Il y avait l’île de Lampedusa, porte maritime du sud de l’Europe. Désormais, il y a cette route des Balkans, qui part de la Turquie, qui traverse la Grèce, la Macédoine, la Serbie et la Hongrie pour déboucher en Allemagne. Les migrants sont chaque jour plus nombreux, beaucoup viennent de Syrie, d’Irak ou d’Afghanistan, d’autres sont Kosovars, Serbes ou Albanais.
L’Europe est dépassée, constate Sud Ouest : « Angela Merkel huée par l’extrême droite allemande devant un centre d’accueil des réfugiés venus du monde entier. La Hongrie et la Bulgarie qui envoient leurs armées, dont on se demande ce qu’elles pourront faire, vers leurs frontières. La Macédoine débordée, laissant passer des flots d’hommes et de femmes sans foyer vers la Serbie effrayée. Des bateaux qui traversent la Méditerranée, la coque remplie de cadavres, comme hier en Italie, et des miraculés qui arrivent sur les côtes de Grèce. Jamais, constate Sud Ouest, un été n’a connu de tels flots silencieux qui viennent chercher une autre vie, dans un monde qui semble à leurs yeux le seul endroit où se réfugier. Ces migrants ne viennent plus aujourd’hui d’un seul pays désorienté, d’une seule terre désolée. Ils viennent de l’ensemble d’un monde qui va des sources de l’Indus et des confins des montagnes himalayennes au plus profond d’une Afrique soumise à des régimes inhumains et de tout un Moyen-Orient aujourd’hui dévasté, éventré par la démence des soldats d’un ordre noir qui se réclame de l’islam. En moins de quinze ans, notre vieux monde a éclaté, soupire encore Sud Ouest. On ne saura jamais assez maudire la criminelle politique de George W. Bush et de ses éminences grises, qui décidèrent au début du siècle de faire exploser l’Irak sans jamais essayer de trouver une solution de paix en Afghanistan. La conséquence directe de cette folie sont ces longues cohortes désormais quotidiennes. »
L’exemple allemand
Alors, « réfugiés ou clandestins ». Pour Le Figaro, il fait séparer le bon grain de l’ivraie. « Il est urgent, écrit le quotidien d’opposition, de distinguer tous ceux qui fuient la guerre et ses horreurs, réfugiés syriens et irakiens notamment, des autres candidats à l’exil, sans-papiers en quête d’une vie meilleure. C’est précisément l’objectif de la chancelière allemande Angela Merkel, pointe Le Figaro. Elle est prête à accueillir les premiers, pas les seconds, ressortissants balkaniques pour la plupart, désertant les campagnes kosovares ou albanaises. La France devrait suivre l’exemple, estime encore le journal, en refusant et en renvoyant chez eux les très nombreux Africains de l’Ouest qui tentent l’aventure sur son sol. »
C’est vrai, reconnait Libération, « de manière générale, on peut constater la volonté d’ouverture du monde politique allemand, qui s’est engagé en faveur d’un discours positif à l’égard des étrangers. D’autres facteurs ont joué. Le vieillissement du pays, conjugué à une économie high-tech qui tourne à plein régime, laisse prévoir une pénurie croissante de main-d’œuvre qualifiée. Les patrons allemands ont rejoint le chœur de ceux qui veulent accueillir et intégrer les étrangers. Résultat, constate Libération, la droite “merkelienne”, qui n’a pas non plus manqué de constater que la droitisation de l’UMP sous Sarkozy avait avant tout profité au Front national, a toujours refusé d’écouter les sirènes xénophobes. »
L’attitude du monde politique allemand et d’Angela Merkel en particulier est saluée également par La Charente Libre : « dirigée par la fille d’un pasteur, pays de l’Est et de l’Ouest, l’Allemagne détone, constate le quotidien charentais. Si des manifestations violentes dénoncent l’accueil réservé aux demandeurs d’asile – ils seraient près de 800 000 en 2015 – la chancelière ne manque jamais l’occasion, hier encore, d’affirmer le rôle majeur que doit tenir son pays et l’Europe dans l’accueil de ces populations. Certes, l’Allemagne y voit la main-d’œuvre qui lui manque pour faire tourner son économie. Mais par sa conviction à désarmer son propre camp politique sur un sujet aussi sensible, Angela Merkel donne un exemple que la gauche française tellement critique à son égard, pourrait méditer. »
Les partis politiques français bien discrets…
En effet, renchérit Le Républicain Lorrain, « si l’Allemagne, qui accueillera cette année 800 000 demandeurs d’asile, montre l’exemple, la France demeure bien timorée, préférant s’en tenir à une analyse globale et lointaine de cette crise sans précédent. Le silence de la classe politique est à cet égard édifiant. Tournés vers l’élection reine de 2017 ou vers la primaire de 2016, les cadors de la scène nationale donnent l’impression de se préoccuper bien davantage du développement de leur petite boutique que du sort de ces vagues de réfugiés. La raison de cette grande prudence qui, espérons-le, n’est pas de l’indifférence, est facile à deviner, relève Le Républicain Lorrain : c’est la peur du Front national dont le discours nationaliste et protectionniste est taillé pour séduire des électeurs inquiets et peu soucieux de faire la distinction entre les immigrés en général et les réfugiés politiques. »
« Le silence gêné des partis politiques français », titre d’ailleurs Le Monde qui cite les propos d’un ministre : « on ne nomme pas les problèmes, on parle de migrants alors que la plupart sont des réfugiés. Il y a quarante ans, à l’époque du drame des boat people, la gauche n’aurait jamais parlé ainsi. Cette peur dans les mots témoigne d’une victoire de l’extrême droite sur le sujet. »
Le Monde constate donc l’inaction coupable de tous les partis… « Au PS, l’été s’est déroulé dans un silence éloquent : pas de réunion extraordinaire du bureau national, nulle pétition face au drame humanitaire, rien de majeur prévu à l’agenda de l’université d’été, du 28 au 30 août à La Rochelle. “Si Jaurès avait été là, il n’aurait pas accepté qu’une cause humaine comme celle-là ne concerne pas le Parti socialiste”, avait pourtant lancé, il y a quelques mois, l’historien Alain Bergounioux, au cours d’une réunion du secrétariat national, où il est chargé des études politiques. »
Et puis à droite, constate encore Le Monde, « après Nicolas Sarkozy qui, en juin, avait comparé l’afflux de migrants en Europe à une fuite d’eau, ce qui avait été critiqué à la fois par MM. Hollande et Valls, seul Xavier Bertrand a rompu le silence, début août, en accusant les Britanniques, dans Le Journal du Dimanche, d’être responsables des tensions à Calais. »