avec notre correspondante en Allemagne,
Petit retour en arrière : le 8 décembre dernier, le maire de Berlin, Michael Müller, du SPD, signe un accord de coalition avec les Verts et les néo-communistes de die Linke. Près de 30 ans après la chute du Mur, cette coalition avec les héritiers de la dictature Honecker fait grincer bien des dents, notamment dans les rangs de la CDU qui moque volontiers « les chaussettes rouges », surnom peu amène donné sous la RDA aux membres du parti unique SED.
Dès la mi-décembre 2016, les hostilités se cristallisent sur la personnalité de Andrej Holm, 46 ans, sociologue de la très réputée université Humboldt de Berlin, proche des milieux d’extrême gauche, ancien squatteur du Berlin-Est des années 90 et spécialiste de la gentrification.
Holm est imposé à la coalition par la sénatrice en charge de l'urbanisme, Katrin Lomscher (die Linke). Il est censé incarner la volonté de la nouvelle municipalité de mettre fin à la hausse des loyers et à l’exclusion croissante des couches sociales défavorisées du centre-ville.
Un ancien mouchard de la Stasi
Mais Andrej Holm n’a rien du casting idéal. Le passé douteux du sociologue refait rapidement surface. Fils d’un officier de la Stasi, la redoutée police politique de l’ex-RDA, Holm avait couché par écrit dès l’âge de 14 ans sa volonté de suivre les traces de son père. En 1989, il intègre à 18 ans l’école d’officiers de la Stasi. Sa carrière de mouchard au service du régime est interrompue par la chute du Mur. Que Andrej Holm ait collaboré avec la Stasi n’était pas une chose inconnue : en 2007, il en avait fait part publiquement, et avait assuré « regretter » cette page de son histoire.
Andrej Holm fait-il partie du camp des « coupables » ? Est-il au contraire « victime » de son histoire familiale ? Holm aurait pu devenir la première personnalité ayant travaillé pour la Stasi à participer à un gouvernement régional en Allemagne. Mais il a menti en omettant de mentionner avoir travaillé pour la Stasi lorsqu'il remplit en 2005 un questionnaire sur son passé, procédure obligatoire avant une embauche dans l'administration berlinoise. Ensuite, il a multiplié les déclarations maladroites, comme lorsqu'il assure que « si son fils de 14 ans mange aujourd’hui de la viande et décide à 30 ans de devenir végétarien, ça ne veut pas dire pour autant qu’il ne sera pas un végétarien crédible ».
La coalition berlinoise sous tension
Après le scandale, le maire de Berlin, Michael Müller, qui avait longtemps semblé faible face à son partenaire de la coalition néo-communiste, a demandé le départ de Holm. « En particulier à Berlin, qui fut par excellence la ville de la division, il ne doit pas y avoir de doute sur le travail visant à surmonter le passé », déclarait le maire dans un communiqué.
Les ratés de la coalition berlinoise en disent en tout cas long sur les difficultés que pourrait rencontrer le chef du SPD, Sigmar Gabriel, si le résultat des urnes en septembre prochain lui permettait d’envisager une alliance avec les Verts et die Linke. Une nouvelle phase de tensions succède maintenant au scandale. Aujourd'hui, les trois partis doivent se retrouver à Berlin pour discuter de leur « coopération stratégique ».