En RDC, la cour constitutionnelle a donc tranché hier : le président Joseph Kabila, à qui la Constitution interdit de se représenter pour un troisième mandat, pourra rester en fonctions au-delà du terme de son mandat, fin 2016, si l’élection présidentielle censée avoir lieu cette année n’est pas organisée.
Commentaire du président du groupe parlementaire du PPRD, le parti présidentiel, à l’Assemblée nationale, Ramazani Shadary, cité sur le site de Radio Okapi : « c’est le peuple qui a gagné, parce que le peuple avait besoin de l’interprétation de l’article 70 de la constitution. […] Il n’y aura plus de polémique. »
En effet, précise Radio Okapi, « l’article 70 permet au chef d’Etat arrivé en fin mandat de rester en fonction. » Il stipule que « à la fin de son mandat, le président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu. »
Les opposants à Kabila s’appuyaient, eux, sur un autre article de la constitution : « l’article 75, qui prévoit qu’en cas de vacances, de décès, de démission ou pour tout autre cause d’empêchement définitif, les fonctions de président de la République sont provisoirement exercées par le Président du Sénat. »
La cour constitutionnelle a donc tranché et « sa logique apparente est cependant démentie par l’enchaînement des faits, estime le quotidien Le Soir en Belgique : si le président restera en place au-delà de la fin officielle de son mandat, pour une durée que la Cour ne précise pas, ce n’est pas en attendant que son successeur prenne ses fonctions, c’est parce qu’aucun successeur n’a été élu ! Et si l’élection présidentielle n’aura pas été organisée à la date prévue, ce n’est pas pour une raison de force majeure, -une guerre, une catastrophe naturelle- c’est tout simplement parce que, délibérément, elle n’a pas été préparée. »
En effet, estime le site d’information Afrikarabia, « pour ceux qui en doutait encore, l’élection présidentielle de novembre 2016 a bien peu de chance de se tenir. Et avec cet arrêt de la Cour constitutionnelle, on peut considérer que le président Kabila se maintiendra au pouvoir jusqu’à l’organisation du prochain scrutin. »
Alors jusqu’à quand ? « La CENI, qui explique vouloir fiabiliser le fichier électoral (désinscrire les personnes décédées et inscrire les nouveaux majeurs depuis le scrutin de 2011), pourrait en fait mettre beaucoup plus de 16 mois, affirme Afrikarabia. Des experts consultés très récemment par la CENI viennent donner le délai de 22 mois pour pouvoir nettoyer et corriger le fichier électoral… ce qui amène la tenue de la prochaine présidentielle à 2018. »
Le site d’information Ledjely.com en Guinée n’est guère étonné par cette décision de la Cour constitutionnelle : « On l’avait bien dit, affirme-t-il. L’annonce inattendue, la semaine dernière, de la candidature de Moïse Katumbi était de nature à obliger Joseph Kabila à sortir de son mutisme. Cette candidature officiellement actée, le président Kabila se devait de sortir du bois et de révéler ses intentions au grand jour. Eh bien, désormais, c’est chose faite. En gros, comme on l’a toujours soupçonné, pointe Ledjely, il n’entend pas s’en aller à la fin de son actuel mandat, comme le stipule la constitution. Mais à la différence de Denis Sassou Nguesso, il ne touchera pas à la charte nationale. Il se propose de faire pire en ignorant tout simplement cette dernière et en demeurant en place au-delà de la limite à lui prescrite. Dans son cas, conclut le site guinéen, ce n’est donc pas la tripatouillite, mais le glissement électoral. »
Bref, « la méthode Kabila est en marche, affirme pour sa part Guinée Conakry Infos. Elle évolue en laxisme programmé, en silence assumé et en coups de poignard politique mortels. Comme le caméléon, il avance à son rythme. L’opposition peut crier à la trahison, il poursuit imperturbablement sa trajectoire. Et au passage, estime encore le site guinéen, Kabila cible des anciens amis comme Moïse Katumbi, les harcèle en traquenards bien médiatisés, pour leur rendre la monnaie de leur pièce politique et montrer jusqu’à preuve du contraire qu’il est le seul maître à bord du bateau nommé "RDC". »