A la Une: délit financier ou cabale politique?

Maire de Dakar depuis 2009, Khalifa Sall, dissident de la majorité au pouvoir et probable candidat à la présidentielle sénégalaise de 2019, a été inculpé et écroué avant-hier pour détournement présumé de fonds publics. Il rejette les accusations portées contre lui. Ses partisans dénoncent « une cabale politique ».

De quoi est-il accusé exactement ? Réponse de Baba Gallé Gadio, le Secrétaire d’Etat chargé de la communication, sur le site d’information SénéNews : « il est reproché à Khalifa Sall, dit-il, de n’avoir pas pu fournir de justificatifs par rapport à l’utilisation du fonds de la caisse d’avance mise à sa disposition. Une caisse destinée à aider les personnes vulnérables ou malades. Or, la gestion de cette caisse d’avance est réglementée. Elle doit être gérée selon des règles de comptabilités. Ce que Khalifa Sall semble n’avoir pas respecté. »

Délit d’opposition ?

La presse sénégalaise est pour le moins dubitative… Et certains quotidiens n’hésitent pas à parler de coup politique. En fait, explique Walf, « les caciques de l’APR, le parti présidentiel, n’ont jamais digéré que la capitale soit dirigée par un opposant qui ne cache plus son ambition de conduire une liste aux législatives contre la volonté de son propre parti. Mieux, l’APR à Dakar, qui a toujours perdu la capitale face à Khalifa Sall, ne souhaite pas mordre à nouveau la poussière à quelques deux ans de la présidentielle pour laquelle Khalifa Sall a déjà affiché sa position : faire face à Macky Sall. Et dans les prochains jours les Apéristes donneront le signal pour exiger la mise sous délégation spéciale de la mairie de Dakar et porter ainsi l’estocade à Khalifa Sall. »

Finalement, poursuit Walf, « la stratégie de Macky Sall consiste à écarter systématiquement tous ceux qui sont susceptibles de le battre lors des prochains scrutins pour se retrouver avec un score à la soviétique. Et il s’appuie sur la justice pour atteindre son objectif qui consiste d’abord à emprisonner ses principaux rivaux et ensuite les rendre inéligibles. »

« Macky invente le délit d’opposition », renchérit le quotidien Enquête. « De 2012 à aujourd’hui, ils sont des dizaines d’opposants à avoir été emprisonnés. Appartenir à l’opposition semble être érigé en délit. Après le Parti démocratique sénégalais soumis au rouleau compresseur de la justice pendant trois ans, c’est désormais au tour de la coalition Taxawu Dakar. […] Comme quoi, poursuit Enquête, sous l’ère Macky Sall, il n’est pas bon d’être de l’opposition au risque de se voir payer un mandat renouvelable à la prison de Rebeuss. »

Posture victimaire ?

Attention, lance pour sa part Ledjely.com en Guinée, certes, « Khalifa Sall est un opposant qui dérange… Cependant, n’est-il pas trop facile de crier tout de go à l’acharnement ? Cette posture victimaire qu’adoptent tous les opposants n’est-elle pas en réalité la véritable instrumentalisation ? En tout état de cause, il convient de rappeler que ce sont 2,7 millions d’euros du contribuable sénégalais qui sont en jeu. Une somme mise à la disposition de la municipalité de Dakar et dont on n’aurait pas retrouvé les traces. Or, selon un rapport de l’Inspection générale d’Etat, il n’y aucune justification qui permettrait de se faire une idée de ce à quoi cet argent a servi. Si toutes ces accusations sont fondées, il est normal et même nécessaire, estime Ledjely, que le maire de Dakar donne des explications. A défaut, il doit rendre compte. »

En tout cas, relève Aujourd’hui au Burkina, « cette affaire Khalifa Sall est grosse de danger pour la coalition Benoo Bok yaakar qui a porté Macky Sall au pouvoir en 2012, car elle rapproche les opposants. Ainsi, Tanor Dieng s’est-il mis du côté de Khalifa Sall sans compter le PDS des Wade qui observe non sans intérêt et qui a pris langue avec les frondeurs. Si on ajoute les mécontents de l’APR/yaakar, le parti originel de Macky Sall, eux qui estiment que les postes les plus “viandeux” sont revenus à des alliés, militants de la 25e heure s’il en est, la présidentielle de 2019 assurément ne sera pas une promenade de santé pour le 2e artisan de l’alternance au Sénégal. »

Et Aujourd’hui de conclure : « l’unité sacrée de l’opposition qui se dessine pourrait bien ébranler les ambitions de Macky Sall de valider son premier mandat par un second. »

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