C’est de saison et c’est une source d’inspiration pour les journaux français, qui connaissent leurs classiques. Les sanctions américaines contre la Russie, en représailles aux cyberattaques de Moscou durant la campagne électorale de la dernière élection présidentielle ayant porté Donald Trump au pouvoir, et notamment l’expulsion par Washington d’agents russes installés aux Etats-Unis que nous évoquions ici-même hier matin, ont fait refleurir un néologisme que l’on croyait enterré, la « cyberguerre ». Et cette guerre-là, qui fleure bon le romanesque, est qualifiée de « froide ».
Et tant pis si Moscou a décidé de ne pas répliquer. Tant pis si, comme le souligne en pages intérieures Le Figaro, Poutine « tourne en dérision » les sanctions d’Obama. Quand on tient un filon littéraire, on l’exploite. A la Une du Figaro et de Libération, donc, la « cyberguerre » est déclarée. Pour le premier, pas de doute, le bras de fer entre Poutine et Obama, c’est « la cyberguerre froide ». Pour le second journal, c’est « la cyberguerre venue du froid », comme, jadis, l’espion de John Le Carré, qui, lui aussi, venait du froid de la guerre entre soviétiques et alliés au sortir du second conflit mondial.
De saison donc, car, dans l’hémisphère Nord, le thermomètre baisse. Et comme on sait qu’il remontera, on fait des phrases, on fait semblant, sans prendre tout ceci au sérieux. Comme par exemple La Voix du Nord. « Le monde se croit revenu aux grandes heures de la guerre froide », lance ce quotidien du septentrion français. Ou encore Sud-Ouest : « Ces accusations d'espionnage et ces renvois de diplomates rappellent, si l'ose dire, les heures les plus chaudes de la guerre froide ». Allons bon, un oxymore à présent…
Poutine : le conquérant
En tout cas, pour la presse, Poutine est l’homme de l’année. Dès hier, Le Monde donnait le ton en estimant que le « véritable homme de l'année » qui s'achève est Vladimir Poutine. « Ce n'est pas le moindre de ses exploits, estime le quotidien du soir, il a entrepris de réécrire les règles de l'espionnage, une activité dont il a été lui-même, à l'époque de l'Union soviétique, un opérateur plus classique. » Et ce matin, Le Républicain lorrain estime à son tour que Vladimir Poutine « accède au statut d'homme de l'année 2016 ».
Il y a aussi le journal La Montagne, pour lequel « 2016 aura bien été l'année Poutine ». Le président russe « domine la partie », peut-on lire. Et que dire du quotidien Le Figaro, qui estime que Vladimir Poutine « est bien le maître du jeu. Le sera-t-il toujours ? », se demande toutefois le journal conservateur. Justement, Libération assure qu’en révélant certains secrets de campagne du Parti démocrate, « Poutine et ses sbires ont volontairement favorisé Donald Trump. Lequel renvoie l'ascenseur en feignant de tenir ces polémiques pour subalternes ».
Or, avertit Libé, « comme la Russie poutinienne prétend désormais à un rôle mondial, les cibles potentielles de cette guerre des réseaux sociaux sont partout, notamment en France. Obama fait bien de tirer la sonnette d'alarme. Aux démocraties de réagir. » C’est ainsi, note La Nouvelle République du Centre-Ouest, « de l'autre côté de l'océan, les cartes sont rebattues tous les quatre ans. Les présidents se suivent, ne se ressemblent pas et ne restent guère. En Russie, on a l'espace et le temps long, ce qu'on appelle la durée. Drôle d'entrée en matière pour la nouvelle année. »
Hollande : dernier inventaire avant liquidation
Justement, François Hollande va prononcer ce soir ses ultimes vœux de président. Vœux qui revêtiront un « caractère forcément historique », souligne Le Parisien, étant rappelé que, pour la première fois sous la Ve République, le président sortant ne se représente pas. François Hollande ? Le locataire de l’Elysée « a désormais un côté président Reine des neiges, formule cruellement Le Figaro. Seul en son palais, libéré de son ambition, délivré des socialistes. Plus personne ne le scrute. »
Que dira le chef de l’Etat ? Outre son bilan, qu’il devrait probablement défendre, des « épreuves » qu’il a traversées et des « enjeux » du futur qu’il évoquera, croit savoir Libération, François Hollande fera-t-il allusion au combat entre son ex-Premier ministre Manuel Valls et son ex-ministre de l’Economie Emmanuel Macron ? Selon Le Parisien, « Hollande est secrètement blessé par l’attitude de Valls qui l’a poussé à renoncer ». Un des proches du président confie à ce journal que « s’il fallait faire une hiérarchie, je crois qu’il en veut plus à Valls qu’à Macron ».
Ce que confirme le journal breton Le Télégramme, très informé des silences de l’Elysée sous la présidence Hollande. « Il semble que la trahison de Valls, qui, après avoir protesté pendant des mois de sa loyauté, l'a poussé dans le fossé à la dernière minute (...) exaspère plus Hollande que l'affranchissement de Macron. Lequel a finalement été plus franc du collier », énonce Le Télégramme. On le voit, ainsi que le formule le journal L'Est républicain, François Hollande est « en fin de bail mais pas à bout de souffle (…) Il lui aura fallu ne presque plus être pour devenir enfin... » Etre ou ne plus être, telle sera, ce soir à 20 h, la présidentielle question.
2016 : bilan globalement négatif
Dans la presse aussi, c’est l’heure du bilan de 2016 et déjà celle des vœux pour 2017. Si 2016 s’achève, Le Journal de la Haute-Marne n’en gardera « aucun regret, aucune nostalgie ». L'année 2017, toutefois, « ne se présente pas sous les meilleurs auspices (...) 2016 a montré que tout était possible. Tout est possible en effet », estime ce quotidien du centre-est de la France.
Et puis, La Charente libre ajoute que, pour ses derniers vœux de président, on prête à François Hollande l'intention d'invoquer le « progrès » qui devrait conduire le monde, « comme Mitterrand invoquait autrefois les esprits qui veilleraient sur nos âmes (…) À écouter ce qui se dit, le progrès en 2017 serait de mettre fin au système. Quel système ? », se demande ce journal de l’ouest du pays.
Quant au Courrier picard, qui présente sans attendre ses vœux aux lecteurs, il se rappelle aux bons souvenirs du prédécesseur de François Hollande, en remarquant qu’en 2017, une autre page va donc se tourner, celle d'une présidence Hollande « qui aura déçu les Français, déjà douchés par celle de Sarkozy » !