A la Une: Air France suite...

 

Les images des deux cadres de la compagnie, torse nu, chemise arrachée par des salariés en colère avaient fait le tour du monde… Une semaine après, la police a procédé hier matin, vers 6 heures, aux premières interpellations en région parisienne. « Les hommes interpellés, précise Le Parisien, sont âgés de 27 à 55 ans, employés au sein de la branche cargo de la compagnie ou d’Air France Industries. »

Alors, levée de boucliers des syndicats, poursuit le journal : « ce sont pour certains des pères de famille, explique la CGT, des salariés qui ont des vies normales et dont le casier judiciaire est vierge, sinon ils ne pourraient pas travailler sur l’aéroport. Alors les traiter comme des terroristes, les arrêter chez eux plutôt que de les convoquer au commissariat, ce n’est pas acceptable. »

Pour Force Ouvrière, « pas question d’accepter des sanctions disproportionnées. Quand on supprime des RTT, des vacances, qu’on bloque les salaires et qu’on licencie, la violence est d’abord sociale. »

« Que risquent les salariés interpellés ?, s’interroge Libération.“Peut-être que les personnes arrêtées seront juste interrogées, mais ce que l’on craint, ce sont les licenciements”, note un syndicaliste. En parallèle de ces interpellations, des notifications de sanctions devaient en effet être envoyées, lundi, par la direction d’Air France. Or, le groupe a déjà annoncé que les personnes impliquées pourraient être licenciées. Et ce, alors que le Premier ministre, Manuel Valls, a promis des “sanctions lourdes” contre ceux qu’il avait qualifiés de “voyous”. Ils risquent trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. »

Deux poids deux mesures ?

Alors, ce matin, les journaux sont partagés… Pour La Montagne, ces interpellations sont improductives : « s’il fallait une démonstration très concrète du mauvais état du dialogue social en France, les interpellations de personnels d’Air France, hier matin, en sont la preuve par l’exemple. Il n’est pas commun que des salariés, dont certains ont un mandat syndical, soient interpellés à leur domicile, à l’heure du laitier, pour des faits de manifestation fussent-ils violents. Dans un contexte de tensions entre les divers courants de la gauche française, ce geste qui a été dénoncé par Jean-Luc Mélanchon, n’est pas fait pour apaiser les relations entre la gauche de gouvernement et la gauche radicale. »

La Charente Libre renchérit : « en déléguant des fourgons de police avant l’aube pour cueillir six salariés à leur domicile parmi lesquels des syndicalistes de la CGT, la justice a servi ainsi un argumentaire de choc à tous ceux qui pensent qu’une convocation aurait pu suffire, qu’il y a deux poids et deux mesures en la matière, selon qu’on soit puissant ou misérable, “bonnet rouge” en Bretagne ou employé au fret de Roissy. Mélenchon, Duflot et Besancenot ont saisi la perche tendue, comme une bouffée de jeunesse. »

L’Opinion n’est pas du tout d’accord : « pour nos anticapitalistes patentés, en vertu d’une lutte des classes viciée, les deux cadres victimes sont des bourreaux et les interpellés des héros. Car l’impunité qu’ils dénoncent à tour de bras, ils la revendiquent pour leurs affidés. La responsabilité qu’ils invoquent à tout bout de champ, ils la piétinent parce que la fin justifie les moyens. L’autorité républicaine dont ils réclament la restauration, sans honte ils la foulent au pied. C’est un mauvais combat. Il ne fera qu’alimenter le discrédit politique et syndical pour ignorer cette évidence : la colère sociale peut se comprendre, mais ne permet pas tout. »

Et L’Alsace enfonce le clou : « en refusant de condamner ces actes ou en les justifiant par une supposée “violence patronale” induite par les projets de licenciements à Air France, les responsables d’organisations syndicales comme la CGT ou les leaders politiques d’extrême gauche prennent le mauvais cap en faisant preuve d’un radicalisme qui confine à l’irresponsabilité. La politique de la terre brûlée n’a jamais fait fleurir que des illusions. »

La France qui frappe des Français

A la Une également cette question : des jihadistes français ont-ils été tués en Syrie lors des frappes aériennes françaises ?

