observateurs de l’étranger habitués à écouter toutes les leçons que la France veut bien donner, le spectacle aura comme un goût d’amertume. Voire de forte amertume. »

« La vraie campagne va débuter lundi soir pour un grand débat télévisé à cinq, pointe aussi La Charente Libre. Fillon a déjà plusieurs fois renversé le poids de la charge sur ses adversaires, il ne semble pas douter de pouvoir le refaire. Ce petit jeu ne pourrit pas seulement la campagne présidentielle, soupire le quotidien charentais, il ruine la confiance dans la politique et donc la démocratie. Dernier paradoxe : il fait le lit de la candidature de Marine Le Pen, elle-même sous la menace d’une mise en examen. »

Enfin, L’Union joue la dérision… « Il reste 40 jours. À peine plus d’un mois, pour se faire une opinion. La justice accélère, certes, mais le temps est compté. Parviendra-t-elle à mettre tous les candidats en examen ? Pas sûr. 40 jours, c’est peu, ironise le quotidien champenois, pour passer au peigne fin tous les tickets de pressing des postulants, leurs déclarations fiscales sur un quart de siècle, celles des enfants et petits-enfants, les analyses de sang des oncles et tantes. Hier, les magistrats ont réalisé un joli doublé : mise en examen de Fillon et ouverture d’une enquête préliminaire concernant le déplacement de Macron à Las Vegas. »

On attend la suite…

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