Cela s’est passé hier soir, au pays de la première République noire de l’histoire. Invoquant ce qu’il a appelé des « raisons évidentes de sécurité », le conseil électoral provisoire a décidé du report du deuxième tour des élections présidentielles et législatives qui devait se tenir… demain ! Et ce matin, dans Libération, un écrivain haïtien de renom se déchaîne.
Haïti, « pays chéri », mais pays meurtri il y a six ans par un séisme ayant tué 300 000 personnes. Malgré le souvenir laissé par celles de 2011, où le candidat arrivé officiellement troisième au premier tour avait finalement été déclaré vainqueur après un recomptage des voix accepté par la communauté internationale, cette dernière tenait absolument à l’organisation des élections qui devaient être parachevées ce dimanche.
Patatras ! Même si le conseil invoque des raisons de sécurité, le vrai motif de ce report sine die, nul n’en doute, est d’abord politique après le retrait de l’opposant Jules Célestin, arrivé officiellement deuxième du premier tour. Lequel opposant dit ne pas vouloir participer à une « farce », alors que les manifestations se sont multipliées ces derniers jours en Haïti pour dénoncer ce processus électoral.
Alors, oui, il se déchaîne dans Libération Lyonel Trouillot. Telle la figure légendaire du «neg’ marron » qui se libère de ses chaînes, cette grande plume de la vie littéraire haïtienne clame son ras-le-bol dans le quotidien Libération. Vice-président de l’association des écrivains de la Caraïbe, Lyonel Trouillot, évoquant ces élections, s’y demande « comment Haïti peut vivre avec ce mensonge monté de toutes pièces et construit par la communauté internationale ? ».
Haïti : la révolte de Lyonel Trouillot
Le deuxième tour a donc été reporté, car il ne restait plus qu’un seul candidat en lice. Et sans ce report sine die, comme l’énonce Libération, Jovenel Moïse, l’homme du président sortant, Michel Martelly, arrivé officiellement en tête du premier tour, aurait alors inauguré une « nouvelle forme de démocratie aux Caraïbes : un second tour avec… un seul candidat » !
On évitera donc cette situation cocasse, mais il faut dire, et l’écrivain le dit à Libé que cela aurait abouti à un candidat « élu d’avance, choisi par l’exécutif et les instances internationales », lance Lyonel Trouillot, qui dénonce une « catastrophe institutionnelle : un président qui n’aurait pas été reconnu par le pays, mais reconnu par ceux qui l’auront fabriqué ».
Et il ajoute : « Cela fait dix ans que nous vivons selon ce même scénario. Michel Martelly, élu par la communauté internationale avec quelques voix haïtiennes il y a cinq ans, nous sort de son chapeau un nouveau candidat adoubé par la communauté internationale. C’est vertigineux », avant de révéler la confidence à lui faite par un « diplomate », dont l’écrivain préfère taire le nom, et qui lui a dit : « Lyonel, vous avez l’habitude des dictateurs. Pourquoi ne supporteriez-vous pas un corrompu encore quelques années ? ».
Tout à son indignation, Lyonel Trouillot, dans Libération, compare ce scrutin haïtien à celui organisé en République centrafricaine. « A bien des égards, dit-il, cette élection me fait penser à cette volonté de Paris d’organiser un scrutin en Centrafrique à tout prix ». Lyonel Trouillot vient de publier un livre intitulé Kannjawou (Editions Actes Sud).
Tunisie : la révolte de la rue
En Tunisie, c’est le couvre-feu qui a été décrété hier pour tenter d’endiguer la colère sociale. Laquelle a atteint la capitale, constate Le Monde. « Provoqué par la mort d’un chômeur lors d’une manifestation, à Kasserine, le mouvement s’étend rapidement », s’inquiète le quotidien du soir.
« Et si l’histoire était en train de bégayer ? », s’interroge le journal Le Parisien, qui constate qu’un « vent de révolte inquiétant », souffle sur le pays.
Couvre-feu nocturne donc décrété dans tout le pays, car cette vague de contestation sociale est « inédite » par son ampleur depuis la révolution de 2011, souligne Le Parisien.
« Manifestations, barrages, occupations de gouvernorats, incendies de postes de police, pillages de commerces ou d’institutions étatiques s’enchaînent, de la banlieue Tunis à Sidi Bouzid, où la révolution de 2011 a débuté, en passant par Kairouan, plus à l’est », rehausse Le Figaro, dans les colonnes duquel s’interroge Ridha Tili, politologue et membre du principal syndicat, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) : « Ce mouvement a été récupéré. Il y a des gens derrière, accuse-t-il. Que les jeunes chômeurs s’attaquent à des commissariats, c’est une chose. Mais les recettes des finances ? Ils n’ont jamais payé d’impôts, cela ne représente rien pour eux ! ».
Burkina Faso : « Allo Gilbert ? Ici Soumaïla ! »
Un peu partout, la presse se fait l’écho des écoutes téléphoniques au Burkina Faso, révélées hier par RFI un peu partout – en Afrique notamment – mais aussi en France. Etant rappelé que RFI a eu accès à des conversations téléphoniques présumées entre le général putschiste Diendéré, mais aussi son épouse, et l’ex-« com zone » ivoirien de Séguéla Koné Zacharia ou encore le général Soumaïla Bakayoko, chef d’état-major de l’armée ivoirienne, étant aussi rappelé que, lors de ces communications dont vous pouvez trouver le contenu sur notre site Internet, l’édition en ligne du journal Le Monde souligne que « des gradés ivoiriens auraient soutenu la tentative de putsch » en septembre 2015 au Burkina Faso. Et avant de rappeler les écoutes présumées entre l’ex-ministre burkinabè des Affaires étrangères Djibrill Bassolé et l’actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne Guillaume Soro, Le Monde Afrique affirme que « les preuves des liens entre les putschistes burkinabè et la Côte d’Ivoire sont de plus en plus accablantes », même si, note le confrère, le « service de communication du président de l’Assemblée a nié ces propos, contestant l’authenticité de l’enregistrement ».