Le rapport Combrexelle, qui avance des propositions pour faire une plus grande place à la négociation collective, doit être remis ce mercredi au Premier ministre, Manuel Valls. Lundi, François Hollande avait annoncé que ce rapport servirait de base à une réforme permettant « une meilleure adaptation du droit du travail à la réalité des entreprises. »
Alors que contient-il précisément ? La presse a pu avoir accès à des versions non définitives de ce rapport Combrexelle. D’après Libération, il subsisterait « un Code du travail pour les grandes règles impératives, des conventions de branches pour les secteurs professionnels », et seraient instaurés « des accords d’entreprise aux domaines élargis, désormais majoritaires et à durée limitée. Ces accords deviendraient notamment “prioritaires” dans les secteurs des conditions de travail, du temps de travail, de l’emploi et des salaires, tout en restant encadrés par les deux niveaux supérieurs. »
On en saura donc plus ce mercredi. « Réforme ou réformette en vue ?, s’interroge Ouest France. Une certitude, estime le journal : il est grand temps de changer de logiciel en pleine mondialisation et révolution numérique tant elles percutent notre économie en général et notre rapport au travail en particulier. »
Il faut dépoussiérer, lance également Le Républicain Lorrain : « la prééminence donnée à l’accord sur la loi serait une petite révolution dans un pays livré à la décision politique et sans expérience de démocratie sociale. Lorsque la législation, trop rigide et trop uniforme, ne correspond plus à l’évolution des besoins des acteurs économiques ne vaut-il pas mieux encadrer le mouvement que le subir ? François Hollande et Manuel Valls s’y sont résolus, quitte à réveiller les “frondeurs”. Le contournement du Code du travail qui semble acquis montre au moins que le temps des interdits absolus est révolu. »
L’Opinion estime également qu’on est sur la bonne voie : « il est rare qu’un document commandé par Matignon propose de privilégier la vérité du terrain sur la loi uniforme, de redonner du pouvoir à la base au détriment d’un législateur supposé omniscient et, de fait, omnipotent. De la belle construction intellectuelle à la vraie réforme, il y aura bien sûr un océan de reniements, de compromissions et d’édulcorations, tempère le quotidien d’opposition. Et l’on peut compter sur la faiblesse de l’exécutif, le conservatisme des syndicats et la rigidité de l’opposition pour briser net cet élan prometteur. Il n’empêche, une rupture de paradigme est en marche. »
Pas assez ou trop loin ?
Pour Le Figaro, ce rapport ne va pas assez loin… « Si l’on comprend bien, écrit le journal, la révolution sociale consistera à proposer aux chefs d’entreprise de trouver des accords majoritaires avec les syndicats – bon courage… – pour déroger à la règle générale. Maintenir en l’état le monstre réglementaire et demander à ses principales victimes de s’en accommoder, voilà tout de même une curieuse manière d’aborder le problème. La logique et le courage politique commandaient de tailler dans le maquis législatif, non de passer la patate chaude aux entrepreneurs. Surtout, poursuit Le Figaro, François Hollande a si strictement borné les discussions à venir qu’aucun des sujets de fond ne sera traité. La durée légale de 35 heures hebdomadaires, qui a en partie détruit notre industrie ? Pas question d’y toucher. Un nouveau contrat de travail plus souple, incitatif pour l’embauche et préconisé par notre Prix Nobel d’économie Jean Tirole ? Inutile d’y songer. Une réforme du salaire minimum, plus adaptée au terrain et recommandée, entre autres, par le think-tank socialiste Terra Nova ? Hors de propos. »
Et Le Figaro de conclure : « une “grande réforme” qui passe à côté des sujets essentiels, c’est ce qui s’appelle une occasion manquée. Qui fera perdre à l’économie française encore quelques précieuses années. »
A l’autre bout de l’échiquier politique, L’Humanité estime que le gouvernement dépasse les bornes… « Que le président nous explique en quoi la véritable explosion du Code du travail qu’annonce le rapport d’aujourd’hui pourrait aller dans le sens de la lutte contre les inégalités avec la montée de la précarité et la priorité donnée au bon vouloir des entreprises qui devrait “primer sur l’intérêt individuel concrétisé par le contrat de travail”. On sait pertinemment là aussi que ce sont les salariés les moins protégés, les femmes seules, les travailleurs peu qualifiés, qui vont être les premiers “explosés” […]. Au total, conclut le quotidien communiste, c’est tout notre modèle social qui est promis à la dynamite. »
Enfin, La Croix tente la synthèse avec ce oui mais… « Aujourd’hui, une réforme du droit social en France est urgente, estime le quotidien catholique, afin de lever les freins à l’embauche mais aussi, plus largement, au développement d’activités nouvelles. Mais, pour qu’une telle réforme réussisse, elle devra se référer à trois principes, affirme La Croix. Le premier est celui de la subsidiarité : ne pas faire remonter à l’échelon national ce qui peut être négocié à l’échelon local. Le deuxième est celui de la portabilité. En clair, les salariés peuvent perdre un emploi mais pas un certain nombre de garanties, par exemple en matière de prévoyance, de santé ou de formation. C’est ce que l’on appelle la “flexisécurité”, qui vise à dédramatiser la mobilité professionnelle. Le troisième principe, désolé de le répéter, souligne La Croix, est celui de l’exemplarité. Les dirigeants d’entreprise ne peuvent légitimement demander aux salariés que les efforts auxquels eux-mêmes sont prêts à consentir. »
Pourquoi tant de règne ?
Libération consacre son dossier du jour à… la reine d’Angleterre, du moins à l’exceptionnelle longévité de son règne. Paradoxe, souligne Libération, « en dépit des épreuves, des erreurs et du ridicule assumé d’une monarchie volontairement désuète, Elizabeth II, qui va surpasser ce mercredi soir Victoria en longévité, trône toujours dans le cœur des Britanniques en dépit d’un règne marqué par l’immobilité et la méfiance envers le changement. »
Pourquoi ? « Il y a une explication médiatique à cette popularité, avance Libération. Adoubée par les ors d’une dynastie recrue d’histoire et par la gloire d’un peuple opiniâtre qui a résisté victorieusement au nazisme, Elizabeth II apporte à l’imaginaire people du monde occidental une aura de majesté. […] Dans le même registre, mais sur un mode solennel et grave, la monarchie britannique parle à l’imagination d’un public élevé dans le culte enfantin des contes de fées, des princesses évanescentes et des reines impérieuses. »
Du coup, pointe Le Figaro, « Malgré leurs rêves de révolution, les antimonarchistes peuvent prendre leur mal en patience. » Le Figaro qui cite l’historien américain Frank Prochaska,auteur d’un livre intitulé The Republic of Britain. « “Le peuple britannique n’est pas prêt à abolir le régime. Il est attaché à la stabilité sociale incarnée par la monarchie. Certes, personne n’inventerait la monarchie aujourd’hui, mais on ne jette pas aux orties une institution qui a fonctionné pendant mille ans”. D’autant que la confiance dans les politiciens professionnels, rajoute Le Figaro, est très limitée. »