La piste terroriste, c’est celle qu’à de rares exceptions près, les journaux français mettent en avant pour expliquer cette catastrophe aérienne. Les exceptions ? Commençons par elles, puisqu’à l’heure où nous prenons l’antenne, ladite piste terroriste n’est pas confirmée.
Il y a d’abord le journal La Croix, qui, « en Une », invoque « le temps de l’enquête » et qui, en pages intérieures, se borne à poser les questions venant à l’esprit au sujet de ce crash de l’Airbus A320 d’EgyptAir. Mais si, pour La Croix, la messe n’est pas dite, le quotidien catholique français admet très jésuitiquement que, « dès l'aube, aussitôt annoncé que cet appareil avait disparu des radars, l'éventualité d'un attentat s'était installée dans les esprits. (…) S'agissait-il cette fois de frapper la France, alliée - et pourvoyeuse d'armes - de l'Égypte dans la lutte contre l'islamisme ? Il nous faut vivre désormais, et sans doute pour longtemps, avec de telles questions et affronter de tels risques », soupire donc La Croix.
Prudence également du journal Libération. « Silence radio », lance « en Une » ce journal, qui y va, lui aussi, de sa série de questions. Et qui prévient qu’en Egypte, « le tourisme sera sinistré en 2016 ». Or les autorités égyptiennes prennent le sujet du tourisme, pilier économique du pays, « très au sérieux, souligne Libé. En 2015, ce secteur générait 11,3 % du PIB, et employait 12 % de la population active, rappelle ce quotidien. Pour contrebalancer la désaffection des touristes russes, l’Egypte fait désormais les yeux doux aux touristes chinois ». Mais le cœur n’y est pas. « Guides touristiques, chauffeurs, hôteliers, employés d’agence de voyage : beaucoup cherchent à se reconvertir, constate Libération. Les échoppes du fameux souk (…) du Caire (…) travaillent au ralenti et beaucoup ont baissé définitivement leur rideau de fer ».
Voilà. De ces considérations, certes capitales, mais tout de même annexes au regard des attentes de leurs lecteurs, suinte un sentiment de frustration que, face à l’emballement médiatique de la journée d’hier, ces confrères ont dû ressentir quand il s’est agi de mettre sous presse. Sentiment qui éclate dans les colonnes du journal Les Dernières Nouvelles d'Alsace, qui le déplore « N'importe quelle voiture, le plus modeste smartphone et même les montres de cyclotouristes offrent des systèmes GPS. Mais un avion de cent millions d'euros, pouvant transporter des centaines de passagers ne livre pas ses données de navigation en temps réel, s’indigne ce quotidien de l’est de la France. Constater qu'un avion s'est volatilisé n'est plus acceptable ». Certes…
Crash d’EgyptAir : la piste terroriste
Mais les autres journaux français retiennent surtout l’hypothèse du terrorisme. Même si, comme le remarque Le Journal de la Haute-Marne, la sauvagerie a suffisamment meurtri notre pays en 2015 pour que « personne n'ait vraiment envie d'aller tête baissée dans l'affirmation que Daesh a encore frappé », c’est très net.
Et pour s’en justifier, la presse s’en remet aux « autorités égyptiennes » qui auraient admis que l’hypothèse d’un acte terroriste est « jugée la plus probable », explique le journal Les Echos. « La crainte de l’acte terroriste », lance « en Une » le quotidien économique français.
« La piste terroriste n’est pas écartée », enchérit le quotidien communiste L’Humanité.
« La piste de l’attentat », rehausse « la Une » du Figaro. Lequel journal, en conséquence, se devait d’expliquer à ses lecteurs pour quelles raisons le terrorisme par lui ainsi présumé à l’origine de ce crash aérien aurait frappé.
Le Figaro explique donc ainsi qu’on pourrait y voir un « coup double » visant à fragiliser « l’alliance étroite entre la France et l’Égypte », notamment dans leur lutte contre le terrorisme. Et le journal remarque que, depuis 2014, les deux pays « n’ont cessé de se rapprocher militairement. En 2015, Le Caire a signé plusieurs contrats d’armement (avions de combat Rafale, frégate Fremm, navire Mistral) tout en renforçant sa coopération avec Paris ».
Au mot près, le journal Ouest-France n’écrit pas autre chose. « Si l'hypothèse de l'attentat devait se concrétiser, le crash de l'Airbus d'Egyptair pourrait bien constituer un coup double pour les djihadistes. Frapper la France et l'Égypte d'un seul coup ». La France parce que c'est en son sein que Daech souhaite « porter le feu d'une guerre civile ». « L'Égypte, plus encore qu'une cible, est l'un des théâtres de cette guerre », complète ce grand quotidien de l’ouest du pays.
Crash d’EgyptAir : fans-zones à haut-risques
Le crash de l'Airbus d'EgyptAir ? De quoi s’interroger sur la sécurité à venir de l’Euro 2016 de football en France. Ajoutés à la multiplication des attentats de Bagdad, ces événements résonnent comme un « rappel », prévient en effet La Charente Libre. « Daech fait peser sur nos sociétés une menace « constante ». (...) Personne ne s'étonnera dans ces conditions que l'état d'urgence ait été prorogé de deux mois hier à l'Assemblée sans l'ombre d'une discussion ou presque », admet ce quotidien du sud-ouest de la France.
Mais, justement, un journal comme Le Figaro ne comprend pas la « persistance » du gouvernement à vouloir installer des « fans zones » au cœur de plusieurs grandes villes pendant l'Euro de football. « Les milliers de spectateurs qui s'y regrouperont - jusqu'à 80 000 au pied de la tour Eiffel à Paris - seront des cibles idéales, prévient le quotidien conservateur. Aucun dispositif de sécurité (...) ne suffirait à éviter le pire. Le gouvernement serait bien inspiré de renoncer à cette dangereuse initiative », conseille Le Figaro. Qui reproche au gouvernement de laisser « des milliers de personnes s'exposer à d'éventuelles attaques terroristes ».
La Voix du Nord évoque aussi la période « très sensible » de l'Euro et du Tour de France cycliste. Et le plus grand quotidien du septentrion français attend de l'état d'urgence « à la française » qui vient d’être prolongé par l’Assemblée nationale, qu'il soit « efficace » contre la menace terroriste. « Si la piste d'un attentat se confirme pour l'avion d'Egyptair parti de Roissy, la question sera reposée de la plus brutale manière », prévient La Voix du Nord. Nous voilà prévenus…