La Chambre d’appel de la CPI, la Cour pénale internationale, a refusé hier d’accorder la liberté provisoire à Laurent Gbagbo. « C’est la dixième demande de liberté provisoire refusée à l’ex-chef de l’Etat ivoirien détenu à la Haye depuis 2011 », note le quotidien L’Intelligent à Abidjan.
Et cette décision n’est guère surprenante, estime le quotidien burkinabé Aujourd’hui : « il reste en effet à peine deux mois, pointe le journal, avant l’ouverture du procès de l’ancien chef de l’Etat ivoirien. Une liberté provisoire ne serait pas très utile. Il est vrai que la santé de Laurent Gbagbo est invoquée pour demander qu’il souffle un peu hors de la prison de La Haye. Mais à quelque soixante jours de son procès, il pourrait bien patienter. »
Par ailleurs, poursuit Aujourd’hui, « il ne faut pas oublier que Laurent Gbagbo est avant tout un prisonnier politique qui ne veut pas dire son nom. Gbagbo en liberté et de retour en Côte d’Ivoire pourrait créer une pagaille inimaginable ! Le pays vient à peine de sortir d’une guerre et les armes ne sont pas forcément encore disciplinées. Pareil risque ne serait pas envisageable. »
« Cette volonté de “sortir” coûte que coûte de l’antre de la CPI, tandis que la Côte d’Ivoire se prépare à de nouvelles élections présidentielles, a quelque chose de troublant, relève pour sa part le site d’information Guinée Conakry Infos. En effet le lien est vite fait entre cette attitude et l’ambition inextinguible du pouvoir du leader du Front Populaire Ivoirien, que la geôle ne semble pas avoir émoussée. Alassane Ouattara qui a conscience plus que nul autre de cet état de fait, n’a aucun intérêt à voir Gbagbo “dehors”. Même s’il ne le dit pas. Alors, il ne faudra surtout pas compter sur lui pour un appui à une quelconque clémence judiciaire. La justice internationale s’occupera de Gbagbo et de son fils spirituel Blé Goudé, le 10 novembre prochain. »
Pas « clean »…
De toute façon, estime Ledjely.com, autre site d’information guinéen, Gbagbo doit rester en prison et doit répondre de ses actes… « Sa posture victimaire, aussi légitime qu’elle soit, ne suffira pas à justifier qu’il sorte des griffes de la justice internationale. Parce que, par rapport aux malheureux événements de novembre 2010 à mai 2011, il n’est pas clean, estime Ledejely.com. Il n’est certainement pas le seul à qui il faut demander des comptes. Mais en même temps, il serait grotesque de dire qu’il n’a absolument rien à voir avec la mort des quelque 3 000 victimes de cette fameuse crise. Il était peut-être dans une logique de résistance ou même de légitime défense. Mais indépendamment de tout cela, il était tout de même le chef d’un des camps en conflit. Et à ce titre, à défaut de planifier ou d’ordonner de manière explicite, il a dû avaliser ou laisser faire des actions dont les conséquences le rattrapent à juste titre. Du coup, poursuit Ledjely.com, même du point de vue strict du droit, son acquittement n’est pas nécessairement donné. Et si à tout cela viennent se greffer la position de faiblesse dans laquelle il se trouve et la volonté qu’ont certains acteurs de la communauté internationale de le voir maintenu loin du contexte fragile qui est celui de la Côte d’Ivoire, on imagine qu’il doit encore rester derrière les barreaux. »
Crispation à l’approche des élections
Cette dixième demande de liberté refusée à Laurent Gbagbo intervient donc alors que la présidentielle est sur les rails… Et la campagne électorale qui s’annonce ne sera sans doute pas de tout repos. C’est ce que relève le quotidien Le Pays au Burkina. « C’est dans 48 heures que les Ivoiriens connaîtront les noms des candidats à l’élection présidentielle du 25 octobre prochain, avec la publication de la liste définitive par le Conseil constitutionnel. […] Et ce qu’on sait déjà, pointe donc le journal, c’est que la campagne électorale s’ouvre sous de mauvais auspices, avec les mises en gardes et les menaces proférées par les transfuges du PDCI et les “ultras” du FPI de l’ancien président Laurent Gbagbo. Réunis au sein de la Coalition nationale pour le changement (lCNC), ces opposants au régime d’Alassane Ouattara font, depuis quelques semaines, feu de tout bois pour contraindre la coalition RHDP au pouvoir à la négociation pour des élections consensuelles, et, pour les plus radicaux, pour l’invalidation de la candidature du président sortant, candidature qui serait en porte-à-faux avec l’article 35 de la Constitution ivoirienne aux termes duquel tout candidat à l’élection présidentielle ne doit, entre autres critères, “s’être jamais prévalu d’une autre nationalité”. » Bref, soupire Le Pays, « on remet au goût du jour la question de l’inéligibilité d’Alassane Ouattara qui se serait prévalu dans une vie antérieure de la nationalité burkinabè, et l’on se rappelle que ce que certains ont qualifié “d’exclusion xénophobe à caractère ivoiritaire” avait plongé le pays dans une guerre civile dont les stigmates sont encore visibles. »