Abdoulie Janneh: «J’espère que l’on est en train de rentrer dans une nouvelle ère» en Gambie

Hommes politiques, journalistes, intellectuels, fonctionnaires… ces deux dernières décennies, de nombreux citoyens gambiens ont dû fuir leur pays, où Yahya Jammeh a fait régner la terreur. Son départ est un grand soulagement. Abdoulie Janneh est installé au Sénégal depuis trois ans. Ancien fonctionnaire des Nations unies, il est aujourd’hui le directeur exécutif de la Fondation Mo’Ibrahim à Dakar. Interrogé par Bineta Diagne, Abdoulie Janneh donne ses impressions en tant que membre de la diaspora, sur cette nouvelle ère qui semble se dessiner dans son pays, la Gambie.

RFI : Comment avez-vous réagi lorsque vous avez vu, à la télévision gambienne, Yahya Jammeh annoncer son départ du pouvoir ?

Abdoulie Janneh : C’est toujours un plaisir de voir le transfert de pouvoir à travers ces élections.

Cela a pris du temps pour que ces résultats-là soient acceptés. Est-ce que cela vous étonne ?

On est en train de traiter avec quelqu’un qui n’est pas un démocrate, qui ne s’attendait pas à sa défaite et donc cela l’a beaucoup surpris. Nous tous aussi parce qu’on ne croyait pas que l’on pourrait organiser des élections libres et transparentes en Gambie.

Pendant 22 ans, votre pays a connu un régime de la terreur, de l’oppression. Aujourd’hui, est-ce que tout cela est terminé ? Est-ce que l’on tourne une page douloureuse de l’histoire de la Gambie ?

Espérons-le. Espérons que nous avons tourné cette page difficile. Nous sommes dans une sous-région qui maintenant accepte de partager, qui a des valeurs. Le respect de ces normes, surtout dans le domaine de la gouvernance, appartient à chaque pays, mais nous avons maintenant une organisation qui est là, aussi, pour insister sur le respect de ces valeurs.

Il y a énormément de choses à faire aujourd’hui. Qu’est-ce qui, dans tous les chantiers qui s’annoncent pour redresser votre pays, vous paraît prioritaire ?

Ce que j’espère, c’est que nous sommes en train de rentrer dans cette nouvelle ère où on va assurer le développement socio-économique de notre pays. Cependant, ce développement doit être basé sur le respect des droits de l’homme, sur la libre expression et surtout sur l’Etat de droit. Si nous arrivons à faire cela, le développement suivra. Etablissons ces normes, d’abord.

Il faudra aussi s’assurer que nous avons une fonction publique qui marche parce qu’elle a été décimée par Jammeh. Il y avait, à chaque fois, des arrestations et c’était donc difficile. Nous n’avions pas un Etat qui marchait bien.

Il y a énormément de Gambiens qui sont exilés, qui vivent depuis des années aux Etats-Unis, au Sénégal surtout, parce qu’ils ont fui le régime à cause de la menace ou bien parce qu’ils ont été emprisonnés un temps et qu’ils sont partis après cela. Comment vit-on lorsqu’on est exilé, loin de son pays, loin de sa famille ?

Je ne suis pas exilé mais j’ai vécu pendant plusieurs années à l’extérieur, aux Etats-Unis, à Addis-Abeba, au Niger, au Ghana. Même si je n’étais pas réfugié, c’est difficile d’habiter hors de chez soi et si on est forcé de le faire, c’est encore pire. Ce n’est pas facile pour eux. Il y a certains qui arrivent à bien se caser et qui trouvent un travail, mais il y en a d’autres qui travaillent aussi et qui vivent dans des conditions très difficiles. Maintenant, s’ils ont une possibilité de rentrer chez eux, espérons qu’on établira des conditions propices pour faciliter leur insertion ainsi que leur participation dans la vie socio-économique de notre pays.

Vous-même, vous faites partie des Gambiens de la diaspora, de cette diaspora intellectuelle, bien formée, et qui pourra apporter beaucoup à son pays. Est-ce que vous seriez, aujourd’hui, encouragé à rentrer en Gambie, maintenant que les choses peuvent changer ?

Tout à fait. Mais, vous savez, je vis à Dakar. Ce n’est pas loin. J’ai déjà assuré le président Barrow et son équipe de ma disponibilité et d’aider. Ce sont à eux de voir de quelle manière. Je suis là, j’ai une expérience du développement et je suis donc prêt à la mettre à disposition.

 

Partager :