Que faire des milliers de barils de pétrole évaporés des statistiques?

L'Agence internationale ignore où se trouvaient en 2015 près de 800 000 barils de pétrole par jour, près de la moitié de l'excédent mondial. Un tel flou statistique peut-il dicter le comportement des cours du brut

 

Que faire des milliers de barils de pétrole évaporés des statistiques ? En 2015 l'Agence internationale de l'Energie n'a pu définir où se trouvaient jusqu'à 800 000 barils par jour : ni dans les réserves des pays de l'OCDE, ses propres membres, ni à bord des tankers, ni dans les pipelines. Ces barils non affectés, comptabilisés sous l'intitulé « divers » ne seraient pas gênants s'ils ne représentaient pas près de la moitié du surplus mondial de pétrole, un surapprovisionnement qui a occasionné le pire plongeon des cours depuis les années 80.

Pour perdre en chemin 800 000 barils par jour, de trois choses l'une, soit l'Agence internationale de l'Energie a surévalué la production de pétrole, soit elle a sous-évalué la demande, soit il y a des stocks dont elle n'a pas connaissance, et surtout hors de l'OCDE, comme en Chine. Cette hypothèse est la plus probable selon l'Agence elle-même. Mais il n'est pas exclu que la demande soit aussi un peu plus forte qu'on ne le pensait hors OCDE où la collecte des données est encore aléatoire. Enfin les douanes dans les pays importateurs démentent parfois le niveau faramineux des exportations saoudiennes, a déjà souligné Olivier Jakob, de Petromatrix.

Un tel flou avait déjà été observé à la fin des années 90, lors du dernier gros surplus de pétrole, au moment de la crise asiatique, et dans une proportion encore plus grande : un million 200 000 barils avaient disparu des radars de l'AIE, près de 2% de la production pétrolière d'alors.

L'incertitude statistique est une composante des marchés de matières premières, y compris du marché du pétrole, pourtant l'un des mieux cerné de tous. « Entre l'AIE, l’OPEP et l'Agence américaine de l'Energie, souligne Philippe Sébille-Lopez, les chiffres varient de plus 2 à moins 2 millions de barils par jour. On ne sait pas exactement quel est le niveau d'approvisionnement des marchés pétroliers mais tout le monde part d'un constat, y compris les banquiers et les spéculateurs : celui d'un surapprovisionnement du marché. De quel ordre est-il, la question reste posée ». Quand se dégonflera-t-il ? Pas avant le milieu de l'année prochaine selon la majorité des prévisionnistes, qui se basent tous sur des chiffres incertains.

 

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