Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, est attendu ce lundi à Bangui pour officialiser la fin de l’opération française Sangaris en Centrafrique.
« Cette opération avait été lancée fin 2013 pour stabiliser le pays, rappelle Afrik.com. Seulement 350 soldats seront maintenus à Bangui, notamment au sein de la force de l’ONU. Paris considère que l’opération Sangaris est un succès, pointe le site africain. En effet, du côté du ministère français de la Défense, on se dit convaincu qu’“en déployant un dispositif de 1 000 à 2 500 hommes dans un contexte de massacres de masse, la France a réussi à mettre fin à l’essentiel des violences, à stabiliser la situation et à engager un processus de transition politique, même si un certain niveau de violence persiste en province”. »
Reste que « dans la capitale centrafricaine, ils sont nombreux à craindre les conséquences de ce départ des militaires français », relève Jeune Afrique. Jeune Afrique qui s’interroge : « avec le départ de l’armée française, la Centrafrique peut-elle sombrer dans l’abîme ? »
En effet, pointe le site panafricain, le pays connait un regain de violence depuis ces dernières semaines. Et, « seule force d’interposition après la fin de l’opération Sangaris, la mission de l’ONU, la Minusca, et ses 12 000 hommes, est sous le feu des critiques. La population et le gouvernement lui reprochent son attentisme, les groupes armés son parti pris. Le comportement de certains contingents inquiètent jusqu’au siège de l’ONU, à New York. Lors des manifestations qui ont accompagné la journée ville morte du 24 octobre dernier à Bangui, la Minusca a été accusée par la société civile d’avoir tiré sur la foule. Des accusations démenties par l’ONU. »
Un bilan en demi-teinte
Interrogé par le site d’information Atlantico, le général Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Iris, estime que la réalité sur le terrain nettement moins apaisée que le bilan officiel… « L’opération Sangaris a globalement atteint les premiers objectifs fixés par le président de la République qui étaient de désarmer les belligérants et de faire cesser les massacres, relève Jean-Vincent Brisset. Elle a aussi aidé à la difficile montée en puissance d’une force africaine capable, mieux que les précédentes, d’assumer presque seule une opération de maintien de la paix. Par contre, tempère Jean-Vincent Brisset, malgré les discours optimistes, le futur est très loin d’être garanti. La situation politique actuelle n’est guère porteuse d’avenir. Le pays reste coupé en deux, avec un pouvoir central très faible. Et, depuis quelques jours, les exactions semblent reprendre. De nouveaux affrontements entre bandes armées ont fait des dizaines de morts. »
« Sangaris : un bilan en demi-teinte », pointe également leHuffington Post. « Si elle a permis d’arrêter les tueries de masse, l’intervention des forces françaises, marquée par des accusations d’abus sexuels, n’est pas parvenue à neutraliser les bandes armées qui terrorisent la population. »
Et qui plus est, relève également le Huffington post, « ces dernières semaines, les Centrafricains ont vu, la peur au ventre, ces bandes reprendre leurs exactions à grande échelle à l’intérieur du pays. Selon la Minusca, elles ont fait au moins plusieurs dizaines de morts et contraint des villageois à se cacher dans la brousse. Près de 25 000 personnes demeurent aussi réfugiées dans un camp près de l’aéroport de Bangui-M’Poko, sous protection des forces internationales. Si Paris se veut rassurant “la France ne laisse pas tomber la Centrafrique”, a insisté le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault – et met en avant la présence de plus de 10 000 Casques bleus de la Minusca, nombre de Centrafricains ne cachent pas leur inquiétude au sujet du départ des soldats français. »
Un pouvoir vacillant
D’autant, remarque Le Monde Afrique, que « l’autorité du président élu en début d’année, Faustin-Archange Touadéra, ne dépasse pas les barrières marquant la sortie de Bangui. Ce ne sont pas ses maigres ressources – le budget du gouvernement avoisine les 350 millions d’euros – qui lui permettent de grandes ambitions. La conférence des donateurs, prévue le 17 novembre à Bruxelles, est donc attendue avec impatience. Seulement, pointe encore Le Monde Afrique, sept mois après son investiture, le chef de cet Etat effondré semble toujours hésiter sur la conduite à tenir vis-à-vis des groupes armés. Il faut dire que l’équation à résoudre est complexe, même pour ce professeur de mathématiques. Deux options s’offrent à lui : négocier une paix sans justice qui offrira, comme par le passé, des postes à des chefs de guerre, ou bien lancer les hostilités contre ceux qui refusent de déposer les armes sans en avoir les moyens, et alors que l’ONU n’est pas prête à s’engager dans un tel combat. »