RFI : Le 27 août, diriez-vous qu’il y aura un choc Ping-Bongo ?
Flavien Enongoué : Je ne pense pas qu’il faille poser le problème en ces termes. Malgré les ralliements, il reste quand même en face d’Ali Bongo 11 candidatures. Ces ralliements constituent non pas un évènement, comme on tente de le dire, il s’agit rien de moins que d’une alliance électorale.
Zacharie Myboto était à la manœuvre pour parvenir au désistement de Casimir Oyé Mba et de Guy Nzouba Ndama en faveur de Jean Ping. L’ancien Premier ministre et l’ancien président de l’Assemblée nationale se sont-ils fait un peu tordre le bras pour arriver à cet accord ?
C’est ce qui apparait manifestement. Chacun d’eux est parti à cette rencontre en imaginant qu’il serait le bénéficiaire du conclave. Mais manifestement, Zacharie Myboto n’avait aucun avantage à ce que l’Union nationale ait un candidat et surtout pas, l’ancien Premier ministre Casimir Oyé Mba. Quant à l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guy Nzouba Ndama, il était convaincu que les choses joueraient en sa faveur. Là, tout s’est joué en dehors des militants, des uns et des autres.
Et selon vos informations, sur quelles bases s’est fait effectivement cet accord ? Le choix s’est-il porté sur le candidat le plus virulent contre Ali Bongo ?
Ils sont tous virulents contre Ali Bongo, il n’y a aucune différence à faire entre les trois. Seulement je crois que Jean Ping, il faut être honnête, a pris de l’avance sur un certain nombre de ses concurrents parce que, depuis plus d’un an et demi, il laboure le terrain. Casimir Oyé Mba s’est lancé sur le tard, au mois de juin. Même là, à reculons parce qu’ils avaient pensé, ils avaient cru que la stratégie de la DTE, c’est-à-dire Destitution-Transition-Election, allait aboutir. Or ça a été un flop à ce niveau.
Il y a un autre aspect. Jean Ping, osons le dire, a plus de moyens que tous ces candidats réunis.
Que dire du report des votes, les appels de Guy Nzouba Ndama et de Casimir Oyé Mba, vont-ils être suivis des faits ?
Casimir Oyé Mba n’apporte pas grand-chose. Jean Ping avait déjà réussi son OPA au niveau des troupes de l’Union nationale. Maintenant qu’apporte Guy Nzouba Ndama ? Je serais tenté de vous dire que paradoxalement son désistement pourrait bénéficier à Ali Bongo Ondimba. Pourquoi ? Parce que dans notre cas du Gabon, son électorat prioritaire, c’est-à-dire les gens de sa région, l'Ogooué-Lolo, ne voteront pas mécaniquement pour Jean Ping parce qu’ils se sont portés sur lui en pensant que le fils du pays allait devenir président de la République. Et comme ça ne va pas être le cas, nombreux d’entre eux qui sont PDGistes depuis le début, parce que le PDG [Parti démocratique gabonais] est né à Koulamoutou, la province d’origine de Guy Nzouba Ndama. Beaucoup de ceux qui ont pensé que ça pouvait bénéficier à Jean Ping, pourront déchanter et je ne pense pas qu’ils vont suivre Nzouba Ndama dans son aventure.
Ali Bongo Ondimba, dans son discours prononcé à l’occasion de la fête de l’Indépendance ce mercredi, a dénoncé « des appels à la discorde et à la violence » ?
Oui, parce que nous avons entendu un certain nombre de choses inacceptables. Traiter certains compatriotes de « cafards » ou alors un responsable politique proche de Jean Ping qui demande aux gens de faire « comme à Nice », c’est-à-dire l’apologie du terrorisme. Le combat démocratique n’est loyal que par la forclusion de la violence, d’un côté comme de l’autre.
Un constat maintenant… c’est au sein de l’ancien parti unique, donc le PDG au pouvoir, qu’est née une opposition franche et radicale ?
C’est d’ailleurs ce qui pose problème. Sur la capacité de notre société à générer des nouvelles figures. Le PDG, c’est là où il y a le renouvellement, alors qu’en face la plupart des leaders sont septuagénaires. Mais peut-être que cette élection sera celle du passage d’une génération à une autre.