A la Une: Sangaris, des soupçons et des doutes

« Je ne peux pas accepter qu’il y ait la moindre tache sur la réputation de nos armées, c’est-à-dire de la France », a dit le chef de l’Etat, et c’est avec ces paroles présidentielles que débute l’évocation par le journal Le Parisien de ce qu’il appelle une « sale affaire pour l’armée ». Si les faits sont avérés, François Hollande veut des « sanctions exemplaires », souligne le quotidien.

Etant rappelé que ces allégations de viols sur fillettes et violences sexuelles sont attribuées à des casques bleus et des militaires français de l’opération Sangaris, Le Parisien trouve que cette « affaire » donne « le vertige » et qu’elle « sème un nouveau doute sur l’armée française ». Le journal, toutefois, cite un diplomate anonyme « de haut rang », qui invite à la « prudence » et à la « présomption d’innocence », avant d’ajouter : « Que tout un groupe se soit prêté à des actes aussi abjects sans que rien ne filtre… C’est un peu énorme. »

Erythrée : bienvenue en absurdie

En Europe, les migrants venus d’Erythrée sont les plus nombreux après les Syriens. Pourquoi fuient-ils leur pays ? Question posée en Une par La Croix. « Erythrée, un pays oublié », formule le journal. Le quotidien catholique a fait le voyage vers cette terre qui fut longtemps un morceau de l’Ethiopie, et aussi une province italienne pendant plusieurs décennies, avant de nourrir le « rêve » d’être indépendante.

« Le nom de sa capitale, Asmara, évoque un passé prospère où l’Orient, l’Occident et l’Afrique se mêlaient. Aujourd’hui, l’Erythrée est devenu le territoire de l’absurde, constate La Croix. C’est le royaume d’Ubu, des forts torrides du " désert des Tartares ", des bunkers colossaux du film Brazil de Terry Gilliam. »

Alors, les jeunes attendent la « saison », c’est à-dire les beaux jours en Méditerranée, pour rallier l’Europe. « 5 000 Erythréens fuient à l’étranger chaque mois, malgré l’interdiction formelle qui leur est faite de sortir du pays avant l’âge de 50 ans », recense le journal. Et en effet, ils constituent la « deuxième population » après les Syriens à se lancer dans la traversée de la Méditerranée.

Mais avant d’y parvenir, beaucoup s’entassent dans des camps chez le voisin éthiopien. Visite de La Croix chez ces Érythréens d’Addis Abeba qui s’estiment « heureux d’avoir trouvé un biais pour quitter l’un des camps de réfugiés où l’avenir n’est qu’une attente de rien. Ils seraient 15 000 dans la capitale éthiopienne », constate le quotidien, qui le déplore : l’Érythrée « se vide de ses forces et se fige dans l’absurde ».

Après l’Ethiopie, La Croix a remonté la filière, en Libye, avec une autre visite, au centre de détention de Misrata cette fois-ci ; un camp qui ressemble à une « tour de Babel » avec des migrants venus de tout le continent : Egypte, Erythrée, Ethiopie, Gambie, Ghana, Niger, Nigeria, Soudan, Tchad, Sénégal, Somalie…

« Plus de 200 hommes et femmes vivent dans ce camp de réfugiés de Misrata, entassés dans des salles étroites, à même le sol, dans des conditions sanitaires précaires. Au printemps dernier, leur nombre a grimpé à près d’un millier », note le journal. Qui le résume : la « fragmentation » politique et « l’effondrement » de l’économie favorisent le développement du trafic des migrants de toutes origines en Libye.

Kenya : Garissa, un an après

Autre reportage en Afrique, au Kenya cette fois-ci, à Garissa, un an après un massacre de masse commis par les shebab ce 2 avril 2015, il y a un an jour pour jour, car il avait, rappelons-le, coûté la vie à 148 personnes. Les miliciens shebabs avaient, ce jour-là, méthodiquement séparé musulmans et chrétiens, épargnant les premiers, massacrant les seconds. Le groupe al-Shabaab, lié à al-Qaïda, revendiquera l’attaque. Leur but : imposer la charia et leur conception du salafisme en Afrique de l’Est.

C’est le journal Libération qui est retourné sur le campus universitaire de Garissa, où, tant bien que mal, la vie a repris, mais où les blessures demeurent. « Longtemps, le sort de la faculté est resté indécis. Ses portes closes, les jeunes ont quitté Garissa, ou interrompu leurs études. Cette région à majorité musulmane est désormais considérée comme un vivier de terroristes. Un endroit à éviter. Perdu dans une zone aride au nord du pays, à six heures de route de Nairobi, l’endroit intéresse peu les hautes sphères du pouvoir, centralisées dans la capitale », raconte Libération.

La vie a donc repris mais le cœur n’y est pas. « Rien n’a bougé depuis que les terroristes ont semé la mort. (…) Le temps s’est figé à Garissa », note Libé, qui souligne aussi que les shebabs se sont repliés sur la Somalie, voisine du Kenya, où ils multiplient les attaques dévastatrices dans de vastes zones rurales qu’ils contrôlent encore ou grâce à des alliances de circonstances qu’ils nouent avec des clans ou des tribus qui ne reconnaissent pas le maigre pouvoir central.

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