Situation inédite en RDC. Hier soir à minuit moins 10, soit 10 minutes avant l’expiration officielle du mandat de Joseph Kabila, le nouveau gouvernement, attendu depuis des semaines, a été annoncé.
« Trois vice-Premier ministres, six ministres d’État et une équipe éléphantesque d’une soixantaine de membres, constate le site d’information congolais Cas-Info. Alors que s’ouvre une période d’incertitude, Joseph Kabila n’a pas fait ses choix au hasard. Il rappelle aux Affaires étrangères Léonard She Okitundu. Actuellement sénateur, son ancien directeur de cabinet est un homme de dossiers qui connaît bien la sphère internationale. Lui qui avait déjà dirigé la diplomatie congolaise sous Laurent Désiré Kabila, il va tenter d’arrêter la pluie de sanctions qui n’en finit pas de s’abattre sur Kinshasa. Une autre figure du régime prend les commandes de la sécurité intérieure, poursuit Cas-Info. Il s’agit d’Emmanuel Shadari. Ciblé par les sanctions américaines, Évariste Boshab cède la place à un fidèle. À la tête du groupe PPRD à l’Assemblée nationale, Shadari prend la direction de la 'machine à réprimer'. Pas de changement à la Justice ni à la Communication où Thambwe Mwamba et Lambert Mende sont maintenus. En revanche, un retour remarquable, pointe le site congolais. Celui d’Azarias Ruberwa. L’ancien vice-président va s’occuper de la décentralisation et de la réforme institutionnelle. Reste à savoir, conclut Cas-Info, si ce gouvernement sorti en pleine négociation va arranger ou compliquer la situation. Le Rassemblement de l’opposition, qui n'a pas appelé à des manifestations hier lundi, risque d’y voir un signe de défiance. Le Premier ministre Samy Badibanga prend les commandes d’une équipe qui va marcher sur des œufs. »
Clameur géante à Kinshasa
Ce nouveau gouvernement a été annoncé alors qu’un vacarme inhabituel retentissait depuis le milieu de soirée à Kinshasa… « Sous le coup de 21 heures 50, rapporte le site d’information congolais 7 sur 7, une clameur géante s’est élevée de manière spontanée de certains quartiers de Kinshasa notamment Lemba, Mont-Ngafula, Makala et Ngaba. On a entendu des sifflets, des bruits de casserole, des cris, des klaxons, des bruits métalliques et toutes sortes de sons sans en distinguer l’origine. Un concert étrange pour signifier au président Kabila que son mandat prenait fin ce 20 décembre. Dans le même temps, des coups de feu ont commencé à retentir. » Apparemment des incidents isolés.
« Certains prédisaient le chaos pour la dernière journée du mandat du président Joseph Kabila. Finalement, relève Afrikarabia, ce lundi 19 décembre a tourné à la journée ville morte. Rues désertes, commerces fermés… le centre-ville de Kinshasa tournait au ralenti hier matin. Il faut dire qu’un large dispositif sécuritaire était déployé aux carrefours stratégiques de la ville interdisant tout rassemblement de plus de 10 personnes dans la rue. »
Et Afrikarabia de s’interroger : « Joseph Kabila pourra-t-il maintenir le pays 'sous cloche' très longtemps ? Le verrouillage sécuritaire et les perturbations d’internet peuvent-il durer ? Sans doute pas, répond le site. Car en plus de la crise politique qui plonge la RDC dans l’instabilité, il ne faut pas oublier que le pays s’enfonce également dans une crise économique profonde que la chape de plomb sécuritaire aggrave un peu plus. Une situation qui deviendra rapidement intenable pour la population, mais aussi pour les opérateurs économiques du Congo. Et c’est évidemment le pari que fait l’opposition : celui d’un long bras de fer que le pouvoir ne pourra pas tenir indéfiniment. »
Fin de règne à la Mobutu ?
Une période d’incertitude s’ouvre donc en RDC, période qui sera peut-être longue et qui n’est pas sans rappeler celle de la fin du règne de Mobutu… C’est du moins l’opinion de l’historien congolais Isidore Ndaywel è Nziem, interrogé par le site d’information Mediapart : « On retrouve les mêmes signaux, dit-il : bipolarisation de la vie politique, débats constitutionnels interminables, réapparition des 'journées mortes' et des violences urbaines, dénonciation des ingérences présumées de l’Occident, détérioration de la vie économique et sociale. Pourvu, s’exclame l’historien congolais, que les similitudes s’arrêtent à ce niveau et qu’elles ne conduisent pas à une autre 'guerre de libération' ! Raison pour laquelle les négociations en cours sont d’une importance capitale. » Isidore Ndaywel è Nziem pointe le fait également que « jamais une passation de pouvoirs entre un président de la République et son successeur ne s’est déroulée dans les règles en RDC. Il n’y a jamais eu de 'remise-reprise' entre Kasa-Vubu et Mobutu, entre ce dernier et Laurent-Désiré Kabila, et même pas entre celui-ci et son fils, Joseph Kabila. »