Toujours pas de nouveau Premier ministre et pas un mot sur son avenir politique immédiat : le président Kabila a laissé beaucoup de Congolais sur leur faim hier, après son discours sur l’état de la Nation. En effet, pointe Le Potentiel à Kinshasa, « le chef de l’Etat a maintenu le suspense sur son avenir politique. Pourtant, il avait là l’occasion d’apaiser la tension au lieu de renvoyer tout le monde aux prescrits de la Constitution. 'La République démocratique du Congo est une démocratie constitutionnelle', s’est-il contenté de dire, promettant de respecter la Constitution, sans aucune autre précision. »
Par ailleurs, déplore encore Le Potentiel, « le président a prononcé un 'discours souverainiste' qui, non seulement, consacre l’isolement de son pays, mais menace tous ceux qui se posent en obstacle sur son chemin. En dénonçant à nouveau 'toute ingérence' dans les affaires intérieures du pays, le chef de l’Etat a pris le risque – et il l’a certainement mesuré – d’énerver ses partenaires de la communauté internationale. »
« Encore une fois, renchérit le site d’information congolais 7 sur 7, Kabila a su cultiver le mystère autour de son avenir politique. Il a botté en touche. Il s’est soudainement souvenu qu’il était le garant du bon fonctionnement des institutions. Le respect de la Constitution qu’il prône équivaut à l’impossibilité pour lui de s’offrir un troisième mandat. Mais il ne le dira pas explicitement. C’est du Kabila tout craché. Rendez-vous en avril 2018, date prévue de la présidentielle dans l’Accord politique du 18 octobre dernier. »
Finalement, pointe ActualitésCD, autre site d’information congolais, « dans son adresse devant les deux chambres du parlement réunies en Congrès, Joseph Kabila a peut-être définitivement scellé le sort des négociations », que ce soit avec les évêques de la Conférence épiscopale ou avec le Rassemblement, principale formation de l’opposition.
Sur les nerfs…
Le site d’information Afrikarabia est tout aussi sceptique… « Sur son avenir politique, Joseph Kabila s’est montré des plus flous. (…) A aucun moment, il ne s’est déclaré clairement contre la possibilité d’un troisième mandat, comme lui demandent de le faire l’opposition et la communauté internationale depuis plusieurs mois. »
Qui plus est, poursuit Afrikarabia, « ce discours à la Nation n’a pas apporté plus de précisions sur la nomination du futur Premier ministre issu de l’opposition. Censée intervenir 21 jours après la signature de l’accord politique du 18 octobre dernier et repoussée plusieurs fois, l’arrivée du nouveau chef du gouvernement se fait toujours attendre. Des atermoiements qui agacent copieusement l’opposition qui se souvient qu’en 2013, il avait fallu patienter près d’un an pour voir arriver le nouveau gouvernement issu des Concertations nationales. Encore une fois, conclut Afrikarabia, Joseph Kabila joue la montre… et avec les nerfs de la classe politique congolaise. »
Craindre le pire ?
Dans la presse ouest-africaine, on n’est pas non plus très convaincu…
« Le taiseux président congolais sait, plus que quiconque, qu’il joue plus que jamais son avenir politique, pointe Le Pays au Burkina. L’occasion était donc trop belle pour lui de dresser un bilan élogieux de ses 15 années de pouvoir et saisir au bond la balle de l’accord politique obtenu au forceps avec une partie de l’opposition, et qu’il veut désormais présenter comme la feuille de route qui s’impose à tous les Congolais. C’est pourquoi il y a lieu de craindre le pire pour la RDC, estime le quotidien burkinabé. D’autant plus que cet accord est loin d’être consensuel et que le président lui-même a fait état, dans son discours, de l’échec de la mission de la Conférence épiscopale qui voulait se donner encore une chance de concilier les différentes positions. En tout état de cause, conclut Le Pays, avec cette adresse du président Kabila aux élus nationaux, on n’est pas sorti de l’auberge. Et tout semble indiquer qu’on est bien parti pour des lendemains incertains en RD Congo. »
Enfin, commentaire plutôt acerbe du quotidien Aujourd’hui, toujours à Ouagadougou : « si nul ne peut savoir avec exactitude ce qu’il y a dans la tête de Kabila, il est évident qu’il cherche toujours à gagner du temps, ce temps politique, si souvent le grand allié des assoiffés du pouvoir. Hier, ce grand oral de Kabila, qui oscillait entre plaidoyer pro-domo et menaces à peine voilées contre l’opposition et la communauté internationale, a crevé certes l’applaudimètre, mais il n’a pas fait bouger d’un iota la résolution de la crise congolaise. L’ontologie du mystère Kabila s’est plutôt épaissie, et pendant ce temps, la RD Congo s’éloigne de la sphère du vivre-ensemble, de la paix et vogue vers des rivages semés de récifs. »