A la Une: Hollande, le livre-piège

C’est un livre qui a fait grand bruit cette semaine, car il consigne des confidences de François Hollande, certaines, il est vrai, étant explosives. Intitulé « Un président ne devrait pas dire ça », publié chez Stock, ce livre a été écrit par deux journalistes du quotidien Le Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, à qui François Hollande s’est confié tout au long de son quinquennat. Vraie bombe à fragmentation, cette machine infernale de plus de six cents pages a explosé mardi dernier dans L’Express, et ses répliques ont secoué la semaine de la presse française.

Avant d’en rappeler quelques morceaux choisis, soulignons que le président de la République a accordé pas moins de soixante et un rendez-vous aux auteurs de ce livre, dont huit dîners privés au domicile de l'un d’eux, compte non-tenu de tous les autres entretiens accordés pour d'autres livres à lui consacrés.

Des entretiens qui devaient permettre à François Hollande de s'exprimer à travers ces livres afin d'expliquer son action. Mais des rendez-vous aussi nombreux, est-ce normal ? Les Français disent « non ». Selon un sondage Ifop pour Le Journal du Dimanche, 78% des Français trouvent que ces rencontres à répétition entre des journalistes et François Hollande ne sont pas « justifiées ».

Résultats, seuls 14% des sondés souhaitent que le chef de l’Etat soit de nouveau candidat à l'élection présidentielle de 2017 (c’est 1 % de moins que le mois dernier). Et de toutes les personnalités qui « incarneraient le mieux les idées et valeurs de la gauche » en 2017, c’est le créateur du mouvement La France insoumise Jean-Luc Mélenchon qui arrive en tête de ce sondage du JDD, avec 34%, loin devant François Hollande, Emmanuel Macron et Arnaud Montebourg.

Alors, François Hollande doit-il se représenter en 2017 ? Justement. Jean-Luc Mélenchon, qui réunit sa première « convention » en ce moment à Lille, dans le nord de la France, estime que « oui ». Dans un entretien au Journal du dimanche, il juge la candidature du chef de l'Etat à sa succession « nécessaire pour la démocratie » ! Et dans cette même interview au JDD, Mélenchon, très en verve, compare Emmanuel Macron à « Attila » face « aux conquêtes sociales des salariés ».

Hollande : imprudent babil

Les principales phrases-choc du président, quelles sont-elles ? Il y a d’abord celles concernant l’islam en France, qui ont beaucoup choqué, même si elles semblent avoir été quelque peu sorties de leur contexte. « Qu'il y ait un problème avec l'islam, c'est vrai. Nul n'en doute », font ainsi dire les auteurs à François Hollande, qui explique aussi que « la femme voilée d'aujourd'hui sera la Marianne de demain », rapporte tel quel L’Express. Aux deux auteurs de ce livre-choc, le chef de l’Etat aurait aussi confié penser qu’il y a « trop d'arrivées, d'immigration qui ne devrait pas être là ».

Il y a ensuite celles relatives à Nicolas Sarkozy, dont François Hollande dénonce la « grossièreté », le « cynisme » et « cette espèce d'appât de l'argent » chez son prédécesseur. « On a eu Napoléon le petit, eh bien là, ce serait de Gaulle le petit », lâche-t-il, cinglant. Au passage, il confirme que François Fillon a  demandé au secrétaire général de l'Élysée Jean-Pierre Jouyet d'accélérer le cours de la justice pour torpiller Nicolas Sarkozy. Toutefois, le président appellerait à voter pour lui au second tour de la présidentielle en cas de duel avec Marine Le Pen.

Et puis il y a les autres, toutes les autres confidences, consignées dans L’Express comme dans d’autres journaux français. Comme celle relative à la déchéance de la nationalité. Dans ce livre, François Hollande se dit hostile à cette mesure à titre personnel. Dans un entretien accordé à L'Obs (et dont nous allons parler tout à l’heure), le président indique aussi regretter avoir proposé d'inscrire la déchéance de nationalité dans la constitution pour les auteurs d'acte de terrorisme et considère que ce n'était pas une bonne mesure pour lutter contre le terrorisme « puisque les terroristes veulent mourir. La déchéance de nationalité n'a donc aucune valeur dissuasive ».

Et puis, en vrac, tout le reste. Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes ? Le président confie que, d'après lui, cet aéroport « ne verra pas le jour » ! Les footballeurs ? Il les compare à des « gosses mal éduqués » et conseille à certains d'entre eux une « musculation du cerveau ». Les magistrats ? Une « institution de lâcheté » ? Les Verts ? Des « cyniques », des « emmerdeurs ». Les députés récalcitrants ? « Une agrégation de gens intelligents peut faire une foule idiote ». N’en jetez plus !

Hollande : tout et son contraire

Autre dommage collatéral de cette fracassante sortie en librairie, elle a occulté le grand entretien accordé à un hebdomadaire par le même François Hollande. Et c’est une parole présidentielle bien plus policée que magazine L’Obs a recueilli cette semaine. « Je suis prêt », dit François Hollande à « la Une » de cet hebdomadaire. Prêt à quoi ? Prêt à « l’inventaire » sur ses soixante engagements de campagne en 2012. Le président, qui fera connaître en décembre sa décision de se représenter ou non, dit à L’Obs avoir agi « conformément à (ses) engagements et à (ses) valeurs », et demande à être « jugé sur un bilan ». Comme le souligne le magazine Les InRocKs, « dans cet entretien fleuve, François Hollande semble clairement préparer le terrain pour sa candidature à venir ».

Mais ça, c’était avant… Avant ce que l’hebdomadaire Marianne appelle le « télescopage » entre cette grande interview à L’Obs et la sortie du livre Un président ne devrait pas dire ça. Et pour Marianne, la concomitance des propos présidentiels « soigneusement relus et lissés » avec des confidences du livre fait apparaître « quelques savoureuses contradictions ». Entre autres, François Hollande est « contre la déchéance de nationalité… mais ne regrette pas de l’avoir proposée », et il « critique la droite dure et le FN… mais trouve qu’il y a trop d’immigration », signale Marianne.

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