Le Figaro précise la question : « les Mirage 2000 de l’armée de l’air ont-ils délibérément tué des jihadistes français en bombardant un camp d’entraînement de l’organisation Etat islamique la semaine dernière près de Raqqa ? C’est en tout cas ce qu’a suggéré une source gouvernementale, rapporte le journal, avant que le ministre de la Défense ne rétropédale à grand renfort de subjonctifs. » Pourquoi cette gêne ? « Généralement, souligne Le Figaro, les opérations de ce type demeurent secrètes. Lorsqu’elles sont rendues publiques, elles ne manquent pas de soulever des questions d’ordre moral et juridique. C’est le risque de la position française et peut-être l’explication de la marche arrière effectuée par l’exécutif lundi. Même si elle est justifiée par l’immédiateté du danger terroriste, la pratique pourrait prêter le flanc à la critique des ONG ou encourager des actions en justice de la part des familles des individus tués. Elle soulève en outre une autre question : quelles actions privilégier contre les jihadistes qui sont déjà revenus sur le territoire national ? »

En tout cas, pas d’état d’âme dans les journaux… « En s’engageant au nom d’un islam extrême qui n’existe que dans la tête de quelques chefs, ces soldats de l’enfer ont perdu leurs repères, pointe ainsi Paris-Normandie, et déclaré la guerre à leur propre nation. “Les terroristes n’ont pas de passeport”, constate à raison Manuel Valls, soulignant que les frappes se poursuivraient aussi longtemps que nécessaire. A ce jour, un millier de Français seraient engagés auprès de Daech. La mort de certains d’entre eux constitue un drame pour leur famille à qui ils ont tourné le dos. Ils ont aussi tourné le dos à leur patrie et choisi leur camp, pointe encore le quotidien normand. Ce qui les expose. »

Le Midi Libre est sur la même ligne : « y a-t-il une différence entre les frères Coulibaly qui attaquent notre démocratie sur notre sol et ceux qui, depuis Raqa, fomentent ces actes ? Disputer cette partie avec nos règles, c’est l’assurance de perdre la guerre du terrain. Persuadons-nous d’une chose : ces gens n’ont pas le même logiciel que le nôtre. Ceux qui se cachent derrière Daech sont irrécupérables. […] En cela, la coalition qui agit sous mandat international doit poursuivre ses raids avec son allié de circonstance appelé Vladimir Poutine. Sans quoi, on pourra alors vraiment polémiquer. »

Combien faut-il pour vivre décemment ?

Question posée ce matin par La Croix. « Les spécialistes de la lutte contre l’exclusion se penchent sur la notion de “revenu minimum décent”, à l’occasion d’un colloque organisé sur ce thème, aujourd’hui à Paris. L’enjeu, explique La Croix, est de définir un niveau de revenu en deçà duquel les individus se sentent relégués en marge de la vie sociale. Un projet financé par la Commission européenne vise à établir une méthode de calcul commune à tous les pays de l’UE pour établir ces “budgets de référence”. »

Alors pour ce qui est de la France, il y a « des indicateurs plus ou moins arbitraires, relève La Croix. On trouve d’abord le RSA de base, aujourd’hui à 500 € par mois, avec la possibilité d’un complément de revenu pour encourager les travailleurs pauvres à conserver leur activité. Il y a ensuite un seuil de pauvreté aujourd’hui fixé à 1 000 € par mois. Puis enfin un salaire minimum, le smic, à 1 135 € nets par mois. Ces filets de protection ont tous été bâtis en fonction de ce que la communauté était prête à investir. Le “revenu décent”, lui, part des besoins des personnes. »

« Et d’après les organismes d’études mandatés par la Commission européenne, relève La Croix, ce revenu décent varierait de 1 400 € pour un actif seul à 3 284 € pour un couple avec deux enfants, soit bien au-dessus du salaire minimum. »

 

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