A la Une: la nouvelle constitution ivoirienne

« Tournons définitivement la page des crises » : petite phrase prononcée hier par le président Ouattara devant l’assemblée nationale. Une petite phrase pour un grand projet à la Une de Fraternité Matin.
Et dans son éditorial, le quotidien abidjanais prend fait et cause pour le nouveau texte : « qui peut croire que nous tournerons définitivement la page de la partie sombre de notre histoire des années 2000 avec la même Constitution ? Y-a-t-il à s’étonner qu’Affi N’Guessan et Mamadou Koulibaly, les inspirateurs de la Constitution établie en l’an 2000, refusent de renier leur enfant et acceptent de le regarder mourir sans pleurer ? Laissons-les s’agiter et pensons à notre pays, s’exclame Fraternité Matin. Relisons calmement le texte qui nous est proposé, sans penser aux acteurs politiques actuels. Lisons-le en pensant à notre pays, à nos enfants et petits-enfants dans vingt, trente ou cinquante ans. (…) Relisons-le et nous verrons que le nouveau contrat social qui nous est proposé allie ce qui se fait de mieux dans les pays anglophones et francophones. »

Après le discours du chef de l’Etat dans l’hémicycle, rapporte le site d’information Le Point Sur , « des voix se sont élevées pour demander une rallonge du délai d’examen de l’avant-projet. Il s’agit notamment de celles des députés Sarr Bohé Marius et Yapo Alban. Pour eux, relève le site ivoirien, quatre jours pour examiner et adopter un aussi important projet sont insuffisants. 'Il ne sert à rien de se précipiter pour adopter une Constitution, estiment-ils. D’autant qu’elle constitue la boussole de toute une nation'. Pour sa part, la première Vice-présidente Sarah Sako Fadiga indique que le délai est raisonnable. Mieux, elle rappelle que les copies de l’avant-projet de Constitution étaient disponibles dans le casier de chaque député depuis vendredi dernier. »

ADO n’en a-t-il fait qu’à sa tête ?

La presse de la sous-région, elle, a apparemment eu le temps de se pencher sur le texte et certaines dispositions passent mal…

Ainsi, pointe Ledjely.com, « le fait que le chef de l’Etat s’octroie le droit discrétionnaire de se choisir un dauphin constitutionnel à travers la création d’un poste de vice-président, a quelque chose de discutable. De même, poursuit le site guinéen, qu’Alassane Ouattara s’arroge le droit de nommer le tiers des membres du prochain Sénat n’est pas non plus un signe d’une grandeur démocratique. Si le pouvoir avait quelque peu écouté et accordé un peu de respect au camp adverse, estime encore Ledjely.com, ces quelques problèmes auraient pu trouver des solutions. Malheureusement, Alassane Ouattara, fort de l’hégémonie que lui et le RHDP imposent aux autres acteurs politiques ivoiriens, n’en a fait qu’à sa tête. »

Et il y a d’autres points discutables, complète Le Pays au Burkina. « Même si l’article 35 de la Constitution sur lequel s’étaient basés les concepteurs de l’ivoirité pour dynamiter la Côte d’Ivoire disparaît, la nouvelle mouture contenue dans l’article 55 n’est pas moins sujette à caution. Dans la mue opérée, le nouveau texte indique, en effet, que le candidat à l’élection présidentielle doit être 'exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d’origine'. Une telle formulation est confessionnelle, estime Le Pays, et peut réveiller les vieux démons à peine endormis dans la lagune Ebrié. Plus insidieuse est la levée du verrou de la limitation d’âge à la candidature à l’élection présidentielle (qui était de 75 ans), pointe encore Le Pays. D’aucuns y voient la volonté à peine dissimulée du président ADO de profiter de la remise à zéro du compteur par la mise en œuvre de la nouvelle Constitution, pour briguer un 3e voire un 4e mandat, alors qu’aux termes de l’actuelle Constitution, il est forclos de par son âge. »

Qui pour lui succéder ?

Finalement, estime Aujourd’hui, toujours à Ouaga, « on sent déjà, à moins de 4 ans de son départ et au vu de sa prestation hier à l’Assemblée, un Alassane Ouattara turlupiné aux entournures, par son après-règne. (…) Ce face-à-face d’hier ressemblait à s’y méprendre à l’esquisse du portrait-robot du prochain locataire du palais de Cocody. Une ébauche, qui donne la grattouille à l’opposition, qui y voit une monarchisation du pouvoir. (…) Déjà, note Aujourd’hui, des noms sont cités, pêle-mêle aussi bien dans les maquis d’Abidjan que dans les salons cosy : du ministre de l’Intérieur, Ahmed Bakayoko, à Daniel Kablan Dancan, l’actuel PM, en passant par Guillaume Soro (président de l’AN), Thierry Tanoh, secrétaire général adjoint de la présidence. Mais après tout, conclut le quotidien ouagalais, seuls les Ivoiriens sont maîtres de ce choix, à commencer par le référendum qu’ils vont arbitrer fin octobre, et encore d’ici à 2020, politiquement, beaucoup d’eau coulera sous les ponts De Gaulle, Houphouët et Bédié. »

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