A la Une: Fillon parti pour rester

« Ils les a eu », s’exclame Le Parisien en première page, avec la photo d’un François Fillon plutôt goguenard… « Six jours de tractations, de coups bas et de trahison pour à l’arrivée… rien. François Fillon reste le candidat de la droite à la présidentielle. Hier soir, après une heure trente de palabres au siège du parti à Paris, le comité politique des Républicains a annoncé qu’il renouvelait 'à l’unanimité' sa confiance au vainqueur de la primaire. Une famille politique rassemblée et unie derrière son champion : voilà donc la belle image qu’on va désormais essayer de montrer, après un énième psychodrame dont la droite a le secret. »

Le Figaro pousse un ouf de soulagement… « Il était temps ! Après l’annonce de son retrait par Alain Juppé, il semblerait qu’un peu de bon sens revienne enfin à droite. » Alors maintenant, « en campagne et vite ! », lance le quotidien d’opposition. « Est-ce à dire que la bataille sera facile ? Évidemment non, reconnaît Le Figaro. La faute morale confessée par Fillon et les déchirements qu’elle a provoqués ont creusé chez nombre d’électeurs des préventions légitimes qui ne se laisseront pas aisément surmonter. Mais le combat n’est pas (encore) perdu pour autant. Le vainqueur de la primaire reste ardemment soutenu par une large partie des électeurs de la droite et du centre. »
Mais non, grince Libération, « la droite française se retrouve avec un candidat affaibli et, aux yeux de beaucoup d’électeurs, discrédité. » En fait, poursuit Libération, « le grand bénéficiaire de cette séquence s’appelle Emmanuel Macron. Non seulement il peut récupérer nombre d’électeurs de la droite républicaine rebutés par Fillon, mais cet afflux peut aussi entraîner vers lui une partie de la gauche. Voyant dans les sondages que Macron a une plus grande chance de battre Fillon et de figurer au second tour, ils seront tentés d’assurer cette victoire pour chasser le cauchemar d’un second tour Fillon-Le Pen. Le calcul cynique de Fillon se retourne contre lui. Il croit se sauver ; il aide ses adversaires. Les Français sont donc plus sages qu’on ne croit. Et Macron devrait remercier Fillon pour le cadeau qu’il vient de lui offrir. »

A quel prix ?

En tout cas, relève Le Midi Libre, « l’obstination a fini par payer. François Fillon a donc sauvé sa tête. Comme si de rien n’était. Mais à quel prix ? Les Républicains sortent en miettes de ce triste vaudeville. La plupart des cadres ont quitté le navire ou se sont couchés devant l’homme providence. À la tête d’un troupeau de moutons, François Fillon peut désormais reprendre normalement sa campagne. Reste au miraculé un ultime obstacle à franchir : sa visite chez le juge, le 15 mars, et une probable mise en examen. »

Certes, « François Fillon a sauvé sa peau, mais à quel prix ?, lancent également Les Echos. Si une victoire présidentielle implique le 'rassemblement' d’un camp, comme l’a rappelé Alain Juppé, la primaire puis les difficultés ont au contraire conduit le candidat à se rétrécir. François Fillon a fait appel au noyau dur de ses sympathisants pour le soutenir au Trocadéro. Sens commun, émanation de la Manif pour tous, joue désormais un rôle central, sur les plateaux de télévision, dans l’organisation de la manifestation, et même dans l’envoi d’un mail ce lundi invitant ses militants à écrire à Valérie Pécresse et à Xavier Bertrand pour qu’ils soient 'bienveillants' à l’égard de François Fillon. » Et Les Echos de s’interroger : « le candidat peut-il se recentrer, sur son projet comme sur les hommes, quand il doit sa vie puis sa survie à l’aile la plus radicalisée de la droite ? C’est l’un de ses -nombreux- défis. »
Oui, « Fillon a gagné la bataille tactique, renchérit L’Alsace. Le voilà donc reparti à la tête d’une armée, fut-elle en déroute, déboussolée. Les responsables du parti Les Républicains ont effectué un repli en rase campagne et apporté leur soutien unanime à François Fillon. Il leur reste désormais à trouver la parade pour que leur candidat redevienne audible et crédible. Le plus dur reste à faire. »

La vraie mort de l’UMP

D’autant que le fossé s’est creusé à droite, déplore le Républicain Lorrain : « 'Quel gâchis !' : sur ce point au moins, on ne trouvera personne pour donner tort à Alain Juppé, soupire le journal. Gâchis pour François Fillon, mais surtout pour la droite et le centre. Même réduite dans la douleur par le comité politique, la fracture entre deux droites irréconciliables parachève la banalisation de l’extrême droite, souffle encore le quotidien lorrain. Gâchis pire encore pour la démocratie française. Toute une démocratie paralysée par l’impuissance d’un seul parti, voilà le vrai gâchis, voilà le vrai scandale. »

Et finalement, estime Le Monde, « c’est la fin de l’UMP, ce grand mouvement de la droite et du centre voulu en 2002 par Jacques Chirac pour contrer le FN. En laissant entendre que ses électeurs ne sauraient se reporter sur le maire de Bordeaux, jugé trop centriste et surtout trop 'identité heureuse', François Fillon a théorisé deux droites irréductibles. (…) Et désormais replié sur un carré d’irréductibles (Baroin, Chatel, Ciotti, Retailleau), François Fillon mène campagne à la façon d’un forcené. Rien ne peut l’arrêter. »

Hollande : raison et sentiments

Enfin le portrait de Libération ce mardi est un portait un peu particulier… D’abord parce qu’il a été fait, comme une bonne partie du journal d’ailleurs, par des réfugiés : iraniens, syriens, soudanais, ou encore colombiens, russes ou afghans ; mais aussi parce que la personnalité choisie n’est autre que… François Hollande. Le chef de l’Etat a accepté en effet de se prêter au jeu. Les interviewers d’un jour ont tenté de percer la carapace du président pour en faire ressortir l’humain… Mission difficile. A la question « vous vous sentez tout seul ? » François Hollande répond : « Jamais. Je représente une force collective. J’ai veillé durant toutes ces années à ne pas m’isoler. » Pourtant, relatent les interviewers, « un autre François Hollande est tout d’un coup apparu à la table. Humain. Fragile. Déjà un peu mélancolique. Quand il dit qu’il ne se sent pas seul, on entend tous le contraire. Est-ce à cause du timbre de sa voix ? De la position de ses épaules ? Du regard qui tombe un peu plus ? Son corps a semblé nous dire l’inverse de ses mots. »

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