« L’avertissement » : c’est le grand titre de Libération ce matin après les manifestations qui ont eu lieu hier un peu partout en France contre la réforme du droit du travail.
« De Rennes à Toulouse, de Lille à Paris, plus de 200 000 personnes ont défilé contre la loi travail. Une forte mobilisation, notamment lycéenne et étudiante, qui pèse, estime le journal, sur François Hollande et Manuel Valls. »
En effet, analyse Libé, « le relatif succès de la manifestation étudiante – moins qu’un tsunami mais bien plus qu’une vaguelette – sonne comme un signal d’alarme aux oreilles de l’exécutif. Il est temps de réagir, sans hésitation et sans délai. On pouvait difficilement imaginer un projet si mal équilibré et si mal présenté. La précarité et l’incertitude professionnelle sont le lot des nouvelles générations depuis une ou deux décennies, pointe le journal. […] Et au lieu de jouer franchement la carte de la sécurité sociale professionnelle – ce qui supposait de renforcer sérieusement le compte personnel d’activité, innovation précieuse mais pour l’instant embryonnaire –, on a mis au premier plan les concessions aux entreprises, dont certaines sont utiles ou acceptables, mais d’autres franchement provocatrices, comme le plafonnement des indemnités ou la définition du périmètre du licenciement économique. Du coup, déplore Libération, ce projet qu’on pouvait écrire différemment, dans un sens nettement plus social, catalyse l’amertume et la colère accumulées au fil d’une crise sans fin. »
« N’ayez pas peur… »
Non, rétorque Le Figaro… Non, la mobilisation n’a pas été flagrante… Non, les jeunes ne rejettent pas en bloc la réforme… « Martine Aubry et ses amis frondeurs, la CGT et l’Unef n’avaient pas, hier, de quoi pavoiser, estime en effet le quotidien d’opposition. La mobilisation ne fut pas à la hauteur de leurs espoirs. Ce sont surtout les jeunes qui devaient animer ce tour de chauffe. Mais si, précisément, s’interroge Le Figaro, la majorité de ces jeunes, pas dupes, n’étaient plus au diapason de ce qu’espère d’eux cette gauche archaïque, dépassée, responsable des nombreux blocages de notre pays ? Peut-être ont-ils enfin conscience d’être les premières victimes d’une politique qui n’a eu pour effet que d’alimenter le chômage ? Ils auraient raison, tant la gauche leur a menti, de ne plus vouloir être sa “chair à manifs” ni jouer ses idiots utiles. »
Et Le Figaro de relever que « le Premier ministre italien, pourtant homme de gauche, a encouragé hier les jeunes Français : “N’ayez pas peur”. Matteo Renzi parle d’or et d’expérience, affirme le journal : il s’est attaqué à la simplification du contrat de travail chez lui et a ainsi créé 500 000 emplois. Bel exemple à suivre. »
Modifications ?
Alors que va faire le gouvernement ? Va-t-il reculer ? Va-t-il proposer des aménagements à son projet de loi ?
Très certainement. A en croire Les Echos, « Hollande s’apprête à lâcher du lest. […] L’exécutif a pris conscience qu’il doit proposer de substantielles évolutions de son projet, affirme le quotidien économique. Plusieurs pistes sont à l’étude, en particulier sur le plafonnement des dommages et intérêts aux prud’hommes dont la CFDT réclame la disparition, mais dont Manuel Valls a fait un marqueur fort. Il y a aussi la taxation des contrats précaires. »
« L’exécutif ira-t-il au-delà d’une simple retouche ? », s’interroge pour sa part Le Parisien. « Hollande et Valls, qui déjeuneront aujourd’hui à l’Elysée, n’ont pas décidé de brusquer les échéances, croit savoir le journal. Le déplacement que doit effectuer cet après-midi François Hollande dans une entreprise de Seine-et-Marne lui fournira l’occasion d’appeler au dialogue. Le moment clef reste lundi prochain lorsque Valls rendra sa copie aux partenaires sociaux et aux parlementaires PS. »
Fin d’un monde
En attendant d’en savoir plus sur d’éventuelles modifications du projet, les commentateurs pointent d’autres enseignements de cette journée de mobilisation… D’abord la perte d’influence des syndicats : « que les institutions syndicales prennent garde !, s’exclame Le Républicain Lorrain. Aujourd’hui, ce sont les organisations d’étudiants et de lycéens qui prennent la main. Tout comme les internautes ont imposé la date de ce 9 mars pour les premières manifs, l’Unef a annoncé le prochain rendez-vous du 17 mars, toute seule comme une grande, sans aller chercher la bénédiction de quiconque. Les syndicats de salariés sont priés de suivre, ou d’abandonner leurs querelles de chapelles s’ils veulent conquérir la confiance de la jeunesse. »
La jeunesse, autre point d’analyse, ce matin. « Les jeunes et les manifestants d’hier demandent aux hommes politiques d’agir sur un réel dont ils ne veulent pas, constate Le Courrier Picard. […] Ce que comporte cet avant-projet de loi, c’est avant tout la fin d’un monde. Certes, le réel a changé. Mais les jeunes pressentent que la compétitivité et la concurrence n’ont pas de limites. Dès lors, où cela s’arrêtera-t-il ?, s’interroge le journal. La France ne pourra jamais être une bulle s’abstenant des réalités extérieures. Mais le monde non plus ne peut pas faire sans la France et l’Europe. Accepter le monde tel qu’il est et tenter d’y faire sa place au soleil est ce qu’il y a de moins imaginatif. Vouloir le changer est l’apanage de la jeunesse. Et sa force. »
Alors, c’est vrai, reconnaît La Croix, « les difficultés d’accès à l’emploi et au logement pour les jeunes sont évidentes. Ce qui justifie bien entendu d’agir pour modifier le cours des choses. Cependant, estime le quotidien catholique, les jeunes n’y parviendront pas s’ils se placent dans une attitude victimaire. Il n’y a pas quelque part des “méchants” qu’il faudrait empêcher de nuire pour que tout redevienne comme avant. Notre époque est celle d’une profonde mutation. Notre rapport au travail, à la richesse, à la croissance doit être réinventé. Telle est la tâche qui attend les nouvelles générations. Qu’elles prennent garde, prévient La Croix, à ne pas contribuer, par les manifestations du moment, à renforcer l’immobilisme. Elles n’en seront pas les bénéficiaires. »
Envies de printemps…
On termine par le football, avec la victoire hier soir du PSG face à Chelsea, 2 buts à 1… « Paris par KO », s’exclame Le Parisien. « Ibrahimovic envoie le PSG en quarts », lance Le Figaro. « Un Top 8 où il pourrait retrouver le Real Madrid de Zinédine Zidane, les Allemands de Wolfsburg ou le Benfica Lisbonne, d’ores et déjà qualifiés. » Bref, « le PSG a encore tout à faire pour concrétiser ses rêves de grandeur. L’aventure ne fait que commencer. »
Mais L’Equipe veut y croire… « Les Parisiens ont enfin soustrait le football français à la nuit qui le menaçait jusqu’à l’Euro. Avec eux, nous avons des envies de printemps. »