La discothèque idéale...

Répertorier les 100 albums incontournables de la culture noire de 1957 à nos jours relève du défi tant la richesse de ce patrimoine musical est dense. De plus, la subjectivité d’un tel classement peut être un sérieux obstacle ou, tout au moins, la limite de l’exercice. C’est pourtant le risque que le journaliste Christian Eudeline a osé prendre en éditant « Black Music, de la Soul au R&B » (Gründ Editions). De Ray Charles à Snoop Dogg, aucun enregistrement ne semble avoir échappé à la vigilance de l’auteur qui se plaît à respecter une chronologie édifiante du poids historique de « L’épopée des Musiques Noires » sur l’évolution de la société afro-américaine.

Certes, l’ouvrage n’est pas le récit politique de l’Amérique noire au cœur du XXème siècle, mais il nous en offre l’écho sonore à travers l’évocation d’artistes éminemment importants, dont le long combat identitaire a rythmé le quotidien de la communauté africaine-américaine depuis 60 ans. Narrer l’aventure artistique de James Brown, Gil Scott Heron, ou Mavis Staples n’est pas anodin. C’est témoigner de la difficulté d’un peuple à affirmer sa place, son rôle et sa citoyenneté. S’il faut reconnaître que les productions commentées dans ce recueil discographique n’ont pas toutes une valeur militante, elles reflètent cependant une époque, une atmosphère, elles datent les fractures du temps.

Personne ne se souvient, par exemple, aujourd’hui de Cymande ou The Undisputed Truth... Ces groupes obscurs ont quitté notre mémoire collective. Pourtant, leur tonalité d’alors traduit un engagement, un état d’esprit, porté par une jeunesse rebelle dans une humeur psychédélique naïve mais tellement sincère. Les fanfaronnades de George Clinton au sein de Parliament et/ou Funkadelic ne doivent pas être perçus comme d’anecdotiques sessions de studio dénuées de sens et de profondeur. Derrière le funk scintillant de ces joyeux drilles mais impeccables instrumentistes, il y avait un discours aussi percutant que celui des Marvin Gaye ou Donny Hathaway.

Il est évident que les étoiles noires, Aretha Franklin, Stevie Wonder ou Michael Jackson, resteront à jamais, dans le cœur de leurs adorateurs, des icônes universelles qui devaient apparaître dans cette liste audacieuse des 100 plus grands albums de « Black Music ». Il faut cependant savoir dénicher les perles, dont le succès confidentiel n’a jamais altéré la force expressive. C’est l’intention louable de cette périlleuse sélection que l’on picore avec gourmandise et une pointe de nostalgie.
 

 

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