A la Une: statique ou bien itinérante?

 

La nouvelle manifestation à Paris contre la loi travail prévue demain jeudi sera-t-elle cantonnée à un rassemblement statique, place de la Nation, comme le préconise le gouvernement, ou bien les manifestants seront-ils autorisés à défiler, comme le veulent les syndicats ?

Et bien toujours pas de réponse… « La guerre des nerfs s’exacerbe, s’exclame Le Figaro. Les âpres marchandages menés depuis 24 heures en coulisses pour tenter d’organiser la manifestation semblaient virer hier à un dialogue de sourds. »

Et dans la presse, le débat est vif également… « Qui cédera le premier ?, se demande Le Journal de la Haute-Marne. La CGT, en se contentant d’un rassemblement statique ? Le gouvernement, en autorisant finalement une manifestation en bonne et due forme ? On le saura peut-être aujourd’hui, mais rien n’est moins sûr dans cette longue séquence de contestation sociale. Chacun des protagonistes a beaucoup à perdre dans un combat où les enjeux politiques s’enchevêtrent avec les questions de droit. »

« Dans ce dossier, il n’y a que deux alternatives possibles, pointe Le Midi Libre. Autoriser la manifestation en plein Paris avec une sécurisation policière à la hauteur face à la menace des casseurs. C’est prendre le risque calculé d’une bavure qui, d’un point de vue de l’image, écornerait encore un peu plus l’autorité de l’Etat. Ou bien interdire le rassemblement social au nom de l’état d’urgence et d’une République chancelante. Si la tentation est grande chez Manuel Valls, elle comporte un inconvénient de taille : la gauche porterait à jamais le fardeau de l’interdiction. »

Pour L’Humanité, c’est l’Etat de droit qui est remis en question… « Le président et son premier ministre, tous deux censément de gauche, ont tellement basculé dans le déni et l’autoritarisme pour imposer par la force leur loi travail qu’ils sont à deux doigts d’assumer la responsabilité de ne pas respecter la liberté de manifester aux syndicats… Ils ont maintenant sombré dans une dérive qu’il convient de qualifier : ultra-droitière. »

Un compromis ?

Sud-Ouest appelle les deux parties à la raison : « aux syndicats de trouver des nouveaux moyens de protestation, qui ne donnent plus prise aux exactions des casseurs, lesquels sont en réalité des gauchistes très organisés, très déterminés et très violents. Mais au gouvernement de ne pas passer d’un extrême à l’autre, c’est-à-dire d’une trop grande impuissance face aux casseurs à un excès d’autorité vis-à-vis des syndicats. »

Alors quel compromis pourrait-on trouver ? Les Dernières Nouvelles d’Alsace ont leur idée : « l’exécutif peut bien sûr parier sur le fait que les Français sont excédés par les violences qui accompagnent les cortèges, et afficher une fermeté de principe… qui ne ferait que radicaliser encore les positions. Mais il peut aussi transiger en autorisant, estime le quotidien alsacien, un court et symbolique cortège, maintenant que les syndicats ont repoussé l’offre de “ fan zone”, place de la Nation. Cette seconde possibilité aurait le mérite de limiter les risques de dérapages et de contenter les syndicats. »

En tout cas, pour l’instant, « trois pas en avant, deux en arrière, déplore La Nouvelle République du Centre Ouest. Nous en sommes là de cette valse piétinante et exténuée. Comment ne pas lire dans ce blocage entretenu et prolongé une métaphore de la crispation générale figeant le pays ? […] Retenus derrière leurs barrières, les protestataires seront comptés avec davantage de facilité et les casseurs, parasites indissociables de ces manifestations, auront peut-être plus de difficultés à se casser après leurs forfaits. Mais ces considérations ne feront guère avancer un dossier de plus en plus statique. Et si, s’exclame La Nouvelle République, et si on tournait enfin la page de cette agitation stérile ? »

Brexit : la contagion ?

A la Une également, le référendum britannique sur la sortie ou non de l’Union européenne… « Brexit : l’Europe face au risque de la contagion », s’alarme Le Figaro. « À la veille du référendum britannique, Bruxelles et une partie des dirigeants de l’UE redoutent qu’il ne donne le coup de grâce à une Europe rongée par l’euroscepticisme. » En effet, précise le journal, « un non britannique priverait l’UE de 15 % de son PIB, d’une intelligence financière et d’un regard sur le monde hors pair, et pour finir d’un de ses deux sièges permanents au Conseil de sécurité de l’ONU. Le départ ne mettrait “pas l’UE en danger de mort”, soutient Jean-Claude Juncker, à moitié rassurant. Mais ce pourrait être aussi la tempête de trop pour une galère ballottée de crise en crise, sans cap précis et finalement rongée par l’euroscepticisme. À l’inverse, un oui soulagerait sûrement l’équipage. Sans rien changer à l’état déprimant du bateau. »

Le Monde est sur la même ligne… « Certains en France, pro-européens convaincus, disent souhaiter le départ des Britanniques. Ils y voient l’occasion d’une relance de l’intégration européenne sous l’influence d’un couple franco-allemand qui se trouverait soudain requinqué du seul fait de l’électrochoc du Brexit. Nous n’y croyons pas, estime le quotidien du soir. Ce n’est pas dans l’air de cette époque d’euroscepticisme galopant au sein de l’UE, et il y a trop de différences économiques entre l’Allemagne et la France pour imaginer la reconstitution d’un couple flamboyant. Nous croyons, au contraire, poursuit Le Monde que le Brexit libérerait certaines des forces les plus sombres qui travaillent aujourd’hui les opinions européennes : nationalisme régressif, montée protestataire d’ultradroite et, ici et là, menaces sur la démocratie. Le risque est grand d’un effet domino, avec, très vite, l’organisation de référendums similaires dans d’autres pays membres, et le début du démantèlement de ce qui a été accompli depuis la fin de la guerre. Le danger serait alors celui, bien réel, d’un détricotage de l’Europe telle qu’elle s’est constituée depuis le début des années 1950. »

Et Le Monde de conclure : « l’histoire est tristement riche de ces erreurs énormes commises lors d’un moment d’égarement – mais dont on ne perçoit la gravité que lorsqu’il est trop tard. »

 

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