A la Une: l’audition du premier témoin au procès Gbagbo

Au cinquième jour du procès, un premier témoin a comparu à la barre hier. Un témoin anonyme. Fraternité Matin raconte : « désigné par le numéro 547 par le président du tribunal, l’homme a le visage flouté et la voix déformée. Certainement rasséréné par cette mesure de sécurité, ce dernier, militant du RDR, accuse les Forces de défense et de sécurité de lui avoir tiré une balle dans la jambe », lors de la marche vers les locaux de la RTI, la Radio-télévision ivoirienne, en 2010.

« Vu les conditions de l’audition, on se serait cru à un procès de Cosa Nostra, la Mafia sicilienne, s’exclame L’Observateur Paalga au Burkina, où un repenti serait venu charger un parrain, avec tout ce que cela nécessite comme mesures de sécurité sur son identité. […] C’est dans ce décor presque surréaliste que l’audience s’est déroulée hier. Mais ce faisant, prévient L’Observateur, avec tant de maquillage, de truquage et d’altération, il faut craindre que la vérité elle-même ne finisse par en prendre un sérieux coup. »

Pour Aujourd’hui, toujours au Burkina, ce témoin N° 547 est « gênant » pour les accusés. En effet, affirme le journal, il « invalide la crête de défense sur laquelle surfe Laurent Gbagbo qui veut, face aux juges, revêtir uniquement la tenue de colombe, alors que ce témoignage n’est qu’un petit aperçu de ce que firent ses sbires à lui, dans l’avant et surtout l’immédiat après proclamation des résultats de la présidentielle. Que ce soit à Yopougon, à Abobo, ou à l’intérieur de la Côte d’Ivoire, notamment à Duekué, ville-martyr par excellence, les FDS pro-Gbagbo ont commis des crimes, pointe le quotidien ouagalais. Alors, il serait peut-être juste de hurler avec les loups sur ce transfèrement et ce jugement de Gbagbo à La Haye, mais aussi de ne pas absoudre l’ex-président ivoirien de tous ses péchés électoraux. Des témoins gênants, tels que le 547, il y en a à la pelle, affirme encore Aujourd’hui, car entre décembre 2010 et avril 2011, c’était quasiment la guerre. »

Le procès d’une nation ?

Le journal La Tribune Ivoirienne, pour sa part, se penche sur le fond de ce procès… « Dans une telle affaire, peut-on raisonnablement parler du procès de Gbagbo et de Blé Goudé ?, s’interroge le quotidien ivoirien. Ce serait, sans doute, avoir un regard étroit sur ce dossier qui supplante la personnalité des accusés. Les faits tels que présentés montrent et démontrent aisément qu’il ne s’agit pas du procès de ces deux hommes. Ce procès, ayons simplement le courage et l’honnêteté d’avouer qu’il s’agit de celui de la Côte d’Ivoire, donc de chacun de nous et de tous. […] Admettre, quoique cela nous coûte, que la Côte d’Ivoire a fait faillite. Elle a échoué, cette dernière décennie, sur tous les plans. Ce procès se révèle être celui de nos méchancetés, de nos intolérances, de notre volonté de nous accaparer ce qui ne nous appartient pas. C’est bien le procès de nos cyniques hypocrisies, de nos convoitises déraisonnables et de nos ambitions destructives. Ce procès, disons-le tout net, conclut La Tribune Ivoirienne, est celui de la honte pour une nation qui a du mal à grandir ! »

Rivés devant la télé…

En tout cas, qu’il soit celui d’un homme ou d’une nation, ce procès « a changé les habitudes », pointe L’Inter, autre quotidien ivoirien. L’Inter qui est allé enquêter à Gagnoa, dans le centre-ouest du pays, région majoritairement pro-Gbagbo. « Toutes les voies et moyens pour suivre en direct les audiences de la CPI ont été déployés par les différentes couches socioprofessionnelles pour qu’aucun détail ne leur échappe, relève le journal. C’est le cas de la plupart des fonctionnaires qui, avec internet ou avec leur téléviseur, vivent le procès dans leur bureau. Même constat chez les travailleurs du privé, dont certains ont tout simplement pris pour quartier général des magasins de commerçants voisins ou des vendeurs d’appareils électro-ménagers. […] L’ouverture du procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé a redonné de l’espoir aux populations, poursuit L’Inter. La décrispation se lit sur les visages. Les parents semblent apprécier les arguments avancés par la défense pour prouver l’innocence de leurs fils. D’ailleurs, les pauses ou la fin des audiences suscitent de leur part des manifestations de joie à travers l’exécution de pas de danses du terroir. »

Et L’Inter de citer ce partisan de Laurent Gbagbo : « Nous sommes rassurés par la défense du collectif des avocats. Nous allons danser tous les jours car la vérité sera sue de tous. »

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