La tête ronde, les sourcils en broussaille, un crâne dégarni et quelques cheveux blancs qui s’étalent à la Une de L’Obs et de Politis. Pourquoi deux publications classées à gauche s’attardent-elles sur le maire de Bordeaux ? Parce que cela se confirme : en vue de la primaire de la droite, « la tentation Juppé » est bien là chez les sympathisants de gauche. Même si cela leur brûle les doigts, non, les électeurs interrogés dans L’Obs n’auront pas d’états d’âme à signer la charte qui les assimile aux valeurs de la droite et du centre. « Tout sauf Sarkozy » à la présidentielle, c’est le sentiment général, même si, comme l’écrit Sophie Fay, Alain Juppé, « c’est un libéral et il ne s’en cache pas ».
Ce n’est pas notre affaire
« Nous en sommes là, se désole Denis Sieffert dans Politis : être propre sur soi, ni trop vulgaire ni trop désinvolte, suffit de nos jours à faire un excellent candidat. Les sondages font d’Alain Juppé le favori de la primaire de la droite ? Ce n’est pas notre affaire. Le plus important est de songer à reconstruire la gauche. Et il n’est pas prouvé que la renaissance de la gauche sera plus facile avec Juppé qu’avec aucun de ses concurrents. » Pour Politis, au lieu de la tentation, c’est du « mythe Juppé » qu’il faut parler.
Le Journal du Dimanche, lui, détaille les tenants de « ce fantasme nommé Juppé ». C’est le titre du livre d’Anna Cabana, rédactrice en chef politique du JDD, qui publie ses bonnes feuilles. Des extraits consacrés à la relation entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy : en résumé, fascination et répulsion, deux hommes que tout oppose mais qui se fréquentent depuis très longtemps. A cette différence près qu’aujourd’hui, la balle a changé de camp, selon le directeur de campagne d’Alain Juppé, qui l’assure : « il n’a plus peur de Nicolas Sarkozy ».
L’hypothèse Royal
Dans l’autre camp, après les confidences du président de la République, le bateau prend l’eau de toute part. Il n’y qu’à voir les noms qui circulent pour se faire une idée de l’ambiance générale au Parti socialiste : Le Parisien/Aujourd’hui en France remarque que Manuel Valls, le Premier ministre, « se pose de plus en plus comme le rassembleur de la gauche pour 2017 ». Exemple avec ce discours vibrant à Tours hier devant les responsables du Parti socialiste. Manuel Valls, qui ne veut pas enfoncer le chef de l’Etat mais qui le répète : « je ne laisserai jamais tomber ma famille politique ». Pour Le Parisien, le message est clair : « si Hollande n’y va pas, Valls ira ».
Moins attendu, dans Le Journal du Dimanche : « Ségolène coche toutes les cases ». Voilà le bruit qui court rue de Solférino, où, semble-t-il, on a déjà fait le deuil de la présence de la gauche au second tour de la présidentielle. « Pour éviter que l’effet de souffle sur les législatives soit terrible, il importe de trouver la personnalité qui nous permettre de faire le moins pire des scores », confie un responsable socialiste au JDD, et cette perle rare, qui est-ce ? Ségolène Royal. En quelques mots : « C’est une femme ; elle est spontanément écologiste au moment où les écolos se cassent la gueule ; elle a déjà été candidate à la présidentielle ; elle ne n’est pas compromise dans le débat sur la déchéance ni la loi El Khomri ; elle n’est pas marquée du sceau du libéralisme ; elle peut parler avec les frondeurs et c’est elle qui, à gauche, avait le mieux pressenti qu’il fallait incarner l’ordre et l’autorité. ». Voilà la fiche technique qui ferait de la ministre de l’Environnement la candidate idéale. La dame, elle, n’est pas dupe : « On cherche quelqu’un pour se sacrifier. Si c’était gagnable, on ne viendrait pas me chercher », répond Ségolène Royal, qui se garde bien d’enterrer François Hollande avant l’heure.
La France et les monarchies du Golfe
Le Point revient cette semaine sur « les liaisons dangereuses », autrement dit les échanges entre la France, l’Arabie Saoudite et le Qatar. Deux grands journalistes signent un ouvrage sur le sujet, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, auteurs de « Nos très chers émirs », une enquête sur les années Sarkozy, mais pas seulement. On y lit, par exemple, qu’un député n’hésite pas à quémander le financement de ses vacances à l’ambassadeur du Qatar. Ou qu’un ministre est capable de lui demander du travail à ce même ambassadeur pour une entreprise qu’il connaît bien ? En résumé, que les hommes politiques français prennent le diplomate qatarien pour une banque, ni plus ni moins. Avec un rappel : ces cadeaux au moment de Noël : Mohammed al-Kuwari, ancien représentant du Qatar en France, offrait à certains députés des montres Rolex ou des bons d’achat dans des grands magasins d’une valeur pouvant aller jusqu’à 5 000 ou 6 000 euros, sans oublier les sacs Vuitton offerts aux épouses de ces élus. L’ambassade du Qatar souligne que « ça ne les dérangeait visiblement pas, puisque aucun cadeau ne nous a été retourné ».