A la Une: le procès de Laurent Gbagbo

« Le grand procès », comme le surnomme Fraternité Matin en Côte d’Ivoire. « C’est ce jour que débute devant la Cour pénale internationale à La Haye aux Pays-Bas, le procès de notre ancien président, relève le journal, et de l’ex-leader des Jeunes Patriotes, Charles Blé Goudé. Il est certain qu’il passionnera tous les Ivoiriens. (…) Nous les entendrons, poursuit Fraternité Matin, défendre la thèse selon laquelle ils se trouvent derrière les barreaux uniquement parce qu’ils ont voulu défendre la souveraineté de leur pays en faisant respecter la constitution, et au-delà de la Côte d’Ivoire, défendre toute l’Afrique. (…) Leur tactique, pointe encore le quotidien abidjanais, consistera à se présenter comme des victimes de la fameuse " Françafrique " pour espérer esquiver les vraies questions. Bien entendu, les magistrats les ramèneront aux faits, à savoir les crimes commis durant la période où ils ont contesté le pouvoir du président élu par les ivoiriens. Ces crimes suffiront-ils à les faire condamner ?, s’interroge Frat Mat. Nous le saurons à la fin de ce procès qui promet d’être palpitant. »

Gbagbo bien décidé à vendre chèrement sa peau

Un procès qui alimente en tout cas bien des commentaires dans la presse de la sous-région. « Gbagbo et son disciple Blé Goudé à Golgotha », s’exclame La Nouvelle Tribune au Bénin. « Les deux prisonniers VIP confiés à la CPI depuis des années vont enfin entamer la périlleuse aventure d’explication sur les lourds chefs d’accusation dont ils doivent répondre, au lendemain de la meurtrière crise post-électorale ivoirienne de 2010-2011 (…). C’est donc l’heure de vérité qui sonne enfin, poursuit le quotidien béninois, pour entendre les sons de cloche des accusés et des victimes dans ce qui est la plus grande tragédie de l’histoire de ce pays depuis son accession à l’indépendance. (…) Sur le chemin de Golgotha en compagnie de son disciple Blé Goudé, à 70 ans, Laurent Gbagbo, qui n’admet pas ce qu’on lui reproche, veut vendre chèrement sa peau avec l’appui de sa défense prête à en découdre avec le cabinet de la procureure Fatou Bensouda. Dès sa première comparution en décembre 2011, il avait lancé, rappelle le journal,si on m’a accusé, c’est qu’on a des éléments de preuves. Lorsque je comparaîtrai, vous aurez les miens et vous jugerez ". Seulement, conclut La Nouvelle Tribune, au regard de la densité des charges qui pèsent contre lui et Blé Goudé, on se demande comment ils vont s’en sortir. »

Une grande première judiciaire

Le procès Gbagbo est véritablement hors normes, souligne de son côté L’Observateur Paalga à Ouaga. Ceci pour trois raisons principales, explique le journal : « D’abord sa durée : trois à quatre ans, selon les fins connaisseurs de la procédure. Son épilogue devrait intervenir pratiquement à la fin de l’ultime mandat de l’actuel chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, principal ennemi juré de l’illustre pensionnaire des geôles de la CPI. Selon certaines sources proches du dossier, il faudra à la procureure Fatou Bensouda, la première à prendre la parole, près de 552 heures, donc pas moins d’un mois, pour présenter ses milliers de preuves : vidéos, archives écrites, écoutes téléphoniques… ça sera donc éprouvant, aussi bien pour l’accusation, la défense que les juges. Ensuite, souligne L’Observateur Paalga, la qualité de l’accusé : c’est en effet la première fois qu’un ancien chef de l’Etat comparaît devant cette juridiction internationale. Enfin, les enjeux, pointe le quotidien burkinabè : l’affaire est certes judiciaire mais elle n’en demeure pas moins politique. Elle sera une tribune rêvée pour Laurent Gbagbo, qui, dit-on, piaffe d’impatience, pour révéler à la face du monde la face cachée de la crise ivoirienne. Comme celle liée au bombardement du camp militaire français de Bouaké en novembre 2004, au charnier de Yopougon et à bien d’autres épisodes sanglants et sur lesquels on n’a entendu jusque-là que la version des vainqueurs. Des " vérités ", conclut L’Observateur, qui risquent de gêner, voire compromettre, bien des personnalités et des gouvernements, aussi bien en Afrique qu’en Occident. »

Ouattara embarrassé ?

Enfin, estime Le Pays, toujours au Burkina, au cours de ce procès, « il reviendra à la CPI d’apporter la preuve qu’elle ne roule pour aucun camp. De ce point de vue, l’on peut s’attendre à ce que ce procès appelle d’autres procès. Et dans cette hypothèse, il ne serait pas surprenant de voir des personnalités et pas des moindres, qui sont aujourd’hui aux commandes de la Côte d’Ivoire aux côtés d’ADO, rejoindre tôt ou tard la Haye, où on leur signifierait les mêmes charges que celles qui ont été retenues contre Laurent Gbagbo. En attendant, l’on peut se risquer à dire que la personne qui redoute le plus le procès de Gbagbo et ce, quelle que soit son issue, est bel et bien, affirme Le Pays, l’actuel locataire du palais de Cocody, le président Ouattara. Car, sait-on jamais, à cette occasion, bien des révélations embarrassantes pour lui pourraient être faites. »

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