A la Une: l'orthographe, bataille d’Hernani

Préconisée par l’Académie française depuis plus d’un quart de siècle, le toilettage de la langue française, jusqu’à présent laissé lettre morte, vient brusquement de refaire surface en France, tout du moins dans les journaux.

A la rentrée prochaine, les manuels scolaires de l’enseignement primaire « prendront en compte » les nouvelles règles d’orthographe, affirme Le Parisien. Cette « réforme » portant sur sa simplification va « devenir effective en septembre », relève également Le Figaro.

Mais là, où l’affaire se complique est qu’en début de soirée hier, jeudi 4 février, le ministère de l’Education nationale précisait que la ministre Najat Vallaud-Belkacem n’avait « lancé aucune réforme de l’orthographe ». Comprenne qui pourra…

Les réseaux sociaux se sont enflammés hier en France sur ce sujet. Selon l’édition en ligne du journal Le Monde, tout a commencé avec un article publié avant-hier par le site de la chaîne de télévision TF1, annonçant que « la réforme de l’orthographe votée en 1990 sera[it] appliquée à la rentrée prochaine ». Comme le remarque le site internet du quotidien du soir, TFI ne précisait pas sa source. Le journal rappelle qu’en réalité, cette réforme, qui ne comporte en fait qu’une « série de suggestions », est en place depuis… 2008. Interrogé par Le Monde, le ministère de l’Education nationale précise que la « nouveauté » de 2016 réside dans le fait que « les éditeurs de manuels scolaires ont décidé de tous appliquer la réforme à la rentrée », sans qu’elle revête un quelconque caractère obligatoire. Cela veut bien dire que, dès la rentrée prochaine, les élèves pourront par exemple écrire « oignon » avec un « i » entre le « o » et le « g », ou sans… Quant à l’accent circonflexe, il ne « disparaît pas », rassure Le Monde, avec, justement, un accent circonflexe sur le « i » de « disparaît » !

Mais ce matin, dans la presse, on tient à mettre les points sur les « i », il y a les « pour » et les « contre », et ils sont apparemment inconciliables. Une vraie bataille d’Hernani.

Pour le journal Le Parisien par exemple, cette réforme est tout simplement « inapplicable ! ». Des accents circonflexes qui parfois disparaîtront aux trémas qui seront déplacés en passant par les traits d’unions qui seront de loin en loin supprimés, n’en jetez plus, ce journal fait l’inventaire de toutes ces recommandations académiques que les élèves devront apprendre. Le débat « promet d’être animé », prévient Le Parisien. Le moins que l’on puisse dire...

Ainsi, la réforme de l’orthographe « suscite un tollé », s’étrangle, en manchette, Le Figaro. C’est peu dire que ce journal goûte peu avec un accent circonflexe, ce qu’il appelle la « sauce gribouille » dans laquelle sera accommodée la langue française à la rentrée prochaine.

« La France est en lutte contre le terrorisme, le chômage ne baisse pas, les communautarismes s’exacerbent. Du côté de l’école, c’est surtout l’illettrisme qui fait des progrès. Pourquoi soudain agiter cette réforme oubliée sans qu’aucun potache ne s’en soit jamais plaint ?, morigène Le Figaro. Plutôt que de s’acharner à ôter de l’orthographe ses délicieuses chausse-trappes […], il serait sûrement plus utile d’encourager les professeurs qui enseignent la langue française avec ferveur et efficacité », vitupère ce quotidien conservateur.

Pour Le Journal de la Haute-Marne, c’est tout simplement « affligeant ». Ce quotidien du centre-est de la France lance un ironique coup de chapeau à ces « professionnels du verbe qui, déjà sans doute, nous préparent un tout nouveau dictionnaire encore plus révolutionnaire. On y trouvera, soyons en sûrs, une ribambelle de smileys, petits dessins si évocateurs composés de virgules ou tirets et parenthèses que les ados, pour le coup, “orthographient” parfaitement ».

Et puis il y a les « pour », qui défendent la réforme avec plus ou moins d’énergie, comme L’Est Républicain, qui moque ceux regretteront que « l’ognon perde son “i” et la maitresse son accent circonflexe, le grand sacrifié de cette réforme », et qui estime « peut-être venue l’heure où les traits d’union et les mots doivent battent en retraite ».

Ou encore le site Rue89.com, qui estime carrément que « s’opposer à la réforme de l’orthographe, c’est mutiler la France ». Bigre !

FN : aggiornamento identitaire

Le Front national se réunit cette fin de semaine pour définir son programme avant 2017. Pour Libération, le FN est en pleine « crise identitaire ». Mais alors qu’à gauche comme à droite, on se dispute en premier lieu la possibilité de « battre la candidate frontiste au second tour de la prochaine présidentielle » 017, il conviendrait de ne pas oublier de « la combattre avant le premier », conseille Libé.
 
Chômage : tentation restrictive

Social : en France, l’idée de rendre dégressives les allocations versées aux chômeurs progresse. Selon un sondage Elabe pour le quotidien économique Les Echos, Radio Classique et l’Institut Montaigne, 58 % des Français sont favorables à l’instauration d’une dégressivité des allocations chômage, contre 42 % qui s’y opposent. Etant rappelé que la dégressivité des allocations chômage a déjà été mise en œuvre entre 1992 et 2001 en France avant d’être abandonnée, cette enquête a été réalisée alors que le gouvernement évoque à nouveau cette idée à l’approche de capitales négociations sur l’assurance chômage. Des négociations au sujet desquelles les Français ne sont « pas très optimistes », souligne Les Echos.

Opéra : guerre des étoiles

L’Opéra de Paris en est tout retourné. Benjamin Millepied, qui en dirigeait le ballet depuis un an, a démissionné. La « greffe » de celui que Le Parisien appelle le chorégraphe « américain » n’aura « pas pris », constate le quotidien et c’est la danseuse Aurélie Dupont qui remplace le mari de l’actrice, bien américaine, elle, Nathalie Portman. Alors, inévitablement, les journaux français, dans leurs titres, s’en donnent à cœur joie.

« Valses de stars à l’Opéra », lance ainsi Le Parisien.

« Ca valse à l’Opéra ! », confirme tout aussi lyriquement Le Figaro.

« Guerre des étoiles à l’Opéra de paris », formule plus cinématographiquement Le Monde.

Mais de tous les journaux français, celui qui tire la leçon la plus grave de ce jet de l’éponge de Benjamin Millepied, c’est probablement le journal Les Echos. Car après cette démission, c’est le « pouvoir d’une administration tueuse d’initiatives » qui est à nouveau questionné, estime le quotidien économique.

Partager :