Burkina Faso/Côte d’Ivoire: «le renforcement des relations est très attendu»

Entre la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso, la brouille est finie. C'est le message des deux présidents qui doivent se retrouver ce jeudi, à Yamoussoukro, à l'occasion de la première visite en Côte d'Ivoire de Roch Marc Christian Kaboré, le nouveau président du Burkina Faso. Dès hier, le ministre burkinabè des Affaires étrangères est arrivé en précurseur. En ligne de Yamoussoukro, Alpha Barry, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Qu’attendez-vous de cette première visite du président Roch Marc Christian Kaboré en Côte d’Ivoire ?

Alpha Barry : C’est le renforcement des relations entre les deux pays. Nous avons déjà beaucoup avancé depuis janvier où les deux chefs d’Etat se sont rencontrés à Addis-Abeba. Aujourd’hui, on attend de cette visite qu’il y ait surtout ce renforcement des relations très attendu par nos populations, surtout les populations nombreuses qui vivent ici en Côte d’Ivoire.

Ces derniers mois, les relations ont été tumultueuses entre ces deux pays ?

En effet, on ne va pas cacher les choses. Il y a eu des moments difficiles dus au mandat d’arrêt lancé contre le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, et puis par l’attaque d’un camp de Ouagadougou, perpétré par des ex-RSP [Régiment de sécurité présidentielle] qui sont venus d’Abidjan. Du coup, la tension était montée entre les deux parties et aujourd’hui, je pense que tout cela, c’est pérenne.

Alors justement après le putsch des ex-RSP, Régiment de sécurité présidentielle, en septembre 2015, la justice de votre pays a lancé un mandat d’arrêt contre Guillaume Soro, le numéro deux de l’Etat ivoirien. Puis la justice burkinabè a retiré ce mandat d’arrêt. Pourquoi ?

Ah, ça je ne saurais vous dire. Ça, c’est une affaire de justice.

Est-ce que vous n’avez pas dû céder à des pressions amicales de la part de la Côte d’Ivoire ?

Ah non, pas du tout. La seule chose que je constate par ailleurs, c’est que Interpol qui était chargé d’exécuter le mandat a, quelques jours avant, indiqué que pour des raisons politiques, il ne pouvait pas appliquer ce mandat. C’est-à-dire que Interpol ne s’occupe pas des questions militaires et politiques et c’est une décision qui se prend à Lyon et non à Ouagadougou.

En février 2016, quatre présumés putschistes du RSP de septembre 2015, et notamment l’adjudant-chef Moussa Nébié, dit Rambo, ont été livrés par la Côte d’Ivoire à votre pays. Est-ce en contrepartie de ces quatre extraditions que les poursuites contre Guillaume Soro ont été abandonnées ?

Non, je ne crois pas du tout. Je pense que l’explication entre les deux chefs d’Etat a abouti à un règlement diplomatique des conséquences nées de l’affaire du mandat d’arrêt, donc après ces conclusions donc entre les deux chefs d’Etat. L’arrestation et puis l’extradition de cet ex-chef Rambo font partie de cette volonté de régler de façon diplomatique le problème et de tourner la page de la discorde entre les deux pays.

En tout cas, l’extradition de ces quatre putschistes a beaucoup réchauffé les relations entre vos deux pays ?

Absolument, absolument.

Et c’est après ces quatre extraditions que l’affaire Guillaume Soro a été réglée ?

Non, c’est après l’extradition de ce certain chef Rambo, que moi, je me suis rendu à Abidjan pour remercier le président Alassane Ouattara et nous avons continué à chercher à faire aboutir les travaux du Traité d’amitié et de coopération. Et on est arrivés au résultat auquel on est aujourd’hui. Parallèlement, je constate que la justice burkinabè est arrivée à lever le mandat.

Autre sujet qui fâche entre vos deux pays, c’est la protection accordée par la Côte d’Ivoire à Blaise Compaoré depuis 2014. Quand vous avez appris que votre ancien président avait acquis la nationalité ivoirienne, comment avez-vous réagi ?

Vous savez, de toutes les façons, face à tout ce qui pouvait nous diviser, il faut dialoguer, il faut des règlements diplomatiques.

Mais vous savez que votre opinion publique exige la vérité sur l’assassinat de Thomas Sankara en octobre 1987, sur les cas de détournements de fonds publics pendant la présidence Blaise Compaoré. Que répondez-vous à cette double demande ?

Ce sont des demandes qui sont légitimes, d’abord pour les victimes du coup d’Etat d’octobre 1987, mais nous on ne s’arrête pas, la vie de deux nations ne s’arrête pas au cas de Blaise Compaoré. Et nous avons des millions de Burkinabè qui vivent en Côte d’Ivoire. Nous avons des échanges importants entre nos deux pays, et nous avons l’obligation donc de travailler à préserver cette bonne relation entre le Burkina et la Côte d’Ivoire.

« Tôt ou tard, Blaise Compaoré devra rendre des comptes », a déclaré le président Roch Marc Christian Kaboré, il y a deux semaines à Jeune Afrique.

J’ai lu ça et je ne me permettrai pas de commenter les propos du président Roch [Marc Christian] Kaboré. Mais je dis bien que le fait que les gens réclament que Blaise Compaoré réponde, c’est légitime. Mais j’ai dit, la mission pour laquelle j’ai été mandaté, c’est celle de travailler pour les Burkinabè de l’extérieur, mais c’est celle aussi de travailler pour améliorer les relations du Burkina avec les autres Etats. Et c’est ce travail que je fais tous les jours.

Donc pour vous, la priorité, c’est notamment la tranquillité de la très grande communauté burkinabè qui vit en Côte d’Ivoire ?

Oui, et il y a d’autres choses aussi. Imaginez toute la menace terroriste, jihadiste que nous avons. Et imaginez les avancées que nous avons connues grâce aux échanges entre les deux pays. Et imaginez que tout ça ne pourrait pas se faire si effectivement, il y avait toujours une situation de discorde entre les deux pays.

Et concrètement, qu’attendez-vous de cette nouvelle réunion du Traité d’amitié et de coopération, du TAC ?

Il s’agit du chemin de fer, la rénovation du chemin de fer entre les deux pays ; également, l’autoroute de Yamoussoukro à Ouagadougou, nous avons un projet de pipeline, mais on a aussi des discussions sur le commerce, sur les questions de jeunesse. Naturellement, c’est deux pays qui sont proches et les populations que nous avons du côté ivoirien sont là pour le prouver.

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