L’Europe se mobilise contre le trafic d’antiquités du groupe EI

Le pillage des sites antiques est l'une des sources de financement de l'organisation Etat islamique. Une discussion sur la lutte contre ce trafic illicite était à l'ordre du jour du Conseil européen des ministres de la Culture ce mardi 24 novembre à Bruxelles.

Après le commerce du pétrole, le trafic d'antiquités serait la deuxième source de revenu de l'organisation Etat islamique. L'offre d’œuvres est pléthorique dans les régions irakiennes et syriennes contrôlées par le groupe EI. Quelque 10 000 trous béants apparaissent sur les photos prises par satellite du site archéologique d'Apamée en Syrie, des trous qui témoignent des combats, et surtout d'un vol à grande échelle. Les terroristes prélèvent un impôt sur les fouilles effectuées en toute illégalité et ils ont même recruté des professionnels pour y participer directement.

Si cette activité est aussi prospère, c'est aussi parce que la demande est forte, essentiellement en Europe. Lundi 23 novembre, Michel Sapin le ministre de l'Economie a affirmé que des objets « en provenance de Palmyre arrivent en nombre important en Europe ». On sait que les œuvres transitent par la Turquie et le Liban, mais on sait moins qui les achètent ensuite. Quelques pièces suspectes ont été repérées chez des antiquaires londoniens et suisses. La plupart échappent à tout contrôle. Les musées très vigilants sur l'origine des oeuvres sont peu concernés. Ce sont surtout des collectionneurs sans scrupule qui financent ainsi l'organisation Etat islamique.

Les acheteurs profitent des failles juridiques européennes

Il est très facile de brouiller les pistes, de produire de faux certificats. Dans sa note d'information, le Conseil européen le reconnait : « Les saisies sont peu nombreuses par manque d'expertise, parce qu'il est compliqué de prouver que les pièces viennent bien d'Irak ou de Syrie ». Le Conseil recommande donc d'accélérer la mise en place d'un fichier des oeuvres manquantes, la diffusion de la liste rouge des objets recherchés auprès de toutes les douanes et la formation des douaniers et du personnel des musées. Il faut aussi muscler les dispositifs juridiques nationaux.

En France par exemple, la douane effectue des contrôles sur les biens culturels exportés, mais pas encore sur les biens importés ; une anomalie qui va bientôt disparaitre. Enfin, il existe en Europe des enceintes privilégiées pour conserver des oeuvres à l'abri des regards et des poursuites, ce sont les fameux ports francs, qu'on trouve aussi bien au Luxembourg qu'en Suisse.

Ces ports francs ont été créés pour stocker des oeuvres d'art en transit

Au départ ils ont une vraie fonction pour les organisateurs d'exposition. Mais le laxisme dans les conditions d'entrée les a transformés en potentiel paradis du recel. Conscient du soupçon qui pèse sur le port franc de Genève, qui appartient à la ville à 87 %, son président David Hiler a annoncé il y a quelques jours un train de mesures pour éradiquer ce risque de complicité avec ce trafic illicite d’antiquités.

Une partie des bénéfices sera investie dans le contrôle systématique des oeuvres qui entrent dans les dépôts. Les locataires feront l'objet aussi d'un contrôle généralisé. Enfin, David Hiler réclame plus de douaniers pour réaliser les missions juridiques que les 36 employés du port n'ont pas les moyens financiers et légaux d'effectuer. Une demande déjà rejetée par la Confédération helvétique, faute de budget.

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