«Le changement régulier des leaders est ce qu’il faut pour l’Afrique»

Robert Jackson, directeur Afrique du département d'Etat américain, est l'invité de RFI. Il s'exprime à l'occasion du sommet de l'African Growth and Opportunity Act (AGOA), un accord commercial préférentiel entre les Etats-Unis et l'Afrique. Le sommet se déroulera, du 24 au 27 août, au Gabon.

RFI : L’AGOA a été renouvelé pour 10 ans. Qu’est-ce qui a avancé dans ce renouvellement ?

Robert Jackson : C’est d’abord le fait qu’il ait été renouvelé pour dix ans et qu’ainsi, cela permettra aux sociétés de mieux planifier. Nous pouvons avoir une prévision concernant les textiles sans qu'il y ait de lois différentes comme il y en avait auparavant.

Le deuxième volet intéressant, c’est qu’il existe également une prévision concernant l’entrepreneuriat par des femmes. C’est très important d’encourager ainsi la moitié de la population africaine.

L’AGOA, l’accord préférentiel, est donc renouvelé pour 10 ans. Pourtant, certains pays africains souhaitaient 15 ans.

Les 15 premières années impliquaient trois renouvellements d’une durée de cinq ans, chacun. C’est la première fois que nous avons un renouvellement qui va jusqu’à dix ans. Je considère que c’est une avancée.

Ainsi, vous pensez que, sur 10 ans, les entreprises africaines vont avoir le temps de planifier et d’organiser la production  ?

Oui. Depuis 2001, les exportations dans le cadre de l’AGOA ont quadruplé. L’année dernière, les 39 pays éligibles ont exporté une valeur de 4,4 milliards de dollars en produits. Des pays comme le Kenya, l’Île Maurice ou Madagascar ont vu leurs exportations s’accroitre de façon importante, surtout dans les secteurs du textile et de l’horticulture. Alors oui, nous croyons que les femmes et les hommes d’affaires ont beaucoup de temps pour planifier et s’assurer que les industries tirent des bénéfices de cette initiative.

L’AGOA profite au Nigeria, à l’Afrique du Sud, à l’Afrique de l’Est. Est-ce que l’Afrique francophone est le parent pauvre ?

Cette année, nous avons un nouveau pays francophone, le Gabon, qui est aussi le pays hôte pour le forum. Nous sommes très contents. C’est la première fois que le forum a lieu en Afrique centrale et nous voulons mettre en exergue les possibilités, pour les francophones, de profiter de cette initiative. Si vous regardez les pays francophones, nous avons, à Dakar, un « hub », comme on dit, pour aider les francophones à exporter. Depuis quelque temps, les pays d’Afrique centrale demandent la création d’un nouveau « hub », cette fois-ci à Douala, et c’est à l’étude. Ce sont plutôt les pays de l’Afrique de l’Ouest qui continuent de produire des produits agricoles, auxquels il faut ajouter de la valeur.

Est-ce que c’est une timidité des pays francophones ou est-ce que c’est un manque d’appétence ou encore un manque d’intérêt de la part des États-Unis ?

Je crois que c’est une combinaison des deux. Je pense néanmoins que les sociétés américaines commencent à mieux connaître les pays francophones.

Le Burundi est toujours dans la liste bénéficiaire de l’AGOA. Pourtant, les États-Unis ont pris des sanctions. Quelles sont ces sanctions, si le Burundi fait toujours partie de l’AGOA ?

La participation de chacun des 39 pays sera renouvelée chaque année. Le Burundi fera l’objet d’une étude particulière, mais pour le moment, il reste qualifié. Malgré cela, nous avons de grosses préoccupations concernant les élections non-crédibles qui ont eu lieu au Burundi. Un des principes de l’AGOA, c’est la démocratie et le progrès dans le respect des droits humains et pour ces raisons, il faudra alors regarder le statut du Burundi mais, pour le moment, je n’ai aucun changement à annoncer.

L’an dernier, le président Obama, lors du sommet États-Unis-Afrique a dit que « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes providentiels ; elle a besoin d’institutions fortes ». Est-ce que vous avez l’impression que les pays d’Afrique ont progressé, cette année ? On a eu quand même un certain nombre de crises. Nous parlions du Burundi mais nous avons eu le Burkina, par exemple.

Je considère que le Burkina est un succès et que le Burundi est une opportunité perdue. Nous sommes convaincus que les changements de leaders qui se font d’une façon régulée et pacifique - comme on a vu au Nigeria – c’est exactement ce qu’il faut pour l’Afrique.

À la veille du sommet de l’AGOA, à Libreville, qu’attendez-vous de cette réunion ?

Cette réunion-ci est vraiment une opportunité pour planifier les prochaines années. Je crois que les grands défis, ce sera de s’assurer que les femmes soient mieux intégrées dans les économies africaines et de s’assurer que les produits agricoles soient davantage exportés. Si nous arrivons à relever ces deux défis, je considérerai le forum réussi.

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