« A moins que… », ose espérer Libération en première page. « Alors que le piratage de la campagne par la Russie agite les Etats-Unis, les grands électeurs doivent officiellement désigner le milliardaire président, ce lundi. Une formalité, sauf si… » Sauf si quoi ? Eh bien sauf si 37 d’entre eux ne votent pas finalement pour Trump. « C’est très peu probable, soupire Libération, mais le débat sur la représentativité du système électoral est reposé. » A savoir, ce système de grands électeurs est-il pertinent ? « C’est la deuxième fois en seize ans que les Etats-Unis élisent un président qui a perdu le vote populaire, rappelle le journal. La première fois, c’était en 2000, lorsque le démocrate Al Gore avait perdu contre George W. Bush alors qu’il avait recueilli davantage de voix. »
Le spécialiste du droit constitutionnel américain, Richard Pildes, interrogé par Libération, juge peu probable une modification en profondeur du collège électoral, malgré le rejet qu’il suscite. « Notre Constitution est l’une des plus compliquées à amender au monde, explique Richard Pildes. Il est difficile d’imaginer un changement de cette institution, même si l’opinion publique la rejette. L’élection de présidents n’ayant pas la majorité des voix influence certainement le débat. Je ne crois pas que ce sera suffisant pour générer un changement. » Au mieux, poursuit-il, « les Etats peuvent ajuster la façon dont ils répartissent les grands électeurs, organiser un système qui reflète mieux le vote populaire. […] Si on introduit plus de proportionnelle, le collège électoral sera plus proche du vote populaire, sans qu’il soit nécessaire de changer la Constitution. »
Manque de visibilité
En tout cas, pointe La Croix, « c’est donc aujourd’hui lundi 19 décembre que Donald Trump doit être formellement élu président des Etats-Unis d’Amérique. La cérémonie d’investiture, prévue le 20 janvier, arrive, elle, à grands pas. Or, plus elle approche, relève le journal, plus l’incertitude augmente sur la politique que mènera cet électron libre de la politique américaine. Des hauts fonctionnaires français envoyés à Washington pour de premiers échanges avec l’équipe qu’il a constituée reviennent déboussolés, croit savoir La Croix, sans vision claire des stratégies qui seront suivies. Ce manque de visibilité est problématique pour une puissance moyenne comme la France. Les Etats-Unis sont pour elle un partenaire incontournable, parfois même un allié décisif. Dès lors, s’interroge La Croix, sera-t-elle capable de résister à des évolutions qu’elle ne souhaiterait pas ? Faudra-t-il s’entendre avec Vladimir Poutine, durcir le ton face à la Chine, laisser s’enliser l’accord de Paris sur le climat, subir une nouvelle stratégie commerciale décidée à Washington ? Une chose paraît certaine, conclut le quotidien catholique : l’Amérique de Donald Trump jouera moins le rôle de garant de l’ordre international ; elle défendra sans vergogne ses intérêts, bien décidée à rester la première des superpuissances. »
Campagne chaotique ?
A la Une également la primaire à gauche… avec un « départ chaotique », estime Le Figaro. « Le Parti socialiste a validé samedi sept candidatures sur les neuf présentées, dont quatre issues du PS. Déjà les rivalités internes s’étalent au grand jour, note le quotidien d’opposition, loin de l’unité souhaitée par Jean-Christophe Cambadélis. »
Le Figaro qui compare les prétendants à la candidature aux « naufragés de la Méduse : Manuel Valls ? Vincent Peillon ? Arnaud Montebourg ? Benoît Hamon ? Ils ont été frondeurs. Mais ministres. Ministres, mais frondeurs. Qui s’y reconnaîtra ? Pour eux, il faut craindre que l’opinion publique, qui s’intéresse de manière lointaine aux débats socialo-socialistes, soit sans pitié. »
A droite à présent, François Fillon est conspué par L’Humanité… « Depuis l’élection triomphale de François Fillon comme leader de la droite extrême, quelque chose dans le climat politique et social nous informe plutôt positivement sur ce que les citoyens ne veulent pas, relève le quotidien communiste. En moins de trois semaines, plusieurs enquêtes d’opinion le confirment : les perspectives de l’ultra-ordo-libéralisme inquiètent. Et pas qu’un peu. […] Quel est le trait commun à tous ces sondés ? Leur attachement à la solidarité républicaine, constitutive du modèle social qui est le nôtre, du moins ce qu’il en reste. »
En effet, renchérit Le Midi Libre, « alors que 55 % des Français pensent que François Fillon sera le prochain président de la République, ils sont à peine 28 %, selon l’Ifop, à souhaiter sa victoire le 7 mai prochain. Soit moins d’un sondé sur trois ! Un score pas très flatteur qui en dit long sur l’état d’esprit des électeurs. Déçue par la mandature actuelle, pointe Le Midi Libre, une majorité de nos compatriotes semblent, en effet, baisser les bras et préférer, pour 2017, la résignation à la révolte. L’âge mûr à la jeunesse. Le confort à l’aventure. Le conservatisme à l’audace. Un besoin de sécurité alimenté par la peur d’un avenir instable. D’un monde en plein repli sur soi, gouverné par des libéraux, des financiers et des mégalomanes. »
Incertitude en RDC
Dans les journaux également : la situation en RDC… « Ce lundi marque en effet la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel du président Joseph Kabila, relève Le Figaro. En l’absence d’élections, qui auraient dû se tenir en novembre 2016, l’autocrate est déterminé à s’accrocher au pouvoir malgré tout, et se faisant risque de plonger la RDC dans une crise profonde. Alors que l’opposition tente d’arracher un accord in extremis, poursuit Le Figaro, la jeunesse s’organise pour demander le départ du chef de l’Etat, lundi dans la rue. Bye Bye Kabila, le nom de code de cette campagne que les autorités tentent de réprimer depuis son lancement le 19 novembre, rallie les branches jeunesse des partis de l’opposition avec de nouveaux mouvements citoyens ayant émergé ces dernières années sous l’impulsion de Lutte pour le changement (Lucha), un groupe de jeunes de Goma. »
Enfin, double page dans Libération sur la RDC : « Kabila gagne du temps, la rue serre les rangs », s’exclame le journal. « Ce lundi a tout d’une date historique pour le pays, affirme Libération. Tout le monde sait, à Kinshasa, où les gardes présidentiels à béret rouge patrouillent déjà, qu’à partir de ce jour-là, des manifestants, soutenus par le principal parti d’opposition l’UDPS, tenteront d’avancer depuis les quartiers de la “Cité” vers la “Ville”. On ne sait ni leur nombre ni leur force, mais “le 19” est sur toutes les lèvres. »