Créée en 2008, la plateforme Wari est devenue en l'espace de quelques années une entreprise incontournable, utilisée au quotidien par de nombreux Sénégalais pour payer leurs factures, recevoir et envoyer de l'argent. Cette société qui offre des services financiers à faibles coûts a dès le départ eu pour objectif d'investir dans le secteur des télécoms, explique son PDG, Kabirou Mbodj : « nous avons créé cette plateforme Wari pour permettre d'initier cette inclusion financière, mais il manque le dernier maillon : la connectivité pour que quel que soit l'endroit où on est, on puisse avoir accès aux services et aides inclues financièrement ou économiquement. C'est pour cela que nous avons acquis Tigo. Et maintenant avec Tigo on va créer une communauté Wari qui va permettre aux gens de bénéficier d'encore plus de services et d'être encore plus confortables dans leur vie au quotidien ».
Fierté nationale et exigence de la qualité
Pour l'instant les deux structures restent distinctes, puis une « communauté » sera créée avec des services communs proposés par Tigo et Wari, d'après cette dernière. L'entreprise sénégalaise n'en dit pas beaucoup plus pour le moment. Mais cette fusion suscite l'engouement dans les médias et sur les réseaux sociaux « Ça montre que le nationalisme est quelque chose de vivace dans nos pays et il faut le saluer, que les entrepreneurs sénégalais peuvent reprendre des pans de souveraineté de nos économies pour le bien-être de nos populations », conclut Kabirou Mbodj.
Au Sénégal, les offres en matière de téléphonie mobile sont souvent perçues par les consommateurs comme trop chères et de qualité insuffisante. En rachetant Tigo, Wari affirme vouloir reproduire son modèle économique en offrant des services de meilleure qualité à un tarif plus abordable. A la sortie d'une boutique Tigo à Dakar, deux clients viennent d'apprendre la nouvelle du rachat : « le geste, on l'apprécie. C'est un sénégalais qui achète, on espère qu'il fera mieux que ce que Tigo faisait en termes de prestation de service. Quand on est hors de Dakar, on a souvent des difficultés, surtout en banlieue », explique le premier client. Le deuxième client estime que « c'est une très bonne chose parce que c'est une société 100% sénégalaise, donc on se dit que Tigo devient également 100% sénégalais et c'est bon pour l'entrepreneuriat sur le continent. Pour moi, ce que je recherche c'est un bon service à moindre coût. Si Tigo offre cela, je l'utilise ; patriotisme ok, mais ma satisfaction d'abord ».
Inciter les opérateurs à offrir de meilleurs services
Selon l'Association des utilisateurs des technologies de l'information et de la communication, qui défend les intérêts des consommateurs, cette acquisition pourrait séduire de nouveaux clients pour des raisons de patriotisme. Mais au-delà de l'euphorie, Wari a tout intérêt à améliorer la qualité des services fournis par Tigo et à communiquer sur la transaction financière qui vient d'avoir lieu, explique Ndiaga Guèye, président de l'association : « Tigo ne constitue pas pour les Sénégalais une image positive qui pourrait être le véhicule d'une nouvelle activité commerciale. Depuis le début de cette transaction il y a toute une communication axée sur le patriotisme économique que les Sénégalais doivent développer, parce que Tigo a été acheté par un sénégalais qui a connu une certaine réussite. Mais cette société traîne aussi beaucoup de casseroles. Par conséquent le mariage entre Tigo et Wari ne constitue pas un présage d'un écosystème numérique favorable aux Sénégalais ».
Deuxième opérateur téléphonique du Sénégal, Tigo reste cependant loin derrière la filiale locale du groupe français Orange. Mais cette nouvelle concurrence est bien évidemment source d'intérêt pour les autres opérateurs téléphoniques du pays, Orange et Expresso, qui réagiront probablement en proposant de nouvelles offres à leurs clients et une baisse des tarifs.