A la Une: à gauche, ça se bouscule au portillon

Mélenchon, Macron, Valls, Montebourg, Hamon et maintenant Peillon… Les candidats de gauche ou issus de la gauche sont de plus en plus nombreux à s’aligner sur la grille de départ de la présidentielle.
« C’est fou tous ces personnages politiques qui se voient investis d’un destin national, s’exclame Le Journal de la Haute-Marne. A chaque jour, son nouveau candidat, en passant par la case primaire ou non (…) Les règlements de compte internes l’emportent sur l’envie de gagner ensemble. Il ne faut pas chercher ailleurs la montée en puissance d’Emmanuel Macron, pointe le quotidien champenois. Il aspire la vague montante des déçus du socialisme en particulier et de la politique en général. Ses meetings éclipsent ceux du PS. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il ait déjà partie gagnée. Nicolas Sarkozy se targuait de faire le plein partout où il passait. On a vu le résultat. Les Français sont devenus imprévisibles. »

Toujours est-il que, conforté par les sondages sur la présidentielle, Emmanuel Macron a fait samedi soir une démonstration de force en organisant un meeting géant à Paris, où il a déroulé son programme de « candidat du travail », devant 15.000 personnes.

Dans Libération, cette photo du candidat Macron, prise en contre-plongée : on y voit un homme, entouré de ses supporteurs, les bras écartés en train d’exulter… Le photographe qui a pris le cliché raconte : « Macron vient de terminer son discours en ouvrant les bras, comme en transe. On dirait Jésus. Puis il marche sur le côté de la scène, le visage dur et les poings fermés comme Ibrahimovic qui marque un but. Il descend de la scène et entame un petit bain de foule (…). Je profite d’un moment de flottement pour monter sur la scène, ce qui explique ce point de vue en contre-plongée. Macron est happé par tout le monde, on veut le toucher. C’est un dieu vivant et il ne sait plus où donner de la tête. Il lévite. Ce moment-là est une étape clé pour lui, c’est le départ de sa campagne, un grand moment de sa vie politique. »

Macron : du neuf avec du vieux ?

Le Figaro désacralise l’idole… « Certes, Emmanuel Macron ne manque pas de panache ni de talent, reconnait le journal. Samedi, à l’occasion de son meeting à Paris, il a apporté la preuve d’une belle aptitude à la mise en scène. À faire pâlir d’envie un PS en manque d’enthousiasme, d’unité et de troupes. Nouveau dans le paysage politique, le fondateur d’En marche ! rajeunit le décor, suscite la curiosité, capte l’intérêt des médias, toujours en quête d’événements différents. Mais la nouveauté ne dure pas si elle ne repose pas sur des idées fortes, propres à bousculer les certitudes. (…) Sur le fond, que dit-il ? Peu de choses originales, estime Le Figaro, sinon qu’il reprend les 35 heures à son compte, prône l’élargissement de l’accès à l’assurance-chômage et ne veut pas réduire la pléthorique fonction publique. Il prévoit même une augmentation de la contribution sociale généralisée ! Des propositions qui ne dévient pas, tant s’en faut, de la vieille doxa socialiste. (…) Par rapport à un PS usé, épuisé, abîmé par un exercice bâclé du pouvoir auquel il a aussi apporté sa pierre, Emmanuel Macron ne se démarque pas. C’est du neuf avec du vieux, lance encore Le Figaro. Les bons sentiments ne suffisent pas à faire une bonne politique. »

Valls-Macron : attrape-moi si tu peux !

En tout cas, note Le Républicain Lorrain, « le coup de pistolet du départ a été donné, ce week-end, par Emmanuel Macron. Qui - hors primaire - se présente d’ores et déjà comme l’homme à abattre par les postulants socialistes. Parce qu’ils occupent, avec des tonalités différentes, le même terrain social-libéral, Macron et Valls sont condamnés à se livrer une guerre sans merci. »

En effet, entre les deux hommes, c’est « attrape-moi si tu peux », relèvent Les Echos. « L’un a une primaire, l’autre pas ; l’un s’adresse au PS, l’autre rejette les partis ; pourtant, Valls et Macron ne font plus un pas sans regarder ceux de l’autre. (…) Emmanuel Macron bien implanté sur le créneau du renouveau tente, au-delà du centre et propositions à l’appui, de séduire la gauche errante. Manuel Valls porte-drapeau du PS, surjoue l’homme de gauche tout en cherchant à faire resurgir le casseur de codes qu’il fut. Il vient de se convertir lui aussi à la démocratie participative. Prendre à l’autre, être un peu lui, à défaut de pouvoir frontalement le combattre. »

Peillon, porteur de l’héritage hollandais

Quant au dernier candidat déclaré, Vincent Peillon, son « entrée en lice n’est pas une surprise, estime Le Courrier Picard. Et cette candidature-là pourrait s’avérer centrale. Entre Manuel Valls, à droite et mal aimé au sein du PS, ou les divers candidats plus ou moins frondeurs à gauche, Peillon peut incarner ce point d’équilibre et rallier à la fois les 'hollandistes' orphelins, les aubrystes revanchards et les militants seulement fatigués et angoissés des déchirements et de l’avenir promis à leur parti. »
« Pas tout à fait un non-événement mais assurément une manœuvre, lance le Midi Libre. La candidature de Vincent Peillon prend des airs de 'Valls bashing' : pour certains, l’ex-Premier ministre reste une épine trop à droite du parti à la rose. Peillon, disparu des écrans ministériels depuis 2014, revient pour une primaire aux allures de congrès du PS. »

En effet, renchérit La Montagne, « la gauche du parti ayant déjà ses candidats, le missile Peillon ne peut avoir été mis à feu que par des hollandais, voire des aubrystes (…). Les ex-hollandais doivent éviter les défections en direction de Macron. D’où une guerre à mener sur deux fronts : contre Brutus-Valls et contre Brutus-Macron. (…) Il était temps pour les ex-hollandais de passer à l’action, s’ils veulent qu’il y ait encore un PS à récupérer dans six mois. »
Alors que ce soit Valls, Peillon ou un autre, « les socialistes devront retrouver rapidement une dynamique, pointe La Voix du Nord. Sinon, ils seront poussés au second plan par leur droite (Macron) et par leur gauche (Mélenchon). »

Composer avec le centre ?

Et finalement, conclut Ouest France, « en pleine crise du politique, en plein désarroi citoyen, alors que tout le monde s’attendait à rejouer à reculons le match de 2012, nous vivons une présidentielle passionnante. Personne n’aurait imaginé que l’offre serait aussi offensive, en dehors des thèses déjà connues du Front national. (…) Personne ne sait lequel des projets proposés l’emportera. (…) Mais tout le monde sait que personne n’est isolément majoritaire. »

Et Ouest France d’affirmer que chacun, s’il veut gagner, devra composer avec le centre, et surtout avec un Emmanuel Macron qui, toujours d’après le journal, « peut être la clé de 2017. »

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