2e tour de la présidentielle au Bénin: Lionel Zinsou et Patrice Talon sur RFI

Ce dimanche aura lieu le deuxième tour pour départager les deux finalistes dans la présidentielle au Bénin. Le Premier ministre Lionel Zinsou est arrivé en tête avec 27,1 % des voix et l’homme d’affaires Patrice Talon avec 25,5 %. Ce jeudi 17 mars, dans la soirée, les deux candidats vont débattre sur la radio-télévision nationale. Mais avant cet échange, ils ont accepté de s’exprimer tour à tour sur l'antenne de RFI.

 

RFI : Lionel Zinsou, vous êtes arrivé premier, mais vos quatre poursuivants sont tous aujourd’hui contre vous. Ils se déclarent coalisés contre vous ?

Lionel Zinsou : Oui, oui, tout à fait… Une chose qui a été frappante au premier tour et qui va l’être au second, c’est que les électeurs sont très mûrs et très libres. Et les reports de voix seront probablement très faibles par rapport aux appels qui vont être entendus. Prenez un exemple : Sébastien Ajavon qui a fait une excellente campagne, est entré en campagne avec comme unique élément de justification de sa campagne de barrer la route à celui avec qui il est désormais coalisé, qui a fait aussi une excellente campagne, Patrice Talon. Et évidemment que chez les électeurs, évidement qu’il y a une mémoire forte de cet engagement. Donc je n’ai pas d’inquiétudes sur cela. Je pense que le Bénin a un vrai choix. Les deux personnalités sont très différentes. On n’a pas la même réputation, on n’a pas le même passé, on n’a pas eu la même carrière professionnelle. C’est notoire, c’est connu. C’est un affrontement très symbolique ! Nous attendons donc cette élection, qui ne ressemble pas à la première qui peut être un petit peu au premier tour légèrement protestataire. Nous attendons avec sérénité une élection où cette fois-ci on parle d’avenir et qui incarne le père de la Nation, le président de tous les Béninois, qui incarne la paix et l’unité ?

Lionel Zinsou, vous dites que le premier tour a eu une dimension protestataire. Est-ce que ce n’est pas le mot « rupture » qui a fédéré beaucoup d’électeurs de ce premier tour et est-ce que vous n’incarnez pas, vous en tant que Premier-ministre, la continuité ?

Non, j’incarne quelque chose d’un peu différent, j’incarne l’idée qu’on peut faire le changement dans la paix. Pas dans la vengeance. Et le fait qu’un candidat incarne une espèce de volonté de régler les comptes, et notamment ses propres comptes, puisqu’il est en conflit d’intérêt avec l’Etat de façon très importante, puisqu’il y a énormément de procédures judiciaires à son encontre, ça c’est une anomalie dans la politique béninoise.

Mais pour gagner dimanche prochain, est-ce que vous n’auriez pas intérêt à vous démarquer du système Boni Yayi que beaucoup de Béninois jugent corrompu ? Est-ce que vous n’auriez pas intérêt, par exemple, à proposer l’inventaire des dix années du régime Thomas Boni Yayi ?

Les questions politiciennes de : ‘Est-ce que toi qui es dans ta coalition, tous les anciens ministres du président de la République et toi qui est le Premier-ministre, qui est-ce qui va faire le mieux le ménage et l’inventaire ?’ sont des questions qui ne se posent plus comme ça ! Si la coalition avait été différente, si elle avait été faite d’opposants radicaux, elle aurait eu cet argument. Cet argument n’existe plus. Ça c’est de la politique politicienne. En revanche sur l’avenir, on n’a pas tout à fait le même avenir si le Bénin est présidé par Patrice Talon. Là, on a encore quelques jours pour faire un choix parce que ça ne se ressemblera pas. Je ne dis pas que c’est l’opposition du vice et de la vertu comme le pensent la plupart des observateurs ! C’est l’opposition entre deux formes d’avenir qui ne reposent pas sur les mêmes bases éthiques, pas sur les mêmes bases idéologiques, pas sur la même expérience des candidats ! Ils n’ont pas fait la même chose dans la vie !


