Avec les critiques qui fusent de toutes parts sur cette nouvelle faillite de l'Etat incapable d'enrayer la désindustrialisation de la France, le chef de l'Etat a réagi très vite et très fermement pour éviter le syndrome Florange. Une fois élu, François Hollande s'était révélé incapable de tenir sa promesse de campagne d'empêcher l'arrêt des hauts fourneaux. Avec une différence de taille dans le dossier qui fait en ce moment la Une des journaux : l'Etat est actionnaire d'Alstom et il en est le principal donneur d'ordre sur le territoire français. Car c'est bien dans l'Hexagone qu'Alstom souffre, à l'étranger son carnet de commandes est bien rempli. Avec ses 20% au capital d'Alstom, l'Etat n'a pas un pouvoir suffisant pour peser sur la stratégie du groupe. En revanche, en tant que principal client, il a une marge de manœuvre pour sauver cette usine historique d'Alstom ouverte à la fin du 19e siècle.
Alain Vidalies le secrétaire d'Etat aux transports a annoncé ce matin un certain nombre de pistes pour gonfler le carnet de commandes. Est-ce suffisant ?
Il propose d'accélérer certains appels d'offres, de mieux répartir les futures commandes sur les différents sites d'Alstom. En clair une solution d'urgence pour combler le trou d'air que l'usine de Belfort va connaître entre 2018 et au moins 2020, mais pas une solution pérenne, or c'est bien la pénurie de commandes qui a motivé la décision de transférer le site vers l'Alsace, rappelle le patron d'Alstom dans un communiqué envoyé à tous les salariés du groupe.
Selon le consultant Arnaud Aymé, de Sia-Partners, les premières pistes envisagées par le gouvernement sont cosmétiques. Cela ne change pas le fond du problème, à savoir la grande faiblesse du chemin de fer français, trop endetté pour renouveler son matériel. Or pour avoir une industrie ferroviaire dynamique sur le territoire français, il faut qu'il y ait un marché dynamique. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui en France. Il n'y a pas que les ouvriers d'Alstom qui sont en sursis. Les ouvriers de la grande usine canadienne Bombardier dans les Hauts de France s'inquiètent aussi de la faiblesse des commandes.
L’Etat, très endetté, a-t-il les moyens de soutenir le marché ?
L'Etat contraint par ses déficits a préféré aggraver la dette de la SNCF en la sommant d'acheter des rames TGV, par exemple pour garnir le carnet de commandes d'Alstom. Ce qui grève d'autant sa compétitivité. Le sort de Belfort et au-delà de toute l'industrie française qui gravite autour, passe par une vraie politique favorable au chemin de fer. Le concurrent allemand d'Alstom, Siemens a, lui, bénéficié d'un soutien public clairement assumé. En 1994, le gouvernement allemand a effacé la dette de la Deutsche Bahn pour lui permettre de relancer ses investissements. Pendant ce temps la SNCF a vu sa dette grossir d'année en année, elle est aujourd'hui de 44 milliards d'euros. Effacer cette dette, plaide Arnaud Aymé, reviendrait à faire peser sur l'ensemble des contribuables le coût du réseau français et non sur les seuls usagers. Un peu comme ce qui est fait pour les autoroutes dont le coût est supporté par l'ensemble de la communauté. Ce serait un bon début pour rééquilibrer la concurrence entre le rail et la route et in fine soutenir ainsi le maintien sur le sol français d’une industrie du rail.