A la Une: le ras-le-bol des policiers

Mais que fait la police ? Eh bien, fait rarissime, elle exprime publiquement tout son mal-être et toute sa colère… « Deux nuits de manifestations spontanées, constate Le Figaro, un directeur général de la police hué par ses troupes - ce qui constitue une première - et, bientôt, une “marche de la colère”, le 26 octobre, à l’appel d’un syndicat, Unité-SGP-FO, longtemps considéré comme proche de la gauche. Le malaise policier brouille les cartes et fait frémir au sommet de l’État, surtout dans le contexte terroriste… mais aussi de l’élection présidentielle qui approche. Ce mouvement a dépassé les syndicats, relève encore Le Figaro. Il s’exprime depuis l’attaque au cocktail Molotov contre quatre policiers, le 8 octobre dernier, à Viry-Châtillon, Essonne. Deux agents ont été brûlés, ce jour-là, dont l’un, âgé de 28 ans, grièvement atteint aux mains et au visage. Leur mission consistait à surveiller une caméra de surveillance… »

Pour sa part, « Le gouvernement ne parvient pas à calmer la colère des policiers, constate Le Monde en première page. C’est un ras-le-bol général, assure ce policier, cité par Libération. “Les collègues en ont marre”, confirme aussi ce syndicaliste, qui parle à propos de l’attaque de Viry-Châtillon d’une “escalade inadmissible avec une volonté de tuer des policiers”. Les fonctionnaires citent volontiers des événements, de natures très différentes, auxquels ils ont été confrontés ces derniers mois, constate encore Libération : le maintien de l’ordre dans les manifestations contre la loi travail, parfois marquées par des affrontements violents ; le double assassinat, par un homme se réclamant de l’Etat islamique, d’un policier et d’une fonctionnaire du ministère de l’Intérieur à leur domicile de Magnanville (Yvelines) le 13 juin ; et une menace terroriste qui exige une mobilisation à un niveau toujours très élevé. Sans compter l’évacuation de la “jungle” de Calais et de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes qui s’annoncent dans les jours ou semaines à venir et nécessiteront, là encore, d’importants effectifs. »

Symptôme inquiétant

Attention, prévient Le Journal de la Haute-Marne, « la colère des policiers n’est pas un feu de paille. Elle risque d’embraser tout un pilier de l’ordre républicain. Sa spontanéité fait penser à ces coordinations qui, dans d’autres professions, débordent les appareils syndicaux. »

Constat similaire pour Le Républicain Lorrain : « coincés entre leurs droits et leurs devoirs, les flics, fatigués, ont décidé d’étaler leur ras-le-bol sur la place publique. Une réaction épidermique qui échappe aussi bien aux responsables politiques qu’aux organisations syndicales “maison”. Ce coup-là, ni la place Beauvau ni les représentants de la profession ne l’avaient vraiment vu venir. En tout cas pas sous cet aspect… Cette “Nuit debout” version police interpelle en effet sur la forme et sur le fond. »

« Comment les faire rentrer dans leurs commissariats ?, s’interroge L’Opinion. Comment mettre fin à ces manifestations de policiers, à ces défis d’une rare audace lancés à la figure de leur hiérarchie ? […] Les flics sont dans la rue, bravant tous les interdits. Un signe de plus du délabrement de notre environnement, estime encore L’Opinion, aux côtés des violences dans les lycées et des accrochages dans les hôpitaux. Des lieux et des professions qui devraient échapper à la brutalité quotidienne, à toutes ces incivilités qui minent le moral de ceux qui en sont la cible et ruinent les conditions de vie en société. Les manifs de policiers disent beaucoup plus qu’un simple malaise corporatiste. »

Le FN en embuscade ?

A ce malaise sociétal et corporatiste, s’ajoute un contexte politique brûlant… Hier, le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a dénoncé la « patte » du Front national dans les manifestations « hors la loi » de policiers.

Non, s’exclame Le Figaro. « Il se trompe. Le parti de Marine Le Pen n’est pas l’organisateur de cette “jacquerie” des forces de l’ordre, mais il pourrait bien en être le grand bénéficiaire. S’il y a répartition des rôles entre le gouvernement et le Parti socialiste, elle est pour le moins maladroite. Car les propos de Cambadélis ne peuvent qu’accroître la colère de forces de l’ordre alors que Manuel Valls et Bernard Cazeneuve cherchent à tout prix à la contenir. »

« Colère policière : le FN en embuscade », titre pour sa part Libération. Libération qui précise que « selon une récente étude du Centre de recherches politiques de Sciences-Po, le Cevipof, plus de 56 % des policiers et militaires auraient prévu de voter Le Pen au premier tour en 2017. Aux régionales, 51,5 % d’entre eux avaient déjà déclaré avoir voté FN, contre 30 % à la présidentielle de 2012, selon une autre étude du Cevipof. Qui souligne que les policiers votent plus massivement à l’extrême droite que les militaires. »

Responsables…

En tout cas, à droite et à gauche, on se renvoie la balle… « L’opposition met en cause la responsabilité du gouvernement, pointe L’Eclair des Pyrénées. De fait, le pouvoir hollandais fait preuve d’une faiblesse insigne. Mais la droite ne peut s’exonérer de sa propre responsabilité, poursuit le quotidien béarnais. La gauche lui renvoie, à bon droit, ses erreurs. Et d’abord la suppression, sous le quinquennat Sarkozy, de milliers d’emplois dans la police et la gendarmerie. Aujourd’hui, c’est le Front national, et lui seul, qui profite de la situation. »

Enfin, conclut La Charente Libre, « pour le pouvoir en place comme pour celui qui devrait lui succéder en 2017, le challenge est sévère. En captant, sur fond d’insécurité générale, la colère de fonctionnaires laissés pour compte, le FN et son chef se désignent déjà pour la suite comme la seule alternative qui vaille. La révolte des sans-grades ne serait ainsi que le signe d’un mouvement encore plus profond dans la société, au-delà de la police. »

Pari perdu…

Dans la presse ce matin également : « Emploi : le pari perdu de François Hollande », c’est le grand titre du Parisien. « Les chiffres du chômage ont beau s’améliorer légèrement, de reports en déceptions successives, la promesse de François Hollande d’en inverser la courbe est, estime Le Parisien, un loupé politique. […] Et la promesse de 2012 restera gravée comme une des paroles malheureuses d’un président décidément trop bavard. »

Enfin ce dossier sur la Libye à lire dans La Croix : « Libye, un chaos sans fin », titre le quotidien catholique. « Cinq ans après la mort de Kadhafi, le processus politique porté par l’ONU s’étiole ; la situation humanitaire est jugée alarmante, tandis que l’état de délitement fait craindre que la Libye soit devenue ingouvernable. »

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