Plus de six ans après les États-Unis, l’Europe a enfin son règlement pour lutter contre les minerais du sang, ceux qui financent les conflits armés. Après des semaines de négociations avec la Commission de Bruxelles, le Parlement et le Conseil européens sont parvenus à un accord sur le texte final, ébauché en juin dernier, et ils devraient l’adopter dans les semaines prochaines.
Les entreprises européennes y sont contraintes de veiller à ce que leur approvisionnement en or, en étain, en tantale et en tungstène ne finance pas les conflits, et ce partout dans le monde contrairement à la loi Dodd Frank aux États-Unis qui se concentrait sur la seule région africaine des Grands Lacs.
Un texte insuffisant, soulignent les ONG
En revanche, le texte européen ne s’appliquera qu’à partir de 2021 et il comporte de grandes insuffisances soulignées par les ONG. Pourquoi seulement ces quatre métaux, et pas par exemple le cobalt, où le travail des enfants a été signalé dans les mines ?
Sabine Gagnier, chargée de plaidoyer Entreprises et droits humains chez Amnesty International, qui mène le collectif d’associations, regrette aussi l’instauration d’un tonnage en dessous duquel les entreprises n’auront aucun compte à rendre : « Ces seuils vont exempter un certain nombre d’entreprises, par exemple les bijoutiers ou les dentistes, et ça va permettre du coup à un certain nombre de produits qui représentent des millions d’euros de pouvoir rentrer dans l’Union européenne sans faire l’objet d’aucun contrôle. »
Seuls les importateurs de métaux bruts visés
Autre critique que les entreprises puissent déléguer à une plateforme collective la fiabilité de leur approvisionnement en ces quatre métaux, ce qui diluera leur responsabilité juridique. Enfin, et cette lacune était connue dès le mois de juin, contrairement à la loi américaine, le règlement européen ne vise que les importateurs de métaux bruts, pas les importateurs de composants contenant de l’or, du tantale, du tungstène ou de l’étain, ni les entreprises qui commercialisent les objets objets finis.
On est encore loin de pouvoir acheter un bijou ou un téléphone en Europe les yeux fermés, en étant sûr que les métaux qu’ils contiennent n’ont pas financé un conflit ou une infraction aux droits de l’homme dans le monde.