Le projet Hinkley Point peut-il mettre en péril EDF ? Le doute n’est pas nouveau. Le comité central d'entreprise d'EDF a même lancé en décembre dernier un droit d'alerte économique et pointé les risques du projet pour la santé et l'équilibre financier de l'entreprise. Les syndicats redoutent que ce projet précipite l'entreprise dans un bourbier financier semblable à celui dans lequel s'est retrouvé Areva après s'être engagé dans la construction d'un réacteur EPR à Olkiluoto en Finlande, avec les difficultés que l'on connait qui ont entrainé le démantèlement de l'ancien fleuron du nucléaire français.
Thomas Piquemal, le directeur financier d'EDF, plaidait depuis plusieurs semaines pour que le plan de financement d'Hinkley point soit sécurisé, le projet à court terme représentant selon lui bien trop de risques pour les comptes de l'électricien.
Hinkley Point : une pierre du mur d’investissement auquel EDF doit faire face
La liste des investissements à réaliser n'a cessé de s'allonger. Il y a notamment le rachat pour 2 milliards d'euros de l'activité réacteur d'Areva, clef dans le sauvetage du géant français. Une somme qui n'avait pas été envisagée quand le projet Hinckley Point a été lancé en 2013. EDF ne pensait pas devoir s'investir autant financièrement.
Au départ en effet, il était prévu qu'EDF participe à hauteur de 40%, Areva à hauteur de 10% et des investisseurs chinois autour de 30 à 40%. ll porte était ouverte à d'autres investisseurs... qui ont finalement choisi de ne pas s'associer à ce projet. Il faut dire que les déboires d’Areva et les retards enregistrés par EDF sur son chantier de l'EPR de Flamanville n'ont pas aidé à convaincre. Résultat : les Chinois ont plafonné leur participation à 33% et c'est EDF seule qui devra s'endetter pour financer les 2/3 restants du projet Hinckley point, soit quelque 15 milliards d'euros.
Un énorme investissement alors que l'électricien doit également penser au financement des travaux pour allonger la durée de fonctionnement - des 58 réacteurs du parc nucléaire français actuel, soit 55 milliards d'euros au minimum sur une vingtaine d'années, au démantèlement à venir de certaines centrales et au stockage des déchets.
Hinkley Point : un pari pour EDF et une filière nucléaire européenne
Londres y tient et la Grande-Bretagne est prête à y mettre les moyens. Pendant 35 ans, le prix de l'électricité qui sera produite à Hinckley Point sera garanti pour EDF, c'est-à-dire que quel que soit le niveau des prix du marché de l'électricité, l'électricien sait sur quels revenus il pourra compter. La Commission européenne a donné son accord. Une garantie majeure quand on sait que les prix de l'électricité se sont effondrés depuis quelques années, passant de 70 euros le mégawattheure à quelque 26 euros aujourd'hui.
La demande n'est pas au rendez-vous, et il y a la concurrence des énergies renouvelables, dont les prix sont garantis et fixés hors marchés. Le projet britannique, c'est aussi pour EDF une opportunité en or de relancer avec Londres le nucléaire en Europe, nucléaire qui n'a pas le vent en poupe. C’est aussi l'occasion de tester à grande échelle le remplacement d'une partie du parc britannique par de nouveaux réacteurs EPR, et donc de faire le pont - industriel - avec le renouvellement du parc français.
Enfin, Hinckley Point c'est aussi le moyen de renforcer la coopération avec les Chinois, notamment le groupe national CGN, partenaire d'EDF en Grande-Bretagne. Alors c'est un pari pour EDF, mais que l'électricien peut difficilement ne pas tenter.