Opposant, de père en fils, contre président, de père en fils….

En matière de dévolution dynastique du pouvoir, en Afrique, pouvoirs et oppositions se valent. Pour le poste de Premier ministre en République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi serait le candidat du Rassemblement de l’opposition. Mais Joseph Kabila n’en veut manifestement pas. Pouvoir héréditaire contre opposition héréditaire...

En RDC, le nom du nouveau Premier ministre se fait toujours attendre. Le président Joseph Kabila demande une liste de trois noms au Rassemblement de l’opposition...

A l’évidence, le chef de l’Etat congolais n’entend pas se voir imposer, comme Premier ministre, le fils de l’opposant que lui-même a reçu, en héritage, de son propre père. S’il exige, de manière non négociable, une liste de trois noms, c’est pour faire son choix. D’autant qu’il s’agit de la personnalité qui l’accompagnera – le secondera – durant la transition vers la fin théorique de son règne. L’adage dit qu’il vaut mieux être seul que mal accompagné, surtout lorsque l’on se dirige vers la sortie. D’où, sans doute, son insistance à choisir l’accompagnant.

Mais, tout se passe comme si la disparition d’Etienne Tshisekedi avait, d’un coup, ramené la RDC à la situation d’avant la médiation de l’épiscopat et aux tensions d’avant l’Accord de la Saint-Sylvestre. Et tout cela, manifestement, parce que le choix du Rassemblement, porté sur Félix Tshisekedi, ne convient pas à Joseph Kabila. Qui sait ? Peut-être n’apprécie-t-il tout simplement pas cette succession dynastique que Etienne Tshisekedi semble avoir organisé à la tête de l’opposition congolaise.

D’aucuns pourraient lui rappeler sa propre histoire

Félix Tshisekedi dit ne pas « briguer clairement » le poste de Premier ministre. Ce serait plutôt le souhait de l’ensemble de ses partenaires de l’opposition. Il demeure que son père avait écarté, les uns après les autres, tous les prétendants à sa succession au sein de l’UDPS, comme pour sécuriser la place pour son fils. Et tout le monde semble persuadé que c’est bien le nom de Félix Tshisekedi qui était dans la mystérieuse enveloppe destinée au chef de l’Etat et que les évêques auraient gardée, à la demande de Joseph Kabila. Cela signifie clairement que, tout en se faisant attribuer la présidence du Conseil national du suivi de l’Accord, poste qui était, de fait, une doublure de la magistrature suprême, Etienne Tshisekedi rêvait de la primature pour son fils. La question que se posent certains est, dès lors,  de savoir si le leader de l’UDPS aurait tout de même choisi son fils comme Premier ministre, tout en étant, lui, à ce poste qui équivaut à une doublure du chef de l’Etat.

La conséquence de tout ce leadership teinté de succession dynastique est que sa dépouille à lui, le pape de l’opposition congolaise, se retrouve, de fait, en déshérence, loin, là-bas, au pays des Blancs, attendant désespérément de reposer dans sa dernière demeure. Pendant ce temps, ses héritiers ont engagé avec le pouvoir de Joseph Kabila un bras de fer qui pourrait s’éterniser.

Nous avons passé tellement de temps à nous époumoner, à l’unisson avec les opposants, pour dénoncer ces successions dynastiques que nous restons sans voix, lorsque ce sont les opposants qui, à leur tour, cèdent le pouvoir à leur progéniture ou tentent de le leur céder. Mais nous savons aussi que nombre d’opposants ne rêvent que de prendre la place de ceux qu’ils combattent, pour faire, en lieu et place des pouvoirs en question, exactement ce qu’ils leur reprochaient.

Il n’y en a tant que cela, au fond. Et puis, l’éveil des consciences, aujourd’hui, fait que les tentatives échouent avant d’avoir connu le moindre petit début d’exécution. Nous avons encore à la mémoire le cas, emblématique, d’Abdoulaye Wade et de son fils

Comment continuer à accabler les dirigeants qui s’entourent des leurs au pouvoir, lorsque l’on réalise que les opposants aussi se comportent de la même manière ? D’aucuns vous diront que les opposants d’aujourd’hui sont les dirigeants de demain. Même si cela prend parfois une éternité, les tenants du pouvoir d'aujourd’hui étaient, pour la plupart, des opposants hier. C’est donc, au fond, l’espèce humaine, avec ses qualités et ses faiblesses, qui fait de l’opposition aujourd’hui et exercera le pouvoir demain. Mais il faut distinguer les promotions données à sa progéniture dans son gouvernement de sa succession au pouvoir, organisée par certains.

Dans les années 80, François Mitterrand, alors chef de l’Etat français, avait décidé un jour de nommer son fils, Jean-Christophe Mitterrand, au poste de conseiller pour les Affaires africaines. Notre confrère Pierre Haski avait alors écrit, dans le quotidien Libération, que si cela avait été un chef d’Etat africain qui donnait une telle promotion à son fils, l’on aurait crié au népotisme. Il ne serait jamais venu à l’idée à Mitterrand de positionner son fils pour devenir chef de l’Etat. En Occident comme en Afrique, grâce à la vigilance des populations, certaines successions dynastiques à la tête des Etats ont échoué et c’est le cas d’Abdoulaye Wade au Sénégal.

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