Le Ghana irréversible

Deux alternances en moins de deux semaines, l’Afrique semblait sur le point de réussir cette exceptionnelle prouesse… jusqu’à cette spectaculaire volte-face du fantasque Yahya Jammeh, dans la soirée de ce vendredi 9 décembre 2016. Le Ghana sera notre lot de consolation.

Avant d’aborder l’alternance, irréversible, au Ghana, avec la défaite, reconnue et acceptée, du président John Dramani Mahama, un mot, si vous le voulez bien, sur le Gambien Yahya Jammeh. Il est revenu, la nuit dernière, sur sa parole, pour rejeter les résultats de la présidentielle. Il avait pourtant admis avoir perdu, allant même jusqu’à féliciter son challenger, Adama Barrow. Mais c’était il y a une dizaine de jours…

 
Oui… Pourquoi lui a-t-il fallu tant de temps pour revenir à ce qu’il est, foncièrement ? Pour les Gambiens, comme pour le reste de l’Afrique, c’est en tout cas une terrible douche froide. Mais cette dizaine de jours a permis d’apprécier à quel point cet homme (Jammeh) est rejeté, sinon haï par son peuple. A présent, il ne reste lui plus qu’une issue : ou bien il parviendra à dompter à nouveau son peuple, ou alors, c’est ce peuple – qui a vaincu la peur - qui va l’affronter, le pourchasser, avec le risque de le lyncher, s’il ne s’exile dans un de ces pays du Golfe où il affectionne tant aller en villégiature. Dans cette Afrique, que nous peignons souvent comme le continent du meilleur et du pire, Yaya Jammeh a résolument pris le parti du pire, hélas !

Le meilleur, ce serait donc le Ghana ? Y aurait-il le moindre risque que ce pays nous offre, demain, une désillusion comme la Gambie de Jammeh ?

Aucun ! La défaite du président Dramani Mahama marque, en fait, un progrès démocratique, en ce qu’il constitue une réelle alternance. C’est la première fois, depuis la restauration effective de la démocratie dans ce pays, en 1992, qu’un président sortant est battu et, ainsi, privé d’un second mandat. Jerry John Rawlings, le père du renouveau démocratique ghanéen, a fait deux mandats ; son successeur, John Agyeman Kufuor, en a fait deux ; le professeur John Atta-Mills est décédé avant la fin de son premier mandat, que John Dramani Mahama a terminé, avant de se faire élire en 2012. Sa défaite, aujourd’hui, est, d’une certaine manière, un test de consolidation de cette démocratie. Sans nous réjouir du malheur du sortant, nous ne pouvons pas faire semblant d’être indifférents à ce qui est bien une excellente nouvelle pour la démocratie ghanéenne. Et l’Afrique, toute l’Afrique ne peut que s’en réjouir. D’autant que cette démocratie ghanéenne semble réglée comme une horloge suisse. Le mandat présidentiel, au Ghana, comme au Nigeria, comme aux Etats-Unis, est de quatre ans, renouvelable une fois.

Son premier mandat, John Dramani Mahama l’avait conquis à la suite de la présidentielle du 7 décembre 2012. Il l’a remis en jeu ce… 7 décembre 2016. Et, en décembre 2020, à quelques jours près, sinon exactement à la même heure, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo – c’est le nom exact du président élu – organisera donc une présidentielle pour remettre à son tour son mandat en jeu. Ce sera ainsi, et pas autrement. Il ne pourra s’inventer aucune excuse, ne pourra user d’aucune ruse, pour prolonger, ne serait-ce que d’un petit mois, sa présence dans le fauteuil présidentiel. Voilà comment se construit une nation : en observant la loi fondamentale, et en respectant les échéances électorales. Et c’est ainsi qu’un pays devient une démocratie irréversible, qui rassure et attire les investisseurs.

Il n’empêche que les performances économiques, ces dernières années, n’étaient pas forcément au rendez-vous, au Ghana…

C’est cela que paie, pour l’essentiel, le président sortant. Même si ses contreperformances découlent, pour partie, de la (mauvaise) conjoncture économique mondiale, John Dramani Mahama n’a pas été à la hauteur, alors que le pays s’est retrouvé avec une manne pétrolière, dans un contexte de chute des cours, certes, mais ce sont des ressources nouvelles, qui auraient dû avoir élargi le gâteau national. Au fond, il arrive à ce président ce qui est arrivé à Goodluck Jonathan, au Nigeria : il était vice-président et a hérité d’un pouvoir pour lequel il n’était manifestement pas bien préparé. Mais, à qui la faute ? Dans ce type de régime, le métier du vice-président est d’être justement prêt à remplacer valablement le président, à tout moment, et dans tous les domaines.

Mais, même mal en point, l’économie ghanéenne demeure très, très enviable, dans la sous-région.

Tout à fait ! A part la Côte d’Ivoire, qui fait preuve d’une vitalité économique époustouflante.  Au Ghana, il suffirait de très peu pour que l’économie devienne à nouveau resplendissante. Et ce très peu, dans un Etat démocratique, tient, parfois, à une simple alternance. Avec ce que cela suppose de renouvellement des hommes, et d’envie de réussir. C’est aussi pour ces raisons que les pouvoirs en place depuis vingt, trente ou cinquante ans n’ont généralement plus rien à offrir à leurs peuples.

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