Le danger Le Pen pénalise la dette française

Le rendement de la dette française est en train de s'envoler : il a atteint hier un pic de 17 mois, à cause « dit-on », des incertitudes liées à l'élection présidentielle.

C'est au lendemain du meeting de Marine Le Pen à Lyon où elle a détaillé son programme économique que le taux des obligations françaises à 10 ans a vraiment bondi. Car avec les déboires de François Fillon empêtré dans le « Penelopegate » et avec l'émiettement de la gauche, la victoire de la candidate du Front National, de l'extrême droite, semble de plus en plus à portée de main. Cette perspective fait peur, elle fait fuir les investisseurs. 

Sur le marché, le rendement de la dette française est aujourd'hui de 1,13% alors que celui de la dette allemande a baissé à 0,37%. L'écart entre ces deux titres a plus que doublé en quatre mois. Les investisseurs préfèrent acheter la dette d'un pays où l'élection prévue à l'automne ne bouleversera pas l'avenir plutôt que celle d'un pays qui pourrait entrer en zone totalement inconnue à l'issue du scrutin présidentiel du printemps.

Le retour au Franc et la renégociation des traités européens proposés par Marine Le Pen pourraient faire exploser le fardeau de la dette française ?

D'après Standard and Poor’s, l'une des trois agences qui fait toujours la loi sur la notation souveraine, l'abandon de l'euro sans concertation mettrait la France en situation de défaut de paiement. Cette hypothèse est extrême. Cela implique que Marine Le Pen soit élue, qu'elle ait une majorité au Parlement et qu'elle fasse vraiment ce qu'elle promet.

Même si elle est en tête du premier tour dans tous les sondages, la probabilité qu'elle l'emporte au suivant est assez faible, selon la banque JP Morgan. Dans une note intitulée « Comment se couvrir contre le risque politique français », la banque américaine estime à 3% seulement la crédibilité de ce scénario.

Le deuxième scénario envisagé, Marine Le Pen présidente sans majorité parlementaire est probable à 25%, et dans ce cas elle pourrait légiférer à travers des référendums. C'est pourquoi, même si l'élection d'un candidat pro-euro est l'hypothèse la plus plausible dans cette étude, la banque considère qu'étant donné le risque important, il est plus prudent de se débarrasser de la dette française.

Ces extrapolations font le jeu des spéculateurs 

Il y a aujourd'hui des fonds qui parient sur ce scénario. Et ils pourraient en être pour leur frais, comme ils l'ont été en 2012, prévient Bercy, un brin agacé par ce tangage sur le marché de la dette. Mais ce risque n'est pas qu'une pure invention de financiers avides de gains. Le gouverneur de la Banque de France est assez inquiet pour chiffrer le coût de la sortie de l'euro dans une tribune publiée ce matin par Le Figaro. François Villeroy de Galhau estime que le retour au franc coûterait à terme 30 milliards d'euros par an à l'État français.

Et puis si ce scénario de Marine Le Pen à l'Élysée a le vent en poupe, c'est aussi parce que les investisseurs plus classiques sont en train de réajuster le niveau du risque politique qu'ils ont complètement sous-estimé en 2016. Depuis l'élection de Trump à la Maison Blanche, ils revoient leurs tablettes et considèrent que ce qui était impensable hier pourrait survenir dès demain.

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