Après le « oui » britannique à la sortie de l’Union européenne, Le Canard enchaîné résume ce matin la situation : « La Grande-Bretagne est mal partie et l’Europe mal barrée… »
En effet, on assiste à un grand flottement général. « Il n’est qu’à écouter le silence éloquent qui a succédé au verdict des urnes, pointe l’hebdomadaire satirique, pour mesurer à quel point le camp du " leave ", comme celui de Cameron ou de l’opposition travailliste, n’imaginaient pas la victoire du Brexit. Le nationaliste Nigel Farage fait profil bas. L’opportuniste Boris Johnson ne flamboie pas non plus. Il espère toujours prendre la place de Cameron mais n’a encore donné ni le début d’un plan A ni la queue d’un plan B pour rassurer la Bourse, la City ou les Anglais qui ont cru en lui, et il semble désormais beaucoup moins pressé de claquer la porte de l’UE. Quant à Cameron, par qui le référendum est arrivé avant de lui revenir dans le nez, il est aussi sonné. »
Même constat accablant pour Libération : « Pour avoir mené une campagne démagogique et xénophobe, le camp du " leave " a enflammé les débats en cognant sur tout ce qui constitue l’UE, en appuyant sur cet euroscepticisme ambiant. Mais en oubliant la position privilégiée dont bénéficie le Royaume-Uni. Le " leave " a tout fait pour gagner, sans préparer le principal : que faire de la victoire ? Un des principaux arguments avancés pour quitter l’Union européenne était de permettre au pays, ainsi libéré de ses chaînes, de reprendre son destin en main. C’est exactement l’inverse qui est en train de se produire, soupire Libération. Entre l’impréparation désormais visible d’un Boris Johnson à mettre en place concrètement l’issue du référendum, les premières volte-face concernant les promesses (mensongères) de campagne, les guerres intestines dans les camps travaillistes et conservateurs qui menacent de les faire imploser, les craintes de dislocations territoriales avec l’Ecosse et l’Irlande, les premiers impacts négatifs sur l’économie du pays, le Royaume-Uni, constate Libération, ne semble plus maîtriser son destin. »
Piégés…
« Les leaders du " Brexit " piégés par leur victoire », renchérit Le Monde.
« Le Royaume-Uni n’est pas prêt, affirme le quotidien du soir. En dépit des mises en garde, ni le Premier ministre, qui a joué à la roulette russe l’avenir de son pays et celui de l’UE en convoquant ce référendum, ni les thuriféraires du " Brexit ", Boris Johnson en tête, n’ont préparé le moindre plan B. (…) Face à cet abîme, Londres est incapable d’exprimer sa vision pour l’avenir. Elle doit concilier trois exigences : respecter le suffrage universel, ne pas désespérer les Britanniques qui voulaient rester dans l’Union européenne et maintenir des liens économiques les plus étroits possibles avec l’UE. La solution la plus logique serait un statut à la norvégienne, estime Le Monde. Il implique de financer les politiques de solidarité européenne et de respecter la réglementation bruxelloise, mais sans participer à son élaboration. Ce n’est sûrement pas ce qu’imaginaient les partisans du " Brexit ". Mais c’est le prix de l’irresponsabilité des uns ou du cynisme des autres. »
Refondation ?
Ce qui est certain dans cette affaire, c’est que l’Union européenne est à repenser de fond en comble… Pour preuve, avance Sud-Ouest, « voilà vingt ans qu’à chaque consultation tous les peuples d’Europe manifestent leur défiance envers la construction qui leur est proposée. Chaque fois, on leur rétorque qu’ils ont tort. Le train s’ébranle malgré leur avis, et parfois contre eux. Comment s’étonner qu’ils sautent du convoi ou tentent de lui barrer la route ? »
Les Dernières Nouvelles d'Alsace insistent : « L’erreur serait de croire que ce référendum n’est qu’un accident de parcours. C’est un signal d’alarme. Il traduit une tendance lourde sur le continent. Les Britanniques ont exprimé tout haut ce que nombre de peuples pensent tout bas. Les dirigeants européens doivent absolument l’entendre et en tenir compte. »
Alors, maintenant, estime La Montagne, « il s’agit de réorganiser l’Europe dans le sens de davantage d’efficacité, davantage de démocratie, davantage de clarté. Mais comme la formule de François Hollande espérant " une nouvelle impulsion " est loin de la gravité de l’enjeu ! À chaque crise on a toujours entendu, venue de l’aréopage bruxellois, la promesse suivante : " Plus rien ne sera comme avant ! " On a le sentiment, au cœur de la plus grave tourmente jamais vue, que tout sera comme avant ! »
Et puis ce sondage publié ce matin par Le Figaro : et si les Français étaient consultés pour ou contre une sortie de l’Europe ? Eh bien la réponse est claire… « Les Français ne veulent pas quitter l’Europe. Cinq jours après le vote en faveur du Brexit, l’enquête du Figaro indique qu’en cas de référendum en France, 45 % des électeurs voteraient contre une sortie de l’UE et 33 % pour. (…) Ce sondage entérine aussi, pointe Le Figaro, la fin de l’enthousiasme européen. La solution prônée par les Français au " Brexit " est très majoritairement (55 %) pour qu’il y ait " davantage d’autonomie " des nations vis-à-vis de l’Europe. Ils ne sont plus que 25 % à espérer davantage d’intégration entre les nations au sein de l’UE. De la même manière, six Français sur dix (58 %) déclarent ne pas être surpris du résultat anglais. Comme s’ils s’y attendaient… »
Stop ou encore ?
Dans les journaux également, la 11e manifestation hier contre la loi travail. Ils étaient 15 000 mardi à Paris, à défiler, selon la préfecture, et 55 000 d’après les syndicats.
Pour Le Figaro, « la contestation s’essouffle ». Mais « la fronde sociale ne se dégonfle pas. Une nouvelle journée nationale d’action est programmée dès le 5 juillet prochain. Pour la douzième fois depuis mars, les forces de l’ordre seront sur les dents. » « Pas de vacances pour la contestation », s’exclame pour sa part L’Humanité. « Personne ne parle d’arrêter le mouvement cet été », affirme le quotidien communiste.
Enfin, cette réflexion plutôt désabusée de L’Est Républicain : « Le soleil boude derrière les nuages depuis des mois. La loi Travail n’en finit plus de boucher l’horizon social français. Policiers et gendarmes sont épuisés. Les Britanniques ont mouché sans vergogne une flamme européenne vacillante. Bud Spencer nous a quittés. L’Espagne et l’Angleterre sont éliminées sans gloire de l’Euro. Assez ! Il arrivera bien un jour de juin où les mauvaises nouvelles cesseront de pleuvoir. » Il faudra faire vite alors, il reste deux jours avant juillet…