A la Une: controverse autour de l’implication française en Syrie

Débat sans vote hier au parlement sur l’engagement des forces aériennes françaises en Syrie. Des frappes aériennes contre Daech, oui, a dit Manuel Valls, mais pas de participation à une éventuelle force terrestre qui aurait malgré tout le soutien de la France…

Le débat est vif dans les journaux ce matin. Tout d’abord, relève Le Figaro, « en décidant de rejoindre la coalition en Syrie, la France a nettement infléchi sa position. En 2013, elle était prête à bombarder le régime syrien, qui venait de franchir la ligne rouge sur les armes chimiques. En 2014, elle refusait de participer à la guerre aérienne en Syrie de peur de servir indirectement les intérêts de Bachar el-Assad, considéré comme le principal responsable de la guerre. Aujourd’hui, elle annonce des frappes contre Daech, renonçant ainsi de facto au dogme du “ni-ni” : ni Bachar, ni l’organisation État islamique. François Hollande évoque toujours le départ du chef de l’État syrien “à un moment ou à un autre”. Il n’en fait plus un préalable aux négociations. »

Le Républicain Lorrain s’agace : « il y a deux semaines encore, Paris ne jurait que par le ni-ni : ni Bachar ni Daech. Mais changement de programme : l’ennemi désigné, c’est maintenant l’organisation Etat islamique. […] C’est dire si le changement de décor est permanent comme le montre aussi l’exode des Syriens vers l’Europe. De quoi justifier les revirements de François Hollande ? Les gesticulations militaro-diplomatiques du président sont destinées davantage à impressionner les Français, estime le quotidien lorrain, qu’à préparer sérieusement une offensive en Syrie dont nous n’avons pas les moyens. »

« Si la France se décide enfin à aller combattre Daech en Syrie, c’est uniquement pour des raisons de politique nationale, renchérissent Les Dernières Nouvelles d’Alsace. Une façon de montrer que l’État ne reste pas inactif face à la menace islamiste et aux risques, réels, de nouveaux attentats sur notre sol. Il arrive que l’agitation semble être la seule façon de tout arranger. Nicolas Sarkozy était coutumier du fait. François Hollande sur ce coup-là le suit de près. »

Certes, reconnait Libération, « il s’agit d’une volte-face » de François Hollande. Mais, « les frappes aériennes tricolores, pourtant, ne changeront pas grand-chose. Elles seront limitées faute de moyens : en un an, l’aviation française a mené en Irak 200 frappes, contre 6 500 pour l’US Force. Le choix de Barack Obama d’une guerre aérienne dans le but “d’affaiblir puis détruire” l’EI montre ses limites. Les forces locales – combattants kurdes ou armée syrienne libre – ne suffisent pas. Le vrai défi reste de définir une stratégie qui permette à la fois de combattre l’EI et le régime assassin que fuient par millions les Syriens. »

Quelle coalition ?

Alors d’aucuns évoquent une nécessaire intervention au sol… « Aujourd’hui, la priorité des priorités est d’écraser Daech, affirme Le Journal de la Haute-Marne. Cela suppose de rebattre les cartes et de privilégier l’action – la guerre totale contre cette monstruosité – plutôt que de s’enfermer dans des positions de principe complètement improductives. […] En Syrie, il y a urgence. Si Damas tombe – ce qui n’est pas exclu – c’est tout le Proche-Orient qui explosera, tout simplement parce que l’Iran ne l’acceptera pas. Pour éviter la catastrophe, une solide coalition est nécessaire, estime donc le quotidien champenois. Il serait vain et futile de demander aux pays participants des brevets de bonne conduite. Damas ne doit pas devenir le Varsovie de 1939. »

Pour L’Humanité, « mettre fin au chaos et aux atrocités passe par la mise hors d’état de nuire de Daech, que seules rendront possible une mobilisation d’une coalition sous mandat de l’ONU incluant la Russie et l’Iran, une aide militaire aux combattants kurdes, une feuille de route sur l’avenir politique de la Syrie. Les frappes aériennes décidées par François Hollande en dehors de tout mandat onusien redessinent un schéma connu, celui de la Libye. Pour quel résultat ? », s’interroge le quotidien communiste.

Bref, résume La Nouvelle République du Centre-ouest, « les frappes aériennes ne suffiront pas et il faudra qu’une coalition, inédite, des acteurs régionaux, se mette en mouvement. Ce qui est loin d’être acquis. »

Migrants : l’Europe désunie

A la Une également, encore et toujours le problème des migrants qui arrivent en masse sur l’Europe… Avec ce constat amer du Monde : « il n’y aura pas de politique commune de l’Union européenne à l’égard des réfugiés fuyant les guerres de la banlieue sud de l’Europe – de la Syrie à l’Irak. Face à une tragédie humanitaire à ses marches, l’UE est incapable d’action collective. […] Cet échec, poursuit Le Monde, n’est pas seulement le symbole d’une Europe qui se referme face aux malheurs de l’époque, une Europe qui entend ignorer la tragédie qui frappe à ses portes. C’est le sens de l’Union européenne qui est remis en question. Elle prétend avoir une politique extérieure commune, défendre des valeurs universelles, afficher l’exemplarité de ses démocraties, en somme être autre chose qu’une simple zone de libre-échange. A ce premier grand test, elle répond par son absence. Elle réagit comme une association d’Etats liés par un accord de marché unique et pas grand-chose d’autre. C’est une régression par rapport à ses ambitions originelles. »

« Improvisation, désunion, chacun pour soi…, soupire La Voix du Nord. C’est l’image désastreuse que renvoie l’Europe depuis le début de la crise des migrants. […] Après l’aller-retour express de la chancelière sur l’ouverture des frontières, ce nouvel épisode traduit la fébrilité des dirigeants allemands et de tous les autres devant une crise migratoire qui les dépasse. Chaque décision prise au jour le jour, entre ouverture et fermeture, ne fait que déplacer le problème. »

« Jacques Delors résumait le succès de l’Europe à un triangle : la compétition qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit, rappelle pour sa part L’Opinion. Aucun de ces piliers ne tient aujourd’hui. Pour nombre de citoyens fatigués par une dépression sans fin, l’Europe n’est plus une solution, mais un problème. Parce qu’elle ne fait plus rêver. Moins que d’une énième crise, les Vingt-huit ont besoin d’un nouvel idéal partagé pour avancer. »

Et finalement, constate Le Canard Enchaîné, « moins de quinze jours après avoir fait le tour du monde, la photo d’Aylan, le petit garçon kurde mort noyé sur une plage de Turquie, est déjà floue. Une image chasse l’autre, et la sienne a été zappée par de nouveaux clichés. Celle, par exemple, de policiers hongrois installant des barbelés […] ou encore celle des frontières allemandes qui se sont vite refermées. Entre ces images et celles d’Aylan, plusieurs dizaines d’enfants comme lui sont morts. On ne sait pas leur nom, leur nombre est à nouveau désincarné, les réfugiés redeviennent facilement des “flux de migrants”. »

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