Les virulentes déclarations d’Alain Mabanckou contre Denis Sassou-Nguesso, hier, sur nos antennes, ont été peu appréciées dans l’entourage du président congolais, c’est le moins que l’on puisse dire. Dans un éditorial intitulé « Du porc-épic en vente sur la radio du monde », le journal « Les Dépêches de Brazzaville », sans jamais le nommer, s’en prend à « l’auteur de 'Mémoires de porc-épic' », ce roman de l’écrivain franco-congolais. Vraie réponse du berger à la bergère, ce quotidien reproche (peut-être de manière allusive, qui sait ?...) d’avoir, justement, « la sienne propre courte », de mémoire…
Notre confrère brazzavillois trouve ensuite que le « nouveau costume d’opposant politique sur la radio du monde » du désormais professeur au Collège de France qu’est Alain Mabanckou est incohérent. Etant rappelé que, sur nos antennes, Alain Mabanckou en a appelé au président français en déclarant que « François Hollande n’a pas validé en quelque sorte l’élection qui s’est passée au Congo », tout en affirmant que la France « choisit ou décide qui pourra être le président de la République dans tel ou tel pays » (fin de citation), « Les Dépêches de Brazzaville » regrettent cette exhortation lancée par l’écrivain à « l’ex-colonisateur à reprendre l’initiative de l’asservissement. Comme si, mémoire trop courte, bien évidemment, le mal que la colonisation a fait aux peuples colonisés devait être échangé contre la carte de séjour longue durée, ou l’acquisition de la nationalité étrangère », bucheronne « Les Dépêches de Brazzaville ».
Le journal se demande aussi « combien achèteront la viande avariée de porc-épic en vente sur la radio mondiale », reprochant à l’auteur de « développer la division, le mensonge, la médisance et la calomnie, l’irrévérence et (une fois encore) la perte de mémoire », l’invitant au contraire à « la mesure, la pondération, la sagesse. Parce que les intelligences qui élèveront le Congo ne viendront pas d’une autre planète », énoncent encore « Les Dépêches de Brazzaville ».
RDC : en attendant Godot
De l’autre côté du fleuve, en République démocratique du Congo, la polémique se poursuit au sujet de l’arrêt de la Cour constitutionnelle validant le maintien des pouvoirs officiels en fonction au-delà du terme du mandat présidentiel en cas de dérapage du chronogramme électoral. Dans un éditorial évoquant non pas la mais « les polémiques » qu’elle qualifie de « stériles et télécommandées » autour de cet arrêt, la RTNC, la Radio-télévision nationale congolaise, dénonce ce qu’elle appelle les « frondeurs radicaux (qui) se répandent dans la Twitosphère et sur les ondes » pour dénoncer cette décision de justice. Selon la RTNC, lesdits « frondeurs » et leurs « mentors étrangers » entendent ainsi « justifier leur naufrage dans l’océan des idées ». Et « la Radio-télévision nationale congolaise » invite les « vrais patriotes congolais » à ne plus se laisser « ainsi manipuler par ces groupes égocentriques et irresponsables ».
Mais c’est aussi au-delà des frontières congolaises que se poursuit la polémique. Témoin le quotidien burkinabè « Le Pays », qui évoque une décision « mortifère » de la Cour constitutionnelle, redoutant une « méga-tragédie qui se profile à l’horizon » en RDC. Selon ce journal ouagalais, l’attente du nouveau président congolais « risque de s’apparenter à celle de Godot de Samuel Beckett. Il ne va jamais arriver. Car, tout indique que Kabila n’est pas disposé à organiser un scrutin présidentiel au Congo pour permettre à ses concitoyens de choisir l’homme ou la femme qui va le remplacer », estime « Le Pays », qui compare Joseph Kabila à un « naufragé qui s’accroche à tout par instinct de survie », avant de trouver que « décidément, il n’y a qu’au Gondwana que l’on peut observer ce genre de scénario ubuesque » et de se demander si le peuple congolais va accepter « d’avaler une telle couleuvre ».
En France, le quotidien « Le Figaro », dans un style moins fleuri, souligne toutefois aussi que « beaucoup redoutaient » cette décision de la Cour constitutionnelle congolaise, le scrutin présidentiel n’ayant « aucune chance de se tenir à la date dite, considère ce journal conservateur. Sept mois sont en effet bien trop courts pour organiser un vote dans ce pays d’environ 80 millions d’habitants, grand comme quatre fois la France, alors même que le budget requis, 400 millions de dollars, n’est qu’à moitié réuni », argumente « Le Figaro », qui évoque un « délai offert au président (Kabila) pour se maintenir, au moins un temps, au pouvoir ».