A la Une: François Hollande ouvre le robinet

Le président annonce l’accueil de 24 000 réfugiés en France. Pour certains commentateurs ce matin, c’est une goutte d’eau, pour d’autres, nous allons bientôt être submergés…

Le Figaro s’alarme : « nul ne veut avoir mauvaise conscience, surtout après la photo du petit Aylan gisant sur une plage turque. Mais plus tard ? Quatre millions d’individus peuplent déjà les camps de déplacés du Moyen-Orient, 350 000 autres sont arrivés en Europe depuis le début de l’année, et ils seront plus du triple d’ici au mois de décembre. Inutile de dire que le dispositif permanent et obligatoire mis en place pour répartir 160 000 personnes dans les pays de l’Union risque d’apparaître très vite insuffisant, affirme Le Figaro. Les réfugiés, combien seront-ils demain ? Sans doute des millions, fuyant la terreur islamiste. »

A contrario, pour L’Humanité, avec seulement 24 000 réfugiés, on est loin du compte… « Du souffle nous était promis et nous n’eûmes qu’un zéphyr, estime le quotidien communiste. Le président de la République, hier, lors de sa conférence de presse, s’est contenté de quelques grands mots pour un tout petit geste, l’accueil de 24 000 réfugiés. Pourquoi, s’interroge L’Humanité, ce chiffre bien en retrait sur les principes du droit d’asile français et sur les capacités d’accueil d’un pays comme le nôtre ? »

Ouest France renchérit : « l’Europe va accueillir 120 000 demandeurs d’asile, la France 24 000. Même pas un par commune. Une goutte d’eau, comparé à ce que vivent le Liban ou la Turquie. »

Pour Libération, c’est malgré tout un « premier pas. […] Mieux vaut tard, s’exclame le journal. Par ses propos solennels, François Hollande fait écho aux déclarations d’Angela Merkel, dont l’effort pédagogique vis-à-vis de son peuple et des Européens a été remarquable. France et Allemagne défendent une certaine idée de l’Europe, qui n’est pas seulement une union économique mais surtout une œuvre politique et morale qui vise à assurer la paix et le respect de ses valeurs fondatrices. Voilà un acte symbolique qu’il faut saluer, estime Libération. […] Hollande annonce l’accueil de 24 000 personnes […]. Le geste est appréciable […]. On fait un pas dans la bonne direction. Mais nous ne sommes qu’au début d’un processus, qui demandera un vaste effort d’explication. »

Les mots pour le dire…

En tout cas, pour La Dépêche du Midi, le président a su trouver les mots : « François Hollande a su employer des mots à la fois faits de gravité et d’émotion lorsqu’il a brossé ce tableau de la tragédie : l’acte terroriste dans un train reliant la Belgique à la Paris, la destruction de la cité de Palmyre, la vague massive de réfugiés, la mort d’un enfant sur les côtes turques. Gravité et émotion lorsque, rappelant les principes du droit d’asile dans la République, il a eu ce mot : pour la France “le droit d’asile fait partie de son âme, de sa chair”. »

La Dépêche du Midi embraye : « François Hollande a parlé hier avec des mots de chef d’État, conscient que, dans les secousses de l’histoire, il ne sert à rien de se préoccuper de sa propre popularité, d’agir au gré des sondages ou de flatter l’opinion. L’essentiel est ailleurs, il est dans la conviction profonde que la France doit tenir son rang et qu’il lui faut en conséquence dépasser les clivages de basse politique, le triste refrain de celle et de ceux-là qui murmurent à l’oreille de nos égoïsmes. »

Les mots sont peut-être là, mais, estime Sud Ouest, « ces décisions laissent une impression d’inachevé : trop tard, trop peu, trop flou. Trop tardif cet accueil de Syriens qui place le président français à la remorque d’Angela Merkel, de la commission européenne et même du pape. Trop peu, ces frappes aériennes en Syrie décidées avec un an de retard alors que se fait jour l’hypothèse de troupes au sol. Trop flou ce ralliement à la doctrine de quotas européens pour les migrants. »

Trop évasif ?

Au cours de sa conférence de presse hier matin, le chef de l’Etat a également parlé bien sûr de politique intérieure. Et là, il n’a guère convaincu… « Le chef de l’État est loin d’avoir répondu à toutes les questions que se posent les Français, estime L’Alsace. C’est en matière de politique étrangère que le président a été le plus à l’aise et le plus clair. […] Pour ce qui est des sujets touchant à la vie quotidienne des Français, Hollande a, par contre, fait du Hollande, promettant beaucoup mais restant très évasif. […] Le discours a cruellement manqué de concret. »

« Il y a eu deux François Hollande pour une conférence de presse !, relève L’Union. Un président déterminé à faire rayonner les valeurs et les traditions de la France et un chef de l’État imprécis dans la gestion des annonces de sa politique intérieure. […] On veut croire qu’il y aura 2 milliards prélevés en moins d’impôts mais lorsqu’il s’agit d’en connaître le financement, François Hollande ne répond pas. »

« Au total, pointe Le Courrier Picard, pas de quoi répondre aux préoccupations quotidiennes des Français avec un catalogue d’intentions louables […]. Il y manque une dynamique, un message fort, plus concernant que ce robinet d’eau tiède. »

Et, « finalement, conclut La Presse de la Manche, c’est dans le commentaire de son action que le chef de l’Etat semble le plus à l’aise. […] S’il s’affirme plus présidentiel que jamais, face à la gravité des dossiers auxquels il est confronté, il fait aussi la démonstration qu’il est plus que jamais François Hollande, pointe encore le quotidien normand. Avec, sur les grands sujets, une capacité d’analyse évidente qui appelle des décisions fortes, lesquelles décisions, passées au crible de sa recherche d’une position médiane, déçoivent les uns et fâchent les autres. »

Candidat ?

Enfin, dernier point : Hollande sera-t-il candidat à sa propre succession ? Très certainement pour Libération : « Hollande plante – déjà – un bout de ce paysage présidentiel qu’une partie des socialistes théorise depuis des mois. D’un côté “ceux qui veulent diviser, séparer, ségréger, exclure”, dans lequel il range à la fois Marine Le Pen et une partie de la droite, dont Nicolas Sarkozy. De l’autre, ceux qui agissent avec leurs “principes”, leurs “valeurs” et prennent “à bras-le-corps la responsabilité d’affronter” ce qu’on appelle au PS “le bloc réactionnaire”. Manière de tenir sa gauche dans le vote utile et de parler, aussi, à une partie de la droite. »

Et puis pour Le Figaro, la candidature de Hollande ne fait guère de doute : « François Hollande est lucide sur la démonétisation de sa parole. Mettre en avant la transcendance de sa fonction est aujourd’hui le préalable à la possibilité d’une campagne. C’est en affichant une forme de distance par rapport aux jeux politiques qu’il cherche à réduire la distance avec les Français. Et préparer ainsi une nouvelle candidature. Plus que jamais son obsession. »

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