« Opération déminage à Matignon, s’exclame Le Parisien. Dès 10 heures et jusqu’à 17 h 30, Manuel Valls reçoit à tour de bras aujourd’hui. Syndicats et patronat défileront l’un après l’autre. Une heure chrono chacun, le temps de sonder les esprits et d’esquisser de possibles ouvertures à l’avant-veille d’une journée sociale test. Celle de tous les dangers pour le sommet de l’Etat, qui redoute par-dessous tout un remake du scénario CPE (en 2006) sur la loi El Khomri. » En effet, après-demain mercredi, à l’appel de plusieurs syndicats, dont la CGT et plusieurs organisations étudiantes, une manifestation nationale est prévue contre cette fameuse loi El Khomri. Une pétition sur Internet, contre la réforme, a recueilli plus d’un million de signatures.
Alors, jeudi, au lendemain de la manif, poursuit Le Parisien, « François Hollande et Manuel Valls déjeuneront ensemble pour tirer les premiers enseignements de la mobilisation. Une nouvelle journée de défilés aura lieu samedi à l’appel, cette fois, des syndicats réformistes. Durant le week-end et en début de semaine suivante, Hollande et Valls rendront leurs arbitrages. Ce sera l’heure de vérité. »
Ce que croient savoir certains journaux, c’est que quelques curseurs vont bouger…
Plusieurs gestes sont à l’étude, pointent Les Echos. Pour ce qui est « des Prud’hommes : un barème plus favorable aux salariés. Concernant les 35 heures, moins de pouvoir direct aux PME. Le compte personnel d’activité sera renforcé pour les jeunes. Et le périmètre sera revu pour les licenciements économiques. »
Finalement, analysent Les Echos, « la grande conversion idéologique de la gauche n’est pas pour maintenant ; Manuel Valls ne sera pas son parrain. La raison se trouve dans ce mot qu’il tente pourtant de brandir encore : la 'confiance'. Pour que la gauche politique et syndicale accepte l’idée qu’assouplir le licenciement pousserait les entreprises à embaucher, il faudrait qu’elle ait confiance en elles. Tout comme il fallait avoir confiance dans le fait que les baisses de charges créeraient des emplois. L’opération l’a d’autant moins convaincue que Manuel Valls lui-même a récemment reproché aux entreprises de ne pas avoir joué le jeu, les menaçant de passer à la manière forte. Ce quinquennat restera comme une histoire de confiance ratée, soupirent encore Les Echos. Entre l’entreprise et la gauche. Et désormais entre la gauche et son gouvernement. »
Le Figaro, lui, soutient cette réforme du Code du travail et veut y croire… « Si François Hollande et Manuel Valls tiennent bon sur la réforme du Code du travail, ils auront prouvé que la France, réputée irréformable, ne l’est plus. Signal fort pour le pays lui-même et pour tous ses voisins, qui le regardent depuis si longtemps avec un mélange de stupéfaction et de commisération. (…) Qu’ils aient la force d’âme nécessaire pour résister à leur propre camp qui, comme d’habitude, leur reprochera violemment de mettre à bas le mirifique "modèle social". Celui qui nous vaut près de 4 millions de chômeurs, une précarité généralisée, des dettes abyssales et un Front national conquérant… »
En tout cas, « l’équation de Manuel Valls est compliquée », pointe La Montagne
« Cette réforme mal ficelée, mal préparée, qui plus est arrivant trop tard dans le mandat, pose un double problème à l’exécutif. Si la rue mobilise au point d’obliger le retrait du projet de loi, on voit mal comment Manuel Valls pourra rester à Matignon. En revanche, pour une adoption du texte, il faut une majorité aujourd’hui introuvable. Entre impréparation, majorité fracturée, partenaires sociaux vent debout, opinion majoritairement du côté des opposants, voilà un Premier ministre qui, dans la tradition de la Ve République, est le fusible de l’exécutif. C’est lui qui sautera le premier. »
Alors quelle issue ? La Presse de la Manche a son idée : « la solution la plus fructueuse serait sans doute de retirer le texte tel qu’il est, d’expliquer longuement l’esprit de la réforme, autrement qu’en affirmant qu’elle est bonne et indispensable, puis de cheminer le plus possible avec les partenaires sociaux et les parlementaires pour qu’un texte puisse être discuté, après une concertation réaliste et courageuse, qui rassemble le plus grand nombre de Français. Le temps perdu, l’illusion de la lassitude des opposants, dans le contexte actuel, serait une erreur, souligne encore La Presse de la Manche. La contestation ne ferait que se renforcer au fil des semaines. Invoquer l’esprit irrationnel du refus d’évoluer ne suffira pas davantage. Bien au contraire. C’est une réforme qui doit se faire avec les Français. »
A la Une également, le sommet extraordinaire sur les migrants qui s’ouvre ce lundi à Bruxelles entre les 28 dirigeants européens et le Premier ministre turc
L’Europe devrait faire pression sur la Turquie pour qu’elle l’aide à endiguer l’afflux historique de réfugiés. Seulement voilà, pointe La Croix, « Le président turc Recep Tayyip Erdogan sait que l’Union a besoin de lui et fait monter les enchères en conséquence. Il veut bien accepter d’être le portier de l’Europe, mais à condition d’être du bon côté de la porte, et sans se laisser imposer des règles du jeu qui ne lui conviendraient pas. C’est ainsi que l’on peut interpréter, estime le quotidien catholique, la mise sous tutelle judiciaire du journal d’opposition Zaman, vendredi soir. L’intervention de la police, quelques jours avant l’ouverture du sommet de Bruxelles, n’a certainement pas pu se faire sans le feu vert du président islamo-conservateur. De son côté, l’Union européenne, soucieuse de freiner l’afflux de migrants, fait profil bas devant ce qui apparaît à l’évidence comme une provocation. »
Le Journal de la Haute-Marne hausse le ton : « comment faire confiance à un régime policier qui met sous tutelle le plus grand journal d’opposition, qui ferme les yeux sur les milliers de passeurs sévissant dans son pays, qui bombarde les Kurdes syriens et qui ménage Daech ? Dans toute cette affaire, l’Union européenne a failli. Elle tente de manière pathétique de trouver des solutions qui, forcément, ne seront pas à la hauteur de la tragédie. On peut comprendre que, pour reprendre la formule, le Vieux Continent ne peut accueillir toute la misère du monde. Mais, tôt ou tard, estime Le Journal de la Haute-Marne, un sursaut s'imposera, et pas seulement pour des raisons humanitaires. L’Europe ne doit pas laisser le berceau de la démocratie, la Grèce, relever toute seule un défi qui la dépasse. C’est une question de solidarité. Avec le retour des barbelés, les pères de l’Europe qui ont géré l’immense chantier de l’après-guerre doivent se retourner dans leurs tombes. »