A la Une: Macron dans les starting-blocks

Si certains en doutaient encore, le ministre de l’Economie a confirmé et amplifié hier ses ambitions présidentielles avec un discours enflammé à Orléans, à l’occasion de la traditionnelle cérémonie d’hommages à Jeanne d’Arc. Une attitude et un discours abondamment commentés ce matin dans les journaux.

Le Figaro, tout d’abord, estime qu’ « Emmanuel Macron a opéré à Orléans une nouvelle transgression. Idéologique plus encore qu’historique. En ce 8 mai, le ministre de l’Economie a défendu une “identité française” qui ne se limite pas aux deux siècles de République, comme la gauche voudrait souvent l’enfermer. Certes cette “identité française” qu’il exalte se veut “ouverte”,“accueillante à l’autre” et en particulier aux “plus fragiles”. Voilà pour montrer qu’on peut être de gauche et assumer toute l’histoire de France. Cette leçon d’unité, de continuité sur le passé est évidemment une illustration de la méthode que Macron rêve d’incarner dans le futur, pointe Le Figaro. Que ce futur soit très proche ou un peu plus lointain… Unité, réconciliation, dépassement des clivages. Pour écrire son discours politique, le ministre de l’Economie trempe sa plume dans l’encre gaulliste plus que dans l’encre marxiste. »

 
« Emmanuel Macron poursuit par petites touches son autoportrait politique, constatent également Les Echos. A Orléans, il y a ajouté du souffle et un sentiment national jusqu’ici absents. […] Un autoportrait qui est loin d’être fini, l’homme est “En marche”, mais, depuis un mois, le pas ne fléchit pas. Emmanuel Macron peut bien assurer le matin sur les Champs-Elysées qu’“il n’y a pas de malaise avec François Hollande”, il poursuit au fond comme s’il n’était pas là. Il parle de la France et s’attelle à tisser un “récit national” quand le chef de l’Etat a tant de mal à le faire. Il s’empare de “l’identité républicaine” chère à Manuel Valls en la tirant vers quelque chose de positif, “un espoir”. Le drapeau blanc brandi, il prospère sur tout ce que ses supérieurs à gauche ne sont pas. Ou plus. »

Pour L’Alsace, c’est clair, le ministre de l’Economie ne cache plus ses ambitions : « l’histoire dira si l’aventure présidentielle d’Emmanuel Macron a débuté par le discours d’Orléans et l’ode à Jeanne d’Arc. Mais en ce chaud 8 mai, le ministre de l’Économie a tout fait pour être envoyé au bûcher. Hier à Orléans, l’épouvantail préféré des frondeurs socialistes et de la gauche de la gauche depuis son entrée au gouvernement il y a 20 mois a franchi le Rubicon. Loin de prononcer “un discours d’histoire, de mémoire”, comme il l’avait annoncé le matin même en marge des cérémonies parisiennes du 8-Mai-1945, c’est bel et bien une déclaration d’amour au pays qu’a entonnée Emmanuel Macron avec un discours truffé d’allusions à son propre parcours et à ses ambitions. De “cette France déchirée, coupée en deux, agitée par une guerre sans fin”, à la capacité de Jeanne d’Arc à rassembler le pays “dans un mouvement que rien n’imposait” et sa détermination à “fendre le système”, l’ancien banquier d’affaires a endossé l’armure du candidat à l’élection présidentielle. »

Humilité feinte ou vraie profession de foi ?

Libération, pour sa part, reste sur la réserve… « Avec Jeanne d’Arc, Macron attend des voix », titre ironiquement Libé. « Le ministre de l’Economie qui, depuis le lancement, le 6 avril, de son mouvement En Marche !, ne rate pas une occasion de faire entendre sa différence, avait ce dimanche une opportunité unique de peaufiner son image de possible présidentiable face aux 70 journalistes, photographes et caméramans qui avaient le déplacement. […] L’ambitieux ministre, pointe Libération, a fait un parallèle entre son action et celle de la Pucelle, qui a “libéré les énergies”. En toute modestie. […] Le vœu est clair et le défi lancé. Il pourrait valoir au ministre un nouveau procès en égotisme. Emmanuel Macron le sait qui tente d’y couper court : “Il n’y a pas d’homme ou de femme providentiels, je n’y crois pas. Il n’y a que l’énergie du peuple”. »

Et Libération de s’interroger : « Humilité feinte ou vraie profession de foi ? »
 
Pour L’Humanité, « plus les projets collectifs sont affaiblis, plus les vendeurs de nostalgie cherchent un public. Macron n’échappe pas à cette duperie. […] Quand Nicolas Sarkozy glorifie Guy Môquet. Quand Marine Le Pen ose puiser ses références verbales chez Jaurès et De Gaulle. Quand Manuel Valls se compare à Clemenceau. Quand François Hollande se permet de modifier la nature même des commémorations du 11-Novembre. Ou quand Macron s’empare de Jeanne à des fins très personnelles. Attention danger, s’exclame le quotidien communiste : ce genre de mésusages des faits historiques qui promeuvent l’apologie d’une France éternelle d’hier nous éloigne souvent de la République de demain. »

En tout cas, conclut La Croix, « à Orléans hier, le discours de Macron était bien davantage que celui d’un ministre. Il s’est placé dans une position d’élan et de rassemblement. Mais, ce lundi, il va retrouver son bureau de Bercy et sa place parmi d’autres dans l’équipe de Manuel Valls. Il ne pourra pas longtemps jouer sur deux tableaux. Soit il faudra qu’il prenne le risque de s’émanciper des contraintes gouvernementales pour tenter de bousculer la vie publique. Soit accepter au moins pour un certain temps une hiérarchie politique plus coriace qu’il n’y paraît. »

Plan anti-jihad

A la Une également, le plan anti-jihad de Manuel Valls… C’est le grand dossier du Parisien. « Entouré d’une ribambelle de ministres – Intérieur, Justice, Défense, Education nationale, Recherche, Santé, Culture, Jeunesse et Sports… –, le chef du gouvernement présentera ce matin la feuille de route du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation. Un catalogue de 80 mesures plus ou moins inédites, pointe Le Parisien, qui vont de la mobilisation des armées sur le terrain à la meilleure prise en charge des victimes de terrorisme, et qui révèle surtout le souci d’associer le plus grand nombre d’acteurs de la société, publics comme privés, laïcs mais aussi religieux, à cette problématique. »

Rechute en RDC ?

Enfin cette question dans Le Figaro : « La RD Congo est-elle le malade incurable de l’Afrique ? Potentiellement très riche, mais déchiré par les querelles de pouvoir et infesté de groupes armés, le pays a le plus grand mal à trouver le chemin de la paix, constate le journal. […] La nouvelle crise politique qui secoue le pays est née de la volonté du président de s’accrocher au pouvoir. À la tête du pays depuis 2001, élu en 2006 puis réélu en 2011, Joseph Kabila doit, selon la Constitution, quitter ses fonctions à la fin de l’année. Des élections sont théoriquement prévues en novembre. Théoriquement car, à sept mois de l’échéance, aucun calendrier n’a encore été publié. » Et Kabila pourrait bien faire encore durer le suspense… Résultat, relève Le Figaro, « une protestation de la rue contre un pouvoir très critiqué pourrait conduire à des violences à Kinshasa, la capitale, et à Lubumbashi, le fief de Katumbi, le principal opposant. Les plus pessimistes redoutent que le pays replonge dans l’instabilité, alors que les provinces de l’Est demeurent la proie de conflits depuis plus de vingt ans. »

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