RFI : Monsieur le Premier-ministre, comment est-ce que vous réagissez à l’affaire Zouhoura qui défraie la chronique depuis ce week-end ?
Albert Pahimi Padacké : Il s’agit d’une affaire proprement regrettable. Nous exprimons notre compassion avec la fille, avec sa famille et avec toutes les femmes. Les coupables, on peut le dire ainsi, sont appréhendés et se retrouvent entre les mains de la justice. Nous espérons que des sanctions exemplaires seront appliquées pour que ce genre de scènes, qui n’ont rien à voir avec nos valeurs, ne se reproduisent pas dans le pays.
La vague d’indignation que cette situation a soulevé semble être suscitée par une certaine impunité. Comment comptez-vous remédier à ça ?
La solution à l’impunité a été déjà lancée par le président de la République à l’occasion de sa dernière déclaration : il s’agit de reformer notre justice, pour que les citoyens aient véritablement confiance dans leur justice et qu’elle soit la même pour tous.
En 2004 il y a eu des Etats généraux de la justice et un certain nombre de décisions ont été prises. Si aujourd’hui le président de la République en arrive à conclure que la justice ne marche pas, est-ce que ce n’est pas un aveu d’échec ?
Non, ce n’est pas un aveu d’échec. Vous dites bien 2004. Nous sommes en 2016. Entre temps il y a eu de l’eau à passer sous les ponts ! D’où la nécessité d’avoir ce forum très rapidement pour analyser en profondeur ce qui a marché, ce qui a moins marché, et que le juge puisse prendre véritablement son indépendance. Je dirais par exemple qu’une situation, peut-être un juge élu comme aux Etats-Unis, permettrait de lui conférer plus d’indépendance et rassurer plus le justiciable.
Autre réforme annoncée par le chef de l’Etat, ce serait la forme de l’Etat. Est-ce que vous travaillez désormais à conduire le Tchad vers un Etat fédéral ?
Vous avez suivi la publication de la liste de mon gouvernement hier, annonçant la création d’un ministère en charge de la réforme de l’Etat. Ce ministère va prendre en main le dossier très rapidement, pour jeter les bases de la réflexion qui permettra aux Tchadiens, d’abord d’avoir demain le même niveau d’informations sur ce que c’est qu’un Etat centralisé, ce que c’est qu’un Etat décentralisé, ce que c’est qu’un Etat fédéral.
Vous savez qu’aujourd’hui beaucoup de nos compatriotes confondent la notion de fédération avec celle de sécession. Il faut bien qu’on comprenne que la fédération c’est plutôt un moyen de renforcer l’unité des Tchadiens et non de les séparer. Et à partir de ce forum, souverainement et ensemble consensuellement, les Tchadiens trouveront la meilleure forme de l’Etat qu’il faut, et le chef de l’Etat annoncé son souhait à lui : c’est que ce soit un Etat fédéral.
Monsieur le Premier-ministre, votre première mission sera déjà d’aplanir tout le débat autour de l’organisation des élections, notamment la question des kits biométriques. Pour l’opposition il faut que les cartes soient distribuées avec des kits de contrôle, ce qui ne semble pas être la volonté de la majorité.
Je pense que vous êtes en retard ! La question de distribution des cartes avec le kit de contrôle a été soldée au niveau du Cadre national du dialogue politique et un courrier de ce cadre a été adressé à la Céni, pour lui notifier que compte tenu du temps imparti il n’était plus possible de passer par la question du kit.
L’opposition, justement, ne reconnaît pas ce courrier et dit qu’il s’agit d’un parjure.
Je ne pense pas qu’il s’agit d’un parjure puisque je suis membre du CNDP jusqu’à la date d’aujourd’hui, les décisions sont prises de façon consensuelle et l’opposition a bel et bien participé à ce débat qui a débouché au courrier adressé à la Céni. Nous sommes en démocratie, le consensus ne signifie pas unanimité !
Vous arrivez à la Primature à un moment où le front social est vraiment en ébullition. Comment est-ce que vous comptez vous y prendre ?
D’abord, la première chose, c’est de dialoguer avec les forces sociales qui sont nos compatriotes, mais en même temps nous devons nous battre pour assurer la régularité des salaires des bourses et pensions pour que le quotidien du Tchadien soit amélioré.
Comment comptez-vous vous y prendre, quand on sait que face à la baisse des cours du pétrole brut l’Etat peine à remplir ses obligations parce que justement, le budget est largement constitué des revenus pétroliers ?
D’abord, il faut éviter les évasions fiscales et donc reprendre en main les régies des recettes. Maintenant, immédiatement il faut trouver les ressources nécessaires, même en partenariat avec le secteur privé, le secteur bancaire, pour financer le paiement de la dette intérieure afin que l’économie reprenne pour injecter des ressources dans le circuit.