RFI : Patrice Talon, comment expliquez-vous votre percée au premier tour ? Est-ce que c’est à cause de votre bras-de-fer de ces dernières années avec le président Boni Yayi ?

Patrice Talon : Je ne trouve pas que ce soit une percée, parce que ça fait un moment que je suis connu au Bénin dans la vie politique. Ça fait un moment qu’effectivement, il y a un bras-de-fer entre le président et moi. Les Béninois ont su tous que j’ai lutté pour la démocratie et cela a pu tout doucement construire mon histoire politique.

Patrice Talon, si on additionne toutes les voix de la coalition de la rupture vous semblez très bien parti. Mais est-ce que votre camp ne risque pas de crier victoire trop vite ?

Oui, il ne faut pas crier victoire trop vite parce que ce n’est pas une addition mathématique. Il faut aller chercher les électeurs encore au second tour, un par un. Il faut expliquer, il faut pouvoir rallier ceux qui ont voté Ajavon, Koupaki ou bien Bio Tchané. Moi, je n’ai pas de doute. Nous serons en mesure de les rassurer et d’expliquer ce que nous comptons faire ensemble. D’autant que ce qui anime la plupart de ces électeurs c’est une volonté de rupture, une volonté de renaissance de notre pays. Aujourd’hui, entre les deux candidats – Zinsou et moi – c’est bien moi qui incarne cet idéal.

Oui, mais votre adversaire du deuxième tour, Lionel Zinsou, dit que parmi vos soutiens il y a de nombreux anciens ministres du régime de Thomas Boni Yayi et qu’en réalité votre rupture c’est la continuité.

Je préfère un ancien ministre qui se rend compte de la bêtise, des erreurs, et qui prône un changement de cap, à quelqu’un de neuf au Bénin qui vient et qui porte l’idéal pourri – excusez-moi le terme – qui veut affirmer qu’il incarne ce qui ne va plus. Entre celui-là et celui qui reconnaît que ça ne va pas, qu’il faut changer de cap, le choix est vite fait ! Parce que ce que Lionel Zinsou incarne aujourd’hui c’est un régime décadent, totalement décadent ! Il ne dénonce pas ! Il est même complice ! Prendre le pouvoir dans ces conditions, ça ne donne pas le gage de moralité, excusez-moi !

Patrice Talon, pour ce deuxième tour votre adversaire Lionel Zinsou fait le pari que les Béninois vont se tourner vers l’avenir et que pour gouverner leur pays dans les cinq ans à venir ils choisiront plus volontiers un homme d’Etat, comme l’actuel Premier-ministre, qu’un homme d’affaires comme vous ?

Oh ! Vous me vexez, Monsieur Boisbouvier ! Qu’est-ce que vous appelez « homme d’affaires » ? Qu’est-ce que vous appelez « homme d’Etat » ? Monsieur Lionel Zinsou est un opérateur économique aussi ! Et il a fait moins de preuves que moi dans la capacité à bâtir, à construire quelque chose de durable ! En quoi il est homme d’Etat ? Parce qu’il est Premier-ministre, soi-disant, d’un système décadent totalement ?

Patrice Talon, si vous êtes élu promettez-vous de ne faire qu’un seul mandat ?

Le problème ce n’est pas moi ! Le problème, c’est le Bénin et la nature du régime, la notion de renouvellement des mandats pervertit le pouvoir et la gouvernance. Donc il faut lever cette possibilité de renouvellement des mandats pour que la gouvernance soit quelque chose de normal, ordinaire, et que la présidence se consacre au travail et à la bonne gouvernance plutôt que de penser à la réélection. Je partirai dans cinq ans, c’est certain. Je propose la chose suivante : ne peut être désormais candidat que ce qui* nous a mérité président de la République. Donc je ne serai pas éligible en 2021.

 

 

 